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“Privilégier la santé, la richesse ou la liberté ? Il faudra choisir”

La conférence de presse qui a annoncé la sortie du confinement nous donne une idée de ce qui pourrait nous attendre ces prochaines semaines si nous n’y prenons garde : des journalistes et des politiques mêlés, sans masque, ne se conformant pas aux mesures de distanciation sociale, comme si l’annonce de la sortie du confinement était synonyme d’un retour à la vie d’avant.

Si nous sommes restés chez nous jusqu’à présent et avons mis à l’arrêt la moitié de notre économie pendant un mois et demi, ce n’est pas pour éviter d’être contaminés : tant que nous n’aurons pas de vaccin, il y a de fortes probabilités que nous le soyons un jour. Non, le gel de nos activités extérieures aura surtout servi à étaler la dispersion du virus dans le temps, évitant ainsi que nos hôpitaux prennent l’eau et que ne flambe le nombre de personnes décédées faute d’avoir eu accès aux soins.

Aujourd’hui, alors que l’on prépare un déconfinement par étapes, nous sommes confrontés à trois questions essentielles qui ne pourront malheureusement pas être résolues ensemble de manière satisfaisante. Comme l’explique admirablement bien un professeur à HEC Paris Olivier Sibony, il nous est impossible d’éviter tout à la fois l’explosion de l’économie, de notre système de santé et de nos libertés individuelles. Dans ce trio, il y aura au moins un sacrifié.

Un prolongement du confinement protégerait temporairement notre système de santé mais serait socialement, économiquement et humainement désastreux. L’économie ne s’en relèverait pas. Or, l’économie, ce sont aussi des vies. Sans un minimum de création de richesses, les systèmes de retraite, de soins de santé, de défense, de justice, les infrastructures, etc., ne seraient plus que des ruines, ce qui entraînerait un cortège de misère, de maladies, de décès précoces, d’insécurité, etc.

Mais sortir du confinement la fleur au fusil et le masque en poche et reprendre au plus vite l’activité n’est pas non plus une solution. Sans vaccin ni traitement efficace, face à un virus qui se répand de manière exponentielle lorsqu’il est laissé à lui-même, le système de santé ne tiendrait pas. Si le nombre de contaminés double tous les trois ou quatre jours, à supposer même que nous réussissions à doubler la capacité actuelle en lits de soins intensifs, nous ne ferions que gagner trois ou quatre jours sur l’effondrement inéluctable du système de santé.

Reste alors une solution peu agréable : déconfiner en contenant la propagation du virus dans les limites du gérable. Et pour cela, il conviendra d’opérer une traque sans merci des personnes qui pourraient avoir été contaminées, pour les mettre en quarantaine. Or, nous n’avons pas sous la main ces prochaines semaines des centaines de milliers d’enquêteurs immunisés afin d’interroger et de tester la population régulièrement. Il reste donc nos smartphones. Même si cela nous est profondément déplaisant, il faudra nous résoudre à mettre en place des applications indiscrètes permettant de nous dire si nous avons été en contact avec un contaminé, en accompagnant ces mesures de traçage de fortes incitations à se mettre en quarantaine si cela devait être le cas.

L’économiste britannique Nicolas Kaldor avait imaginé, pour décrire le problème de la gestion économique d’un pays, un ” carré magique ” avec, en ses quatre coins, un objectif à remplir : le plein emploi, la stabilité des prix, la croissance, l’équilibre du commerce extérieur. Et Kaldor avait montré qu’il était impossible de poursuivre ces quatre objectifs en même temps. A moins d’un miracle (la découverte rapide d’un traitement ou d’un vaccin), nous sommes aujourd’hui confrontés à un problème similaire. Entre la croissance, la santé et la liberté individuelle, il faudra faire un choix. Et ce sera douloureux, quelle que soit l’option choisie.

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