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Pourquoi les “bullshit jobs” ou “jobs à la con” existent et prospèrent?

Pourquoi les “bullshit jobs” ou “jobs à la con” existent et prospèrent? C’est avec cette question dérangeante que David Graeber est devenu mondialement célèbre. Dans son livre, sorti l’an passé, il démontre que beaucoup de jobs ne servent à rien, pire ils sont même carrément inutiles! Paradoxalement ce ne sont pas les moins bien payés.

David Graeber, un anthropologue très connu dans le monde anglo-saxon, estime que beaucoup de jobs actuels sont ce qu’il appelle des “jobs à la con” ou des “jobs inutiles”.

Après avoir consacré un article choc à ce sujet en 2013, il a sorti un livre en septembre dernier sur le sujet. C’est vrai, en anglais, son concept est plus savoureux, car il parle de “bullshit jobs”. Un vrai “job à la con”, selon ce professeur à la London School of Economics consisterait, “à être conscient que, si notre boulot était supprimé du jour au lendemain, cela ne changerait rien à la marche du monde, et pire encore, personne ne s’en porterait plus mal”.

Et si nous ne savons pas encore si notre job répond au critère ou pas, ce même anthropologue propose la méthode empirique suivante pour définir un “bullshit job”: il nous propose d’imaginer la disparition de l’activité et d’évaluer son impact sur la société. Ainsi, si les infirmières, éboueurs ou mécaniciens venaient à disparaître, les conséquences seraient immédiates et catastrophiques, nous dit David Graeber. Un monde sans profs ou dockers serait bien vite en difficulté.

Mais qu’en est-il des gens du marketing, des financiers ou des juristes, qui avouent eux-mêmes, dit-il, la vacuité de leur travail. En fait, ce que vise cet anthropologue, c’est par exemple le consultant dont les rapports ne sont lus par personne, l’assistant brassant de l’air car son chef a besoin de justifier sa position hiérarchique, l’avocat d’affaires gagnant de l’argent uniquement grâce aux erreurs du système, etc.

Pour cet anthropologue, des tas de personnes aujourd’hui souffrent de l’absence de sens de leurs jobs, de l’absence de signification.

Un vrai “job à la con”, consisterait “à être conscient que, si notre boulot était supprimé, cela ne changerait rien à la marche du monde, et pire encore, personne ne s’en porterait plus mal”.

Evidemment, la question évidente, c’est : si ces personnes sont convaincues de l’inutilité de leurs jobs, pourquoi ne se révoltent-elles pas ? Et là, la réponse de David Graeber est claire : les titulaires de “jobs à la con” ne se révoltent pas, car le travail est une partie de notre identité. Lorsqu’un inconnu nous demande ce que nous faisons, nous répondons par notre métier !

Et comme cet anthropologue est plutôt de gauche, Graeber soutient que les “bullshit jobs” font partie d’un système qui maintient au pouvoir le capital financier. Je le cite : “La classe dirigeante s’est rendu compte qu’une population heureuse et productive avec du temps libre était un danger mortel”.

Selon lui, notre système libéral actuel est arrivé au même point que les systèmes soviétiques de la deuxième moitié du XXe siècle, c’est-à-dire à employer un très grand nombre de personnes à ne rien faire. C’est une sorte de remake de la fameuse blague communiste : je fais semblant de vous donner un job, et vous faites semblant de travailler.

Dans des interviews accordées à la presse, David Graeber reconnait que les “bullshit jobs” sont une aberration car ils vont à l’encontre des principes du capitalisme, car avec le jeu de la concurrence, ces jobs à la con ne devraient pas exister.

Voilà un livre qui secoue, qui est évidemment excessif, qu’il ne faut pas prendre à la lettre, mais qui force au moins à réfléchir. Et c’est l’unique but de cette chronique, sans quoi, David Graeber aurait beau jeu de démontrer que moi aussi, j’ai un “bullshit job”.

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