Pour faire face à la pénurie de travailleurs, l’UE mise sur l’immigration

"Nous embauchons !" dans la vitrine d'un café Black Sheep à Londres le 16 mai 2022 © iStock

Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique … les pays européens font tous face aujourd’hui à la pénurie de main d’oeuvre, notamment causée par une réduction du nombre d’actifs.

3% de jobs vacants dans les secteurs européens de l’industrie, de la construction et des services au deuxième trimestre 2022. C’est ce qu’indiquent les données fournies par l’agence européenne de statistiques Eurostat. Les Pays-Bas est le pays dans lequel ce pourcentage est le plus haut avec 5,1% de jobs vacants, suivi de la Belgique avec 5%. C’est 4,5% en Allemagne.

Si les dirigeants allemands ont annoncé au mois de septembre vouloir accélérer les naturalisations pour attirer les travailleurs étrangers, c’est la France qui, à travers son ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, a annoncé en début de mois la création d’un titre de séjour “métiers en tension“. Ainsi, les Etats membres essaient tant bien que mal de pallier ce manque de main d’oeuvre en se tournant vers les étrangers. Et l’Union européenne semble partie pour les y encourager.

La cause: une population vieillissante et une baisse des actifs

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (LIBE) a récemment abordé ce problème lors d’une réunion. La Commission européenne, représentée par Beate Gminder, la directrice générale adjointe de la Politique migratoire, était présente et a fait le constat d’un “vieillissement de la population européenne” et d’un “rétrécissement de la population active”, qui est passée de 65% en 2019 à 56, voire 54% aujourd’hui.

La diminution des actifs a créé une pénurie dans vingt-huit professions dans les secteurs du tourisme, de l’informatique, de la santé, et de la logistique notamment. “Cela sape la compétitivité de l’Union européenne” a-t-elle ajouté.

La directrice adjointe de la Politique migratoire a ensuite souligné que la migration intra-UE n’était plus suffisante pour répondre à ce besoin de main d’oeuvre. Par conséquent, l’Europe doit chercher en dehors de ces frontières, dans les pays tiers. Elle précise que l’invasion russe “a perturbé les plans“, l’UE ayant mis sur pied un projet pilote “vivier de talents” au mois d’octobre pour les personnes qui quittaient l’Ukraine. Mais cela n’a pas suffit.

Même si les États membres s’efforcent actuellement de gérer l’arrivée de plus de 5 millions de personnes en provenance d’Ukraine, il n’en demeure pas moins nécessaire de jeter les bases d’une approche durable et commune de la migration de main-d’oeuvre afin de répondre aux besoins de compétences de l’UE à long terme.

Margaritis Schinas, vice-président de la commission européenne chargé de la promotion du mode de vie européen

La solution: la refonte du ‘permis unique’ et le statut ‘résident long séjour’

Afin d’offrir un cadre “plus efficace” à la migration légale, la Commission européenne propose donc de réviser la directive sur le permis unique et la directive sur les résidents de longue durée.

Pour le premier, qui combine permis de travail et permis de séjour, l’UE souhaite “accélérer le processus” à un délai total de quatre mois pour l’acquisition de ces deux permis. Elle autorisera le changement d’employeur et l’obtention du chômage pour une durée de trois mois maximum.

Pour le deuxième, la révision “facilitera l’acquisition du statut de résident de longue durée” dans l’UE en “simplifiant les conditions d’admission, par exemple en autorisant le cumul des périodes de séjour dans différents États membres“. Le regroupement familial sera aussi favorisé.

Les travailleurs étrangers pourront introduire leurs demandes tant dans les États membres que dans des pays tiers. Concernant ces derniers, Beate Gminder a indiqué que l’UE regardait pour l’instant du côté de l’Egypte, de la Tunisie et du Maroc. D’autres pays pourraient être visés, tels que le Bangladesh, le Pakistan et le Nigéria. Dans cet optique, la Commission souhaite intensifier la coopération opérationnelle avec les pays partenaires en créant un “réservoir de talents européen” et “une plateforme de mise en correspondance à l’échelle de l’UE“.

Chaque année, 2 à 3 millions de ressortissants de pays tiers arrivent légalement dans l’UE, contre 125 000 à 200 000 personnes arrivant dans des conditions irrégulières. La migration légale est essentielle pour notre reprise économique, la transition numérique et écologique et la création de voies sûres d’entrée en Europe, tout en réduisant la migration irrégulière.

Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures

Beate Gminder souligne que la concurrence est féroce et surtout internationale. D’autres pays tels que le Canada, les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni font face à la même problématique, et souhaitent adopter une stratégie similaire. L’idée est donc de devenir plus attractif que les autres. Aujourd’hui, sur 23 millions de ressortissants, 10 millions disposent du permis de séjour longue durée, et seulement 3 millions du permis de travail européen. Enfin, la directrice générale adjointe ne manque pas de mettre en avant la possibilité de réduire la migration irrégulière en renforçant la migration régulière.

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