Pas de plafonnement des prix pour les voyages scolaires: « Une douche froide pour les familles »
Avec l’augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires, les frais de voyages scolaires pèsent de plus en plus sur les finances des parents. La ministre de l’Education Caroline Désir (PS) souhaitait plafonner le prix des voyages scolaires. Le projet ne devrait finalement pas aboutir dans un futur proche. Ce revirement fait vivement réagir le PTB et la Ligue des familles.
Les coûts des excursions et voyages font partie des frais scolaires les plus importants pour les familles, déplore La Ligue des Familles. En moyenne, un parent d’élève de primaire paie 311 euros pour un voyage scolaire de 3 jours et plus. Le coût moyen est de 514 euros en secondaire. Il s’agit du montant pour un seul enfant de la fratrie. Cette moyenne cache des disparités très importantes entre écoles, puisque 25% des familles paient plus de 500 euros pour un seul voyage en primaire et plus de 700 euros pour un seul voyage en secondaire.
Les parents font des sacrifices importants pour financer les voyages des enfants, au risque de brader ou supprimer les vacances en famille. Ce phénomène n’est pas isolé : l’IWEPS rapporte que plus de 30% des Wallons ne savent pas se payer une semaine de vacances chaque année.
Échelonner les paiements ne suffit pas
La Ligue des Familles a recueilli les témoignages de ces familles en difficulté financière : « On essaie de faire tout ce qu’on peut pour que l’enfant parte en voyage scolaire, parce que nous, on ne peut pas. On préfère se priver de vacances en famille, mais que l’enfant ne se sente pas rejeté à l’école »
Et même quand l’école propose d’échelonner, cette solution est insuffisante et pèse lourd sur les finances des familles, chaque mois, selon ces parents. « L’école propose de payer 40 euros chaque mois. J’ai des jumelles, 80 euros par mois en plus de tout le reste, c’est impayable… »
“On préfère se priver de vacances en famille, mais que l’enfant ne se sente pas rejeté à l’école »
Un parent
Certaines familles témoignent aussi de la difficulté à devoir sacrifier le voyage de certains enfants de la fratrie quand d’autres ont pu partir, parce qu’il n’y a pas d’argent pour tous.
Fin 2022, 18 organisations (associations de parents, syndicats d’enseignants, acteurs de la lutte contre la pauvreté, etc.) ont adressé au gouvernement cinq balises à l’implémentation de plafonds, lui demandant notamment de fixer des plafonds à un niveau proche du coût moyen actuel (350 euros sur les six années de primaire, 550 pour celles de secondaire), et de prévoir une aide financière pour les familles de milieux populaires.
Harmonisation compliquée
Au printemps dernier, la ministre de l’Education Caroline Désir (PS) avait annoncé vouloir rapidement déposer une proposition pour plafonner les prix des voyages scolaires avec nuitées, lesquels peuvent parfois dépasser le millier d’euros. Mais son cabinet a indiqué début de semaine que le projet ne serait finalement pas déposé dans un avenir proche. Vu les importantes différences de niveau socio-économique entre écoles, une harmonisation semble en pratique particulièrement compliquée.
En mai dernier, elle avait annoncé que ces mesures limitatives seraient d’application à partir de la rentrée 2024, mais sans avancer jusqu’à ce jour de montants précis. La ministre assure ne pas avoir renoncé à son projet.
« La solution des plafonds n’est pas forcément la plus facile à mettre en place : il y a beaucoup de disparités d’une école à l’autre, dans les attentes des familles ainsi que dans les possibilités qu’ont les écoles d’organiser des voyages à bas prix. Il faut donc trouver le juste équilibre pour ne pas empêcher les voyages, mais en même temps éviter qu’ils soient inaccessibles pour les familles », laisse-t-on entendre à son cabinet. « À ce stade, il n’existe pas de consensus entre acteurs de l’enseignement sur des montants de plafond et leurs modalités de mise en œuvre. Toutefois, une note proposant un état des lieux et des orientations est en cours de finalisation et des discussions seront entamées début septembre au sein du gouvernement », assure l’entourage de la ministre.
Douche froide
La décision de la ministre Désir a fait bondir le PTB. « C’est une douche froide pour les familles », réagit Alice Bernard, cheffe de groupe PTB au Parlement de la Communauté française, dans un communiqué. « Au printemps 2022, [Caroline Désir] avait annoncé une initiative pour la rentrée 2022. Puis en mai dernier, elle a promis des plafonds pour juin, puis pour cette rentrée scolaire. Elle en a d’ailleurs l’obligation légale, cette mesure étant inscrite dans le Code de l’enseignement depuis 2018. Nous demandons à la ministre de respecter son engagement. C’est une mesure nécessaire pour l’accès à l’enseignement pour tous les élèves. »
Quant à l’argument sur les différences de niveau socio-économique entre écoles, la députée rétorque : « Est-ce ainsi qu’on lutte contre les inégalités? Les prix pratiqués par certaines écoles sont impossibles à payer, cela contribue à la sélection sociale et au marché scolaire. Quand on se dit de gauche, on ne peut pas capituler et continuer à l’accepter. Des parents doivent renoncer à laisser partir leurs enfants, même pour des excursions d’un jour. C’est humainement et pédagogiquement inadmissible. »
Selon Alice Bernard, un élève sur vingt en primaire ne peut pas participer aux voyages scolaires à cause de leur coût. En secondaire, il s’agirait d’un sur dix.
Inégalités entre les écoles
L’Union francophone des associations de parents de l’enseignement catholique (Ufapec) plaide pour un plafonnement du coût réel des voyages scolaires, et pas uniquement de la part à charge des parents. Les parents de l’enseignement catholique redoutent que l’éventuel plafonnement ne porte que sur les seuls frais réclamés aux parents, et non sur le coût total du voyage. Or, pour l’Ufapec, une limitation ne visant que la seule contribution des parents risquerait d’engendrer des inégalités entre les écoles.
« Certaines écoles ont d’autres ressources financières qui leur permettent de réduire les coûts à charge des parents. Certaines écoles communales et provinciales reçoivent des subventions pour financer ces voyages », a souligné le secrétaire général de l’Ufapec, Bernard Hubien, lors d’une conférence de presse.
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