Paradise Papers: de l’argent public belge aux îles Vierges britanniques

© The Asahi Shimbun/Hidefumi Nogami

La SBI, ou “Société belge d’investissement”, détenue à 64 % par l’État belge, apparaît dans les “Paradise Papers”, rapportent mercredi Le Soir, De Tijd et Knack. Elle détient un intérêt financier dans une société nommée “Infra Asia Development (Vietnam) Limited”, immatriculée aux îles Vierges britanniques, juridiction qui figure sur la liste noire belge des paradis fiscaux.

De l’argent public belge est donc lié à cette société offshore, créée en octobre 1996, révèlent Le Soir, De Tijd et Knack, qui ont rencontré les co-CEO de la SBI, Philippe Hermans et Erna Vandeplas. C’est via Infra Asia Development que la SBI a pu monter à bord, en 1999, d’un projet de construction d’une zone portuaire à Dinh Vu, au Vietnam, projet porté par l’anversoise Rent-a-Port et l’assureur américain AIG, qui a entre-temps quitté le navire (Rent-a-Port rachetant ses parts).

“Dès que Rent-a-Port a eu le contrôle de la structure, ils ont immédiatement déplacé la société vers une juridiction 100% légitime”, soutient le co-CEO de la SBI.

En 2014, une nouvelle société a été créée, logée à Hong Kong: Infra Asia Investment, holding dans lequel la société des îles Vierges est logée. La SBI a entre-temps aussi commencé à revendre ses parts du projet et ne détient que moins de 4% d’Infra Asia aujourd’hui.

Des têtes connues

Embarrassant: Hans D’Hondt (étiqueté CD&V), patron du fisc belge, faisait partie du conseil d’administration de la SBI de mars 2006 à juin 2016. Il affirme cependant que “dans les rapports faits au conseil d’administration, c’est la destination finale qui est toujours mentionnée”, soit, dans ce cas, le Vietnam. Autre tête connue: Jean-Claude Fontinoy, qui préside le CA de la SNCB, préside également la SBI depuis 2010.

A noter que dans les bilans annuels déposés par la SBI à la Banque nationale, entre 2006 et 2011, la participation dans Infra Asia est renseignée avec une adresse vietnamienne, et non aux îles Vierges, “une erreur” selon les co-CEO, Philippe Hermans et Erna Vandeplas.

“Nous payons nos impôts au Vietnam de façon tout à fait légale”

“Suggérer que des paradis fiscaux ont été utilisés pour éviter la taxation, c’est de la calomnie. Le business est situé au Vietnam et nous payons nos impôts au Vietnam de façon tout à fait légale et transparente”, assure de son côté Marc Stordiau, CEO de Rent-a-Port. La société réfute aussi toute accusation de société-écran via une autre société à Hong Kong.

L’offshore des Îles Vierges, selon la SBI, serait en réalité inutile mais transférer ses parts vers une société moins exotique aurait été difficile, vu la complexité de modifier l’actionnariat d’une société au Vietnam.

Réactions politiques

Interrogé sur la VRT radio, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt a condamné tout recours à une construction financière passant par un paradis fiscal. Mais il dit souhaiter avant tout faire la clarté sur la manière dont ce mécanisme s’est développé et sur les raisons pour lesquelles cette construction est restée dissimulée si longtemps.

“Sur le plan éthique, ce n’est pas acceptable. Mais je veux, en termes de responsabilités individuelles, savoir de quoi l’on parle”, a commenté le ministre N-VA.

Pour Johan Van Overtveldt, il s’agit maintenant de faire la clarté sur la manière dont ce mécanisme s’est développé et sur les raisons pour lesquelles cette construction est restée dissimulée si longtemps.

Le ministre souligne que M. D’Hondt est connu comme “une personne intègre”. Il demande aussi aux journalistes qui ont révélé cette construction de produire leurs sources pour aider le politique à réagir. La police judiciaire allemande aurait ces documents en main. Le ministre assure que des contacts ont été pris avec elle.

Dans l’opposition, le député Ecolo Georges Gilkinet s’est demandé comment le gouvernement pouvait rester crédible dans la lutte contre la fraude fiscale si la SBI participe à de tels montages. Il a répété sa demande de rouvrir les travaux de la commission parlementaire “Panama Papers”, et d’entendre MM D’Hondt et Fontinoy.

Le député PTB Marco Van Hees, de son côté, a pointé du doigt le ministre des Affaires étrangères et ex-ministre des Finances Didier Reynders, dont plusieurs (ex-)collaborateurs administrent la SBI ou Rent-a-Port.

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