​Olivier de Wasseige : “Le monde politique manquait de vision”

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Baptiste Lambert

Fort de ses 10.000 voix de préférence, Olivier de Wasseige (Les Engagés), l’ancien patron de l’Union wallonne des entreprises, est élu au Parlement wallon. Il se sent pris d’une responsabilité pour faciliter la vie des entrepreneurs et des indépendants en Wallonie.

Avec cette majorité de centre-droit qui se profile, les attentes du monde l’entreprise sont grandes. ­Olivier de Wasseige accepte ce poids sur ses épaules et compte bien mettre à profit son expérience du terrain.

TRENDS-TENDANCES. Alors, heureux ?

OLIVIER DE WASSEIGE. Très. Car c’était une grande inconnue pour moi. Heureux de l’avoir fait sur un arrondissement comme celui de Liège, le plus important de Wallonie. Il y avait une appréhension. D’autant que notre résultat de 2019 n’était pas exceptionnel. Mais j’ai été mis en confiance. J’ai pu soumettre ma propre liste, dont huit personnes émanaient de la société civile. Sophie Fafchamps, deuxième sur la liste et entrepreneuse, est également élue.

Vous avez participé à l’élaboration du programme ?

Enormément. Dès le mois de septembre dernier. On a discuté de ce programme avec la société civile, des experts et des partenaires économiques. On est parti de constats très précis.

Justement, quel est votre ­diagnostic de la Wallonie ?

Première chose: nous voulions replacer les entrepreneurs et les indépendants au cœur de notre prospérité. On a vécu ces dernières années, voire ces dernières décennies, un bashing du monde de l’entreprise. Je ne dois pas vous rappeler la déclaration de Paul Magnette sur les patrons, qu’il accusait de tous les maux. Et ce n’était pas une déclaration isolée. Il ne fallait pas s’étonner de voir des entrepreneurs menacer de quitter la ­Wallonie ou des investisseurs étrangers fuir le marché wallon. Il fallait donc un changement d’état esprit. Rendre la confiance à l’entrepreneur.

Comment ?

Il y a d’abord l’aspect de la réglementation. Elle est trop complexe en Wallonie, avec des règles qui se superposent et sont souvent à charge. Il n’y a pas de principe de confiance. On l’a vu avec les écolos, avec des réglementations toujours punitives. Alors que l’administration wallonne doit plutôt jouer un rôle de facilitateur et d’accompagnateur.

Cette paperasse administrative, ce n’est pas un cliché ?

J’ai rencontré des dizaines et des dizaines d’entreprises durant la campagne. Prenons un exemple : deux quinquagénaires décident de créer une biscuiterie artisanale, sur base de recettes de leurs grands-mères. Ils reçoivent le manuel de 600 pages de l’Afsca, illisible et imbuvable. “Tirez votre plan et on revient dans six mois pour voir si vous êtes en règle.” C’est punitif et sans accompagnement.

Le MR veut ramener l’impôt des sociétés à 15% pour les PME, et vous ?

Diminuer la pression fiscale sur nos entreprises fait partie de nos priorités. C’est certainement un moyen de redonner de la confiance aux entrepreneurs. Tant au niveau de l’impôt des sociétés que des charges sur le travail.

“Nous voulons replacer les entrepreneurs et les indépendants au cœur de notre prospérité.” – Olivier de Wasseige

Vous semblez aussi partager la fameuse limitation des allocations de chômage à deux ans.

Oui, mais on a une sensibilité particulière pour redonner l’envie de travailler. C’est le bien-être au travail. Il y a un aspect financier bien sûr, avec la volonté de renforcer le salaire-poche de ceux qui bossent ; 450 euros nets par mois avec le “bonus bosseur”. Mais on y ajoute par exemple le droit à la crèche, dont la crèche d’entreprise, qui donne la priorité aux travailleurs.

Sur la limitation dans le temps des allocations de chômage, on pense qu’il faut donner plus au début, lors de la perte d’un emploi. Et la deuxième différence, c’est que nous n’envoyons pas le chômeur au CPAS. Parce que ce serait le sortir du marché de l’emploi et le laisser tomber dans la précarité. On lui propose donc un emploi public, associatif ou si possible dans le privé.

Dans le cas d’un emploi public, ça ne sera pas plus coûteux ?

Ça ne coûte pas plus cher à l’Etat, car le travailleur revient dans le circuit et génère du précompte et de la TVA. C’est un cercle vertueux.

Vous semblez beaucoup insister sur la santé.

C’est notre priorité numéro 1. La santé et la santé au travail. Notamment avec l’aménagement des fins de carrière. On veut garder les plus anciens dans les entreprises en leur permettant de former les plus jeunes, avec une exonération de 150% des charges. On met aussi l’accent sur les malades de longue durée et la santé mentale, avec un suivi durant la carrière, comme on le fait pour les compétences.

Pour booster ce fameux taux d’emploi, on parle souvent de la formation. Un mot-valise ?

Il faut d’abord appliquer convenablement la réforme du Forem. Avec prise en charge rapide. Ensuite, il faut plus de partenariats public-privé pour l’insertion en entreprise. Il y a trop d’acteurs, trop d’organismes. Et plus de partenariats pour la formation. En outre, on manque encore d’un rapprochement entre le monde de l’entreprise et le monde de l’enseignement.

Le défi est grand pour changer les choses en cinq ans…

L’important, c’est de donner une vision. Le monde politique en manque généralement. Tout ne sera pas réalisable en cinq ans, mais au moins, on a une vision. Dans le temps qui nous est imparti, il faut avancer suffisamment pour que ça devienne irréversible, pour que la prochaine coalition ne détricote pas tout.

Cette vision n’était pas présente ? Le MR, votre futur partenaire, était pourtant déjà au pouvoir…

Trois partis tiraient dans trois sens différents. Il n’y avait pas de vision commune. Il y avait cette culture du saupoudrage, comme pour le plan de relance. Ici, notre opportunité, c’est d’avoir deux partis qui tireront dans la même direction. Avec nos sensibilités.

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