Washington et Pékin prolongent à nouveau leur suspension tarifaire. Mais derrière cette pause apparente, les droits de douane restent élevés et les désaccords profonds. Les experts craignent un conflit commercial qui s’installe durablement.
Quelques heures avant l’entrée en vigueur de droits plus élevés, Donald Trump a signé un accord prolongeant de 90 jours la trêve tarifaire avec la Chine. Les deux pays suspendent leurs droits de 24 % sur les marchandises de l’autre, tout en conservant une taxe résiduelle de 10 %.
Pékin prolonge aussi la suspension de ses restrictions contre les entreprises américaines inscrites sur sa liste noire et sa liste de contrôle des exportations.
Cette annonce prolonge l’accord obtenu en mai dernier et faisait suite aux discussions de Stockholm fin juillet. « L’extension des tarifs douaniers était nécessaire pour que les négociations commerciales se poursuivent pendant que la planification d’un éventuel sommet se poursuit », a estimé Jeff Moon, ex-représentant adjoint au commerce américain.
Des droits toujours massifs
Malgré ce gel partiel, les taxes sur les échanges bilatéraux restent très élevées :
- Importations chinoises aux États-Unis : droits moyens de 54,9 %, selon le Peterson Institute for International Economics, cité par CNBC.
- Importations américaines en Chine : droits moyens de 32,6 %.
Pékin impose en plus 10 à 15 % de taxes supplémentaires sur certains produits-clés comme le soja ou les énergies fossiles.
Pour Moon, même un accord définitif pourrait ne pas résoudre le problème structurel de la surcapacité industrielle chinoise, alimentée par de lourdes subventions publiques : « Ce résultat insatisfaisant garantit que la guerre commerciale se poursuivra indéfiniment ».
Des priorités incompatibles
Les lignes rouges des deux camps sont éloignées :
- Pour Pékin : suppression totale des droits, accès élargi aux technologies avancées, levée des sanctions.
- Pour Washington : réduction du déficit commercial et engagements accrus d’achats agricoles et de services.
Donald Trump a rappelé que « l’agriculture est une priorité absolue », espérant que la Chine quadruplera ses commandes de soja. Les importations chinoises ont effectivement progressé ces derniers mois (+36,2 % en mai, +10,4 % en juin, +18,4 % en juillet).
Une négociation minée par la technologie
Le dossier des semi-conducteurs reste explosif. Washington a assoupli les restrictions pour les puces Nvidia H2O en échange d’un prélèvement de 15 % sur les ventes en Chine. Le même accord existe avec AMD. Mais la Maison-Blanche hésite à autoriser la vente de puces plus avancées comme les Blackwell (Nvidia), même en version « dégradée », en raison des risques pour la sécurité nationale.
Les responsables chinois, eux, poussent pour un allègement plus large des contrôles à l’export, estimant que ces technologies sont essentielles à leur développement industriel.
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Minerais critiques : la monnaie d’échange
Entre-temps, la Chine a desserré en juin ses restrictions sur les terres rares : exportations mondiales +60% à 7.742 t et livraisons d’aimants permanents vers les États‑Unis multipliées par sept dans le mois.
Un signal d’ouverture… et un rappel de sa position dominante sur ces intrants clés.
Un statu quo qui s’installe
Mais en multipliant les prolongations temporaires sans régler les différends de fond, Washington et Pékin installent un mode de gestion permanent du conflit. L’équilibre est fragile, mais il permet aux deux capitales de conserver des leviers de négociation.
Les entreprises, elles, naviguent dans un climat d’incertitude chronique. Ce qui n’aide certainement pas à réaliser le premier objectif de Donald Trump : réindustrialiser les États-Unis.
Lundi, Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor, a confié au Nikkei que les discussions menées avec plusieurs pays devraient se clôturer d’ici octobre. Un timing qui rouvre une fenêtre pour Pékin, tandis que l’Europe attend encore le cadre de sa prochaine négociation avec Washington.
La trêve, elle, durera jusqu’au 10 novembre. Avant une nouvelle prolongation ?