Les Engagés se positionnent sans cesse dans une majorité fédérale très à droite. Le climat et Gaza donnent lieu à de nouvelles critiques de leur président, Yvan Verougstraete. Une manière d’exister. Le PS leur propose… de gouverner avec eux. Mais la stratégie socialiste consiste aussi… à récupérer des parts de marché au centre.
Yvan Verougstraete, président des Engagés, s’étrangle. “Celle-là, je ne peux pas la laisser passer non plus, rugit-il en commentant un entretien accordé par David Clarival à L’Echo, ce week-end. Je la mets même dans la pile des collectors à ressortir dans 10 ans quand les mêmes se plaindront que l’on a pas investi pour limiter l’impact du réchauffement climatique ou que l’on aura pas anticipé les grandes mutations stratégiques.”
Dans cet entretien, le vice-Premier ministre libéral soulignait la nécessité d’une “pause” climatique pour sauver l’industrie. “Quand, avec De Croo, on avait dit qu’il fallait faire une pause dans les réglementations environnementales, on nous avait traités de fous et d’horribles climatosceptiques, souligne-t-il. Maintenant, c’est la Commission qui dit qu’il faut changer de cap. Et réorienter le paquebot est un travail de longue haleine, qui va aussi nécessiter toute une série de changements au niveau national.”
“Pas des patrons de Kodak!”
Une pause, donc? “Clairement parce qu’on a été trop loin et trop vite, dit David Clarinval. Sans cela, les entreprises en Europe vont tout simplement partir vers les États-Unis et vers l’Asie. Regardez ce qui s’est passé avec les producteurs de voitures, d’acier, de panneaux photovoltaïques… Si on ne veut pas que toute l’industrie européenne subisse le même sort, il est grand temps de changer d’orientation et de mettre en pause une série de mesures.”
Ce discours ne passe pas chez Yvan Verougstrate, dont la sensibilité environnementale est forte. “Vouloir transformer le marché du travail, oui mais croire que cela suffit et qu’il n’est pas urgent d’anticiper la transition, ce serait une grave erreur! Elle sera bien belle notre industrie avec les pieds dans l’eau et les forêts qui brûlent… Opposer économie et écologie, ne pas tenir compte des questions climatiques et ne pas investir pour y répondre, c’est comme un patron qui décide d’optimiser ses résultats court-termes en mettant en danger, l’avenir de sa société.”
Il prolonge: “Au-delà même de notre devoir moral, investir dans l’environnement relève tout simplement du bon sens économique. Mettre en pause les mesures climatiques, c’est mettre en pause notre avenir. Alors que les dérèglements s’accélèrent, reculer serait une faute historique. L’urgence exige de l’action, pas de l’attentisme. Nous ne voulons pas être les patrons de Kodak… Vous non plus? Alors regardons vers l’avenir!”
“Gouverner avec des partis compatibles”
L’échange n’est pas passé inaperçus au PS. Thomas Dermine, bourgmestre de Charleroi et délégué du parti aux entreprises, tend une perche: “Dis Yvan, plutôt que de faire une pile de collectors de déclarations rétrogrades de partenaires qu’on assume pas, ce serait pas plus facile de gouverner avec des partis compatibles avec ses valeurs?”
Une main tendue aux Engagés, c’est également ce que fait Paul Magnette, président du PS, au sujet de la reconnaissance de l’Etat palestinien. “Si Macron peut le faire, il n’y a aucune raison que la Belgique ne le fasse pas aussi, disait-il la semaine passée. Face au génocide en cours, reconnaître la Palestine est la seule manière de mettre le gouvernement Netanyahou sous pression et d’avancer vers la paix.”
Dimanche, le président socialiste a envoyé une lettre à tous les présidents de part, à l’exception du Vlaams Belang, pour leur proposer de voter en ce sens. Il leur suggère d’agir “dans un esprit transpartisan” en vue d’un “sursaut moral”. Là encore, l’objectif clair consiste à contourner le MR.
Georges-Louis Bouchez, leur président, a longuement justifié dans un message diffusé sur les réseaux sociaux pourquoi il estimait cette reconnaissance prématurée et “pourquoi la reconnaissance de la Palestine est au mieux un symbole, au pire contre productive“.
“Aujourd’hui, la priorité, c’est la situation humanitaire dans la Bande de Gaza et un cessez-le-feu définitif, argumente-t-il notamment. La reconnaissance de la Palestine ne permet ni l’un, ni l’autre voire les rend plus compliqués, car elle raidira encore la position israélienne et nous coupera de la possibilité de négocier.”
Il ajoute, aussi: “Je ne veux pas que mon pays subisse l’infamie de se faire féliciter par le Hamas. Aucune reconnaissance ne pourra intervenir tant qu’une entité terroriste contrôle une partie complète du territoire. Avant une reconnaissance, il faut le retrait du Hamas, une autorité palestinienne capable d’administrer le territoire, des garanties mutuelles de sécurité pour la Palestine et Israël, des garanties de reconnaissance mutuelle des deux Etats et une reconnaissance d’Israël par tous les Etats arabes.”
Du positionnement, mais…
Ces divergences entre Engagés et MR se multiplient et le PS compte bien les attiser. Tant Maxime Prevot qu’Yvan Verougstraete s’irritent des sorties permanentes de Georges-Louis Bouchez, a fortiori quand cela concerne les compétences du premier nommé au fédéral, les Affaires étrangères.
Le socle des majorités fédérales et wallonnes consistant à réformer l’Etat et mettre fin à des années de gestion socialiste reste toutefois d’actualité. L’accord de l’été l’a démontré, même si les Engagés cherchaient là aussi à se positionner en réclamant davantage de moyens pour les CPAS.
Le prochain bras de fer budgétaire de l’automne risque toutefois de provoquer de nouvelles saillies. Il s’agira notamment de trouver des moyens dans les soins de santé, un tabou absolu pour les Engagés. Les propos de GLB affirmant que l’on avait besoin d’une politique à la Thatcher sont déjà mal passés chez ses partenaires.
Entre Engagés et MR, la lune de miel est terminée et le PS le sait. La stratégie socialiste consiste, aussi, à tenter de récupérer les nombreux électeurs partis au centre lors du scrutin de juin 2024, en démontrant les recensements des Engagés. La politique, c’est aussi et surtout des parts de marché.