Lire la chronique de Thierry Afschrift
“Notre vraie dépendance excessive, c’est celle que nous supportons en permanence, par rapport à l’Etat, cette structure qui veut se mêler de tout”
Depuis que la crise du Covid-19 nous affecte, de nombreuses voix se sont exprimées pour se plaindre de notre dépendance prétendument excessive à l’égard des productions étrangères, et singulièrement de celles provenant de Chine. Ceux qui émettaient de telles critiques proposaient, après la crise, de prendre des mesures pour “réindustrialiser” l’Europe afin d’éviter des pénuries de produits indispensables.
Ces personnes, qui prônent ainsi étrangement un ” repli sur soi “, font semblant d’ignorer les raisons pour lesquelles les industries ont fui l’Europe. Notre système fiscal et social est tel que les coûts de production y sont excessifs et qu’il est préférable d’importer des produits fabriqués ailleurs que de les produire ici. Le premier bénéficiaire de cette situation est le consommateur, qui achète beaucoup moins cher. Si notre pouvoir d’achat a augmenté de manière impressionnante au cours des 30 dernières années, c’est en grande partie dû à la mondialisation.
Il n’est par ailleurs pas correct de prétendre que si l’on manque, en Belgique, de certains produits comme des masques, des tests ou même des médicaments, la mondialisation en serait responsable. Si, soudainement, le besoin en certains produits très spécifiques augmente de façon exponentielle, il est logique qu’ils soient plus difficiles à trouver, en raison d’un déséquilibre momentané entre l’offre et la demande.
Ce déséquilibre n’est pas dû au fait que les produits sont fabriqués en Chine ou en Inde, plutôt qu’ici, mais simplement au fait qu’ils sont beaucoup plus demandés. Si les usines de ces produits se trouvaient en Belgique, il faudrait également du temps pour que la production s’adapte à la demande.
De plus, ce genre d’affirmation ressemble à celles que l’on profère après chaque guerre : on retient les leçons requises pour gagner la guerre qui a déjà eu lieu mais non la suivante. Il ne sert sans doute pas à grand-chose de recommencer à stocker le matériel nécessaire pour affronter la pandémie suivante, alors que la précédente ayant bouleversé notre pays (la grippe espagnole) datait d’il y a 100 ans. Aucun pays ne peut posséder en permanence des stocks de matériel ou de marchandises lui permettant d’affronter toutes les catastrophes imaginables. D’ailleurs, on a pu constater que lorsque de tels stocks existent, on peut compter sur les pouvoirs publics pour les détruire ou les rendre inutilisables, comme ce fut le cas des 63 millions de masques du gouvernement.
L’essentiel est de parvenir à se procurer les objets indispensables lorsque la nécessité survient. Cela suppose un marché qui s’adapte suffisamment aux nouvelles exigences et qui est capable de réagir dans l’urgence. On ne peut pas dire que les producteurs chinois aient manqué de réactivité puisque leur production des produits nécessaires a effectivement augmenté en très peu de temps.
Mais cela suppose aussi des acheteurs capables de réagir de manière instantanée sur le marché. Il n’y a guère de doute que nos hôpitaux, sachant de quoi ils ont besoin et connaissant leurs marchés, y auraient réussi si on les avait laissé faire avec une autonomie suffisante, plutôt que de les placer sous la tutelle de bureaucrates.
Malheureusement, nos pouvoirs publics ont voulu, dans cette crise, tout contrôler. Ils ont déclaré manquer de tests alors que ceux-ci se pratiquaient sur une grande échelle depuis plusieurs semaines dans des drive-in en Corée du Sud, qu’en quelques jours Israël les mettait à la libre disposition du public, et qu’en Belgique les laboratoires privés s’en procuraient ou en fabriquaient mais se voyaient interdire leur utilisation.
On ne compte pas, par ailleurs, les achats malencontreux effectués par des autorités incompétentes, engageant des deniers publics sans savoir exactement ce qu’ils devraient acquérir. En Belgique, tout le monde est capable de se procurer des masques, sauf le gouvernement… Ce qui est arrivé n’est pas une conséquence de la mondialisation.
Notre vraie dépendance excessive, c’est celle que nous supportons en permanence, par rapport à l’Etat, cette structure qui veut se mêler de tout et qui n’aboutit systématiquement qu’à créer des pénuries. Lorsque quelque chose manque, au-delà de quelques jours, c’est toujours parce que les pouvoirs publics se sont emparés du marché, ou l’ont réglementé de manière excessive, ou ont prétendu fixer les prix en dehors du jeu normal de l’offre et de la demande. Nous ne dépendons pas trop de la mondialisation. Nous dépendons, simplement, trop de l’Etat et de son pouvoir aussi coûteux qu’inefficace.
Coronavirus
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici