Non, notre handicap salarial n’a pas subitement disparu par rapport aux pays voisins
Une fuite d’un prochain rapport d’un Conseil central de l’économie laisse pourtant penser le contraire. Mais il est surtout question de jeu d’influence, à quelques mois de négociations salariales qui s’annoncent tendues entre les syndicats et le patronat.
Après avoir trôné au-dessus des 10%, le handicap salarial belge serait subitement retombé à 1%. Mieux : ce handicap se transformerait même en avantage salarial de 0,5% dès 2025. Autrement dit, les coûts salariaux deviendraient plus favorables pour les entreprises belges que pour les entreprises françaises, allemandes et néerlandaises, nos trois principaux voisins. Un changement total de paradigme.
C’est en tout cas ce que laisse entendre un pré-rapport du Conseil central de l’économie, relayé par la presse. Il y a toutefois une importante nuance à apporter. On parle en fait de deux choses différentes : le handicap salarial absolu et le handicap salarial relatif.
Handicap absolu et relatif
Ce chiffre de “1%” concerne en fait le handicap salarial relatif. Il se réfère à l’année 1996, qui a vu naître la loi sur la norme salariale, qui sert de point de négociation de hausse des salaires au-delà de l’indexation automatique. Une loi qui a été mise en place pour veiller à ce que les salaires belges ne dérapent pas trop par rapport aux pays voisins, qui ne pratiquent pas cette indexation (à l’exception du Luxembourg).
Ce handicap salarial relatif, par rapport à l’année 1996, a gagné en importance suite à la vague d’inflation. Au point de grimper à 2,9% l’année dernière. Mais ces derniers mois, des négociations salariales ont eu lieu dans nos pays voisins, au point de rattraper la hausse des salaires en Belgique et de faire redescendre ce handicap à 1% actuellement.
“Mais cela ne dit rien sur le handicap absolu, nuance Edward Roosens, chef économiste à la FEB. Ce handicap est la différence du coût salarial moyen pour une heure de travail dans le secteur privé par rapport à la moyenne des pays voisins”. Il a grimpé autour de 12 à 13%, selon l’organisation patronale, suite aux différentes indexations automatiques en 2023.
“Il est aujourd’hui retombé à 10-11%“, précise l’économiste, après le rattrapage salarial des pays voisins. Ce qui est conforme aux derniers calculs officiels du Conseil central de l’Économie, qui évaluait ce handicap absolu à 10,6% pour le secteur privé (S1-OP) en 2022.
Jeu d’influence
“Ce chiffre de 1% apporte donc de la confusion”, regrette Edward Roosens. La question, c’est pourquoi sort-il aujourd’hui ? En fait, le Conseil central de l’économie est un organe qui est chapeauté par les syndicats et le patronat. Il leur fournit des données objectives, deux fois par an, notamment pour préparer les négociations salariales.
Il faut savoir que ce chiffre de “1%” était connu du Conseil central de l’Économie depuis le mois de juin, mais il avait été décidé de le garder en interne, jusqu’au rapport final, qui doit intervenir en fin d’année.
S’il a fuité dans la presse, c’est parce que des négociations salariales importantes se préparent pour début 2025. Et les discussions risquent d’être quelque peu tendues, car la marge pour les hausses des salaires a été réduite à rien ces dernières années, du fait de l’indexation automatique et de la loi de 1996. Cette fois, les syndicats comptent bien dégager une marge et ils se réfèreront à ce chiffre de 1% pour pouvoir négocier. Après tout, ce chiffre est passé de -0,6% en 2019 à 0,9% en 2022, avant de bondir à 2,9% en 2023. L’année prochaine, il pourrait même repasser en territoire négatif à -0,5%, selon le pré-rapport du CCE.
Là encore, Edward Roosens, qui est dans son rôle, nuance : “Au vu de ce qui se passe en Allemagne, notamment au niveau de l’industrie automobile, il faudra voir ce qui se passe par rapport aux salaires. Par exemple, chez Volkswagen, la direction demande une réduction des salaires de 20% à ses travailleurs.” Quoi qu’il en soit, un ralentissement économique en Allemagne aura évidemment des conséquences sur trois de ses principaux partenaires commerciaux.
Indexation automatique
Par contre, pour ce qui est du débat sur la réforme de l’indexation automatique, le handicap relatif ne semble pas pertinent, au vu du handicap salarial historique de 10% de la Belgique vis-à-vis de ses voisins. Même si les syndicats répondront que ce handicap est compensé par une meilleure productivité ici en Belgique.
Cette réforme, voulue par la FEB, figure en tout cas toujours dans la super-note de Bart De Wever. Ses modalités, comme l’indexation sur le salaire net, par exemple, restent à discuter.
Ces derniers jours, Agoria et Comeos, les fédérations des secteurs de l’industrie technologique et du commerce, ont tiré la sonnette d’alarme sur les coûts salariaux.
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