L’optimisme du Premier ministre De Croo est quelque peu prématuré

Alexander De Croo
Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Les bons résultats économiques pleuvent ces derniers temps en Belgique. Notre économie s’est montrée très solide et l’inflation semble vaincue chez nous. “La forte croissance économique se poursuit. Les prix sont à nouveau stables. Les choix que nous avons faits en temps de crise portent leurs fruits aujourd’hui”, a déclaré le Premier ministre Alexander De Croo sur le réseau social X. Mais cet optimisme est prématuré. Il y a fort à parier malheureusement que ces affirmations n’auront plus lieu d’être lors des prochains trimestres.

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Si “L’optimisme est un devoir moral » (Karl Popper) en économie, un peu de sérieux est parfois autorisé aussi. En affirmant que la croissance économique poursuit son cours et que l’économie belge renoue avec la stabilité des prix, le Premier ministre est très loin du compte. Les indicateurs de conjoncture annoncent déjà un ralentissement économique important en 2024, tandis que l’inflation est pratiquement vaincue. Le Premier ministre reste également sagement silencieux sur le coût de la politique d’aide. La compétitivité de nos entreprises est mise à mal et les finances publiques sont paralysées.

Les chiffres ne mentent pas, bien sûr. Au troisième trimestre, l’économie belge a progressé de 0,5 % par rapport au trimestre précédent. L’économie belge a ainsi surpris à nouveau tout le monde. La Banque Nationale s’attendait à une croissance de 0,2 % à 0,5 % au mieux. Le secteur des services a été la locomotive de l’économie belge, avec une croissance de 0,8 % au troisième trimestre. Il est clair que les consommateurs n’ont pas cherché à voyager plus ou moins cet été et qu’ils ont continué à faire rentrer l’argent sans problème. L’économie belge a donc continué de profiter de l’augmentation du pouvoir d’achat.

Des perspectives moins roses

Si l’on jette un coup d’oeil dans le rétroviseur, l’affirmation selon laquelle la forte croissance s’est poursuivie durant l’été est correcte. Toutefois, la suite s’annonce un peu moins rose. En octobre, la confiance des entreprises s’est à nouveau dégradée en Belgique, tombant à son plus bas niveau depuis 2020. Fait remarquable, la confiance dans des secteurs, comme ceux des services et du commerce de détail en particulier, s’est érodée. Le malaise de l’industrie s’est donc propagé au secteur des services.

Cette baisse de confiance laisse présager un fort ralentissement de l’activité cet automne, sans que la Belgique soit menacée de récession pour autant, car la confiance (toujours élevée) des consommateurs et le marché de l’emploi (toujours solide) ont permis de soutenir l’économie. Dans la zone euro, le refroidissement économique est plus prononcé. Les indicateurs conjoncturels nous indiquent qu’un fort ralentissement, voire une légère récession, est en cours. La politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne fait également son travail.

L’inflation n’est pas encore maîtrisée

Et si les nouveaux chiffres de l’inflation en Belgique ont peut-être fait pousser un soupir de soulagement au Premier ministre, il est prématuré de parler de stabilité des prix. Bien que l’inflation soit tombée à 0,36 % en octobre, cette forte baisse est principalement due à la chute brutale des prix de l’énergie par rapport à l’année précédente. L’inflation sous-jacente, qui ne tient pas compte de la volatilité des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, diminue lentement et, à 6,55 %, reste bien supérieure à l’objectif d’inflation de 2 %.

Une fois que l’effet de la baisse des prix de l’énergie se sera dissipé, l’inflation augmentera à nouveau et dépassera largement les 2 % au cours des prochains trimestres. La stabilité des prix est donc loin d’être une réalité, d’autant plus que la politique budgétaire, toujours expansionniste, de la Belgique jette de l’huile sur le feu de l’inflation.

Les entreprises méritent des remerciements

Les choix opérés par le gouvernement De Croo en temps de crise donnent aujourd’hui de bons résultats. La politique d’aide, visant à maintenir le tissu économique et le pouvoir d’achat intacts, pendant la pandémie et la crise énergétique, porte ses fruits sous la forme d’un consommateur suffisamment confiant pour continuer à dépenser.

Mais le gouvernement n’est pas le seul à pouvoir s’enorgueillir de cette réussite. Le pouvoir d’achat a également été préservé par les entreprises qui, en réponse à l’étroitesse du marché du travail, n’ont pas eu recours aux licenciements ces dernières années, même lorsque l’économie était au plus bas.

Le prix des choix effectués

Le Premier ministre De Croo oublie cependant de mentionner le prix de cette politique d’aide mise en œuvre. Les mesures de soutien ont creusé des gouffres dans les finances publiques, sans que le budget s’en remette automatiquement lorsque l’économie redémarre. Si les politiques restent inchangées, le déficit structurel augmentera encore dans les années à venir, alors que la dette publique est déjà alarmante. Le Fonds monétaire international a déjà averti qu’un effort budgétaire de 5,7 % du produit intérieur brut (PIB) sera nécessaire pour assainir les finances publiques.

Par ailleurs, pour éviter des pénalités bancaires européennes, le prochain gouvernement fédéral devra resserrer les rênes budgétaires, ce qui pèsera sur la croissance économique. Car avec sa politique budgétaire expansionniste, le gouvernement De Croo a hypothéqué la croissance économique.

Le gouvernement De Croo a également accordé très peu d’attention à la baisse de compétitivité des entreprises belges. Grâce à l’indexation automatique des salaires, le pouvoir d’achat a été protégé, mais le handicap salarial par rapport aux pays voisins s’est à nouveau creusé. Ce phénomène était censé être temporaire, mais entre-temps cela porte un coup supplémentaire à l’industrie. Celle-ci était déjà en proie à de graves difficultés, souffrant aussi des prix de l’énergie encore relativement élevés et de la faiblesse économique de l’Allemagne. Plus le malaise de l’industrie persiste, plus il est probable que des fissures apparaissent également sur le marché du travail et dans la confiance des consommateurs… Pour l’instant, l’optimisme du Premier ministre est trop prématuré pour être pris au sérieux.

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