Typhanie Afschrift

L’Iran et nos valeurs

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Le combat des femmes iraniennes pour leur liberté est admirable, et beaucoup parmi nous les admirons. Depuis que l’une d’entre elles s’est fait arrêter par l’odieuse “police des moeurs” et a ensuite été retrouvée morte, visiblement assassinée, les manifestations se multiplient.

Mais le régime reste ce qu’il est: une tyrannie, contrôlée par des religieux sectaires, qui ne reconnaît pas les libertés ni le droit des femmes. Un système totalitaire et répressif fondé sur des principes archaïques que l’on entend imposer par la force et en contraignant les femmes à porter le voile. Les Iraniennes ont le courage d’enlever celui-ci pour défier leurs bourreaux. Mais c’est au prix de centaines de morts, parce que le régime ne recule devant rien pour maintenir son pouvoir. Ce combat est important pour elles et il doit l’être aussi pour nous parce que nous avons des valeurs à défendre.

Il y a des choses sur lesquelles on ne peut transiger. Il y a des “lois au-dessus des lois de l’Etat”, comme le disait Antigone.

Cetes, quelques dirigeants font des déclarations diplomatiques critiquant les excès des mollahs et des autres personnages sectaires qui les suivent. Mais on a l’impression, vu la modération injustifiée des propos, qu’on a peur de blesser les dictateurs en place à Téhéran qui, pourtant, constituent aussi un danger pour la paix dans le monde.

On évoque même la possibilité de restituer à l’Iran les 7 milliards de dollars bloqués dans le cadre des sanctions internationales pour le dangereux programme nucléaire iranien. Veut-on vraiment que cette somme serve à financer la police de moeurs, la construction de prisons et de chambres de torture, ou la poursuite… du programme nucléaire lui-même?

L’Iran est un Etat ennemi, et il faut le dire clairement. Cela vaut pour les organisations de la société civile, et notamment celles qui, très vigilantes à juste titre sur le plan des droits des femmes ici, sont étrangement silencieuses dès lors que les discriminations ont lieu en Iran ou ailleurs dans un autre Etat musulman.

Il faut aussi réaffirmer nos valeurs et le faire savoir. C’est-à-dire confirmer que les libertés individuelles et les droits fondamentaux, en ce compris l’égalité entre les hommes et les femmes, sont immuables et intangibles, universels et éternels.

Il faut donc faire le contraire de ce qu’a fait, avec une rare faiblesse idéologique Alexander De Croo lorsqu’il y a quelques semaines, critiqué pour les mesures liberticides de la période covid, il a tenté d’expliquer qu’aujourd’hui il ne “fallait plus défendre les libertés de la même façon qu’auparavant” et s’est mis à relativiser les libertés fondamentales en se référant, au moins implicitement, à la doctrine marxiste des “libertés réelles”, à opposer aux “libertés formelles”.

Ce n’est pas en laissant entendre que nos valeurs sont variables dans le temps et qu’elles pourraient s’adapter à de vagues nécessités conjoncturelles que l’on va les défendre. Admettre que les libertés seraient variables dans le temps serait aussi reconnaître qu’elles devraient l’être dans l’espace, et donc que les Iraniennes n’auraient pas les mêmes droits simplement parce qu’elles vivent ailleurs.

Les valeurs dont nous avons hérité des Lumières, et donc nos libertés individuelles, doivent être défendues comme étant intangibles. On ne peut y toucher sous aucun prétexte et dans aucune situation. Ni ici, ni ailleurs. On ne doit pas non plus tenter de chercher un prétendu “équilibre” entre les droits fondamentaux et d’autres objectifs. Les libertés s’imposent et les objectifs des Etats doivent être déterminés dans le respect des droits de chacun, pas en réduisant ceux-ci. Il y a des choses sur lesquelles on ne peut transiger. Il y a des “lois au-dessus des lois de l’Etat”, comme le disait Antigone.

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