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L’Europe mène une guerre financière à la Russie, mais il est interdit de le dire publiquement

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Il parait que la première victime d’une guerre, c’est la vérité. Cet adage populaire, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie vient de le redécouvrir à ses dépens.

Invité par mes confrères de France Info, il a été clair et transparent : il a dit que l’Europe était en guerre financière et économique avec la Russie. Il a même précisé que si c’est Poutine et son entourage qui sont visés, le peuple russe va aussi souffrir, car il est impossible de faire autrement. Il a vite découvert qu’il aurait mieux fait de se taire, car tout le monde politique lui est tombé dessus. Il a d’ailleurs vite rétropédalé et via un communique de presse, il a précisé quelques heures plus tard, que le terme “guerre”, qu’il a utilisé était inapproprié et qu’en gros, il s’est mal exprimé puisque chacun sait que le but de l’Europe n’est pas l’effondrement de l’économie russe, mais la libération de l’Ukraine.

Il est vrai qu’en diplomatie chaque mot a son importance et certains peuvent peser des tonnes comme le mot guerre. N’étant pas ministre ni responsable de quoi que ce soit, à part je l’espère de moi-même, je puis vous dire que Bruno Le Maire a juste dit la vérité. Regardez ce qui s’est passé en quelques jours : le rouble a chuté de 30%. Les Russes ne peuvent plus acheter des devises étrangères. Et si la Bourse russe ne s’est pas encore effondrée, c’est pour la simple raison qu’elle n’a pas ouvert ses portes ce mardi. Mais les actions russes cotées sur les Bourses étrangères sont déjà en chute libre : la société pétrolière nationale Gazprom a perdu 53%, et la deuxième banque du pays Sberbank a perdu 74%. Pendant ce temps, les citoyens russes font, en vain, la queue devant leurs banques pour retirer leur argent. Les prix de tous les produits sont fortement en hausse et l’inflation en Russie risque d’être monumentale. Les Russes ne peuvent même plus payer leur métro comme ils le faisaient avec Apple Pay ou Google Pay, car ces services ont été bloqués.

Bref, si ça ce n’est pas un début d’effondrement de l’économie russe alors dites-moi ce que c’est ? Bruno Le Maire a eu tort de dire la vérité, c’est maladroit. Mais la vérité oblige à dire que le but de l’Europe, dès lors qu’elle a décidé de ne pas envoyer des troupes sur place, c’est de transformer la Russie en paria du système financier international. Les décisions prises en quelques jours, c’est du jamais vu. L’Europe a découvert sa puissance économique au cours de cette terrible invasion de l’Ukraine.

Bruno Le Maire, encore lui, a aussi avoué qu’une unité spéciale avait été mise en place en France pour traquer les avoirs financiers et immobiliers des oligarques russes qui soutiennent Poutine. Cette cellule va chercher à geler ces avoirs, peu importe qu’ils soient au nom du conjoint de ces milliardaires, au nom de leurs enfants ou cachés derrière des sociétés-écrans. Ces biens vont être repérés et confisqués. Ca, c’est l’autre stratégie de l’Europe que l’on ne peut pas non plus avouer publiquement. Elle consiste à faire pression sur le peuple russe et sur ses élites pour qu’ils ramènent Poutine à la raison. Mais Bruno Le Maire et aucun autre ministre des finances de l’Europe ne vous le diront aussi sèchement, diplomatie oblige.

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