L’Europe et la Belgique sont en plein emploi, et c’est un problème…

© getty
Baptiste Lambert

Malgré un léger reflux ces derniers trimestres, le taux d’emplois vacants reste très élevé en Europe, et particulièrement en Belgique, qui mène la danse. Le problème est que taux de chômage est relativement faible, ce qui crée de facto une situation de plein emploi. Les difficultés des entreprises à recruter de la main-d’œuvre freinent leurs investissements. Un problème récemment pointé du doigt par le rapport de Mario Draghi.

« La pénurie de main-d’œuvre et de compétences tire la compétitivité future de l’Union européenne vers le bas. Elle met en danger les progrès dans les technologies émergentes » : le récent rapport de 400 pages de Mario Draghi ne pointait pas seulement les problèmes de productivité, de bureaucratie et d’absence de marché des capitaux. Il mettait également en lumière les pénuries de main-d’œuvre, qui ne feront que se renforcer avec la crise démographique. Car il y aura bientôt plus de personnes qui partent à la retraite que de personnes qui entrent sur le marché du travail. C’est d’ailleurs déjà le cas en Belgique.

Taux d’emplois vacants

La semaine dernière, Eurostat a publié sa mise à jour. Il ressort que le taux d’emplois vacants (par rapport au nombre total d’emplois) atteint 2,6% dans la zone euro. Ce taux était monté jusqu’à 3,1% au 3e trimestre 2023, mais reste deux fois plus élevé qu’en 2013. Le léger reflux est essentiellement dû au ralentissement économique, ces deux premiers trimestres 2024.

Chez nous, le taux se maintient à un niveau de 4,4% depuis plusieurs trimestres. C’est le taux le plus élevé de la zone euro, en compagnie des Pays-Bas. Dans le détail, le taux d’emplois vacants atteint 4,85% en Région flamande, 3,72% en Région de Bruxelles-Capitale et 3,54% en Région wallonne.

Le problème, ironiquement, c’est que le taux de chômage dans les 20 pays de la zone euro est historiquement bas, à 6,4% en juillet. “On compte seulement 2,4 chômeurs par emploi vacant, alors qu’on était à plus de 3 en 2019 avant la pandémie, et entre 6 et 7 il y a dix ans, explique aux Echos, Michel Martinez, économiste à la Société Générale.

En d’autres termes, l’Europe connait une situation de plein emploi qui n’arrange pas ses entreprises.

Compétitivité

Cette tension extrême sur le marché du travail nuit à la compétitivité de l’Europe. Car elle empêche les entreprises d’investir. Ainsi, selon le dernier rapport de la BEI, 81 % des entreprises européennes font état de difficultés à trouver du personnel qualifié. C’est le principal frein à l’investissement derrière les coûts de l’énergie.

Les pénuries sont les plus présentes dans les secteurs peu qualifiés et très qualifiés. Dans la construction, l’hébergement et la restauration, dans les activités de services administratifs, mais aussi dans l’information et la communication, ou encore les activités spécialisées, scientifiques et techniques.

Outre un problème de formation, l’Europe connait des flux migratoires insuffisants. Son problème démographique – la population active européenne devrait perdre 35 millions d’unités d’ici 2050 – nécessite une immigration économique importante. Le rapport de Mario Draghi pointe d’ailleurs ce désavantage concurrentiel par rapport aux États-Unis, où l’immigration peu ou très qualifiée, y compris européenne, est beaucoup plus massive qu’en Europe.

Formation

En Belgique, la Fédération royale d’associations belges d’ingénieurs (FABI) alertait, en mars dernier, sur la pénurie d’ingénieurs. Notre pays aurait besoin de 15.000 ingénieurs en plus d’ici 2030, rien que pour faire face aux défis énergétiques. Le problème réside souvent dans la formation : les matières dites STEM (Sciences, technologie, ingénierie, mathématiques) sont peu prisées par les jeunes étudiants.

Ce manque d’adéquation entre les compétences et les postes vacants est bien connu en Wallonie. C’est un problème qui fait dire à Antoine Germain, chercheur en économie publique et aspirant FNRS, que la Wallonie est dans une situation de plein emploi (en 2024) et l’a été entre 2018 et 2021. Ce qui peut paraitre contre-intuitif avec un taux d’emploi de 68,1%.

Mais la Wallonie compte 40.000 emplois vacants pour 110.000 chômeurs indemnisés. Ce qui correspond à un peu moins de 3 chômeurs par emploi à pourvoir. Selon le chercheur, qui a publié son étude dans la revue Regards économiques, la Wallonie a atteint son ratio optimal dans la conjoncture actuelle : “Le plein emploi correspond à un taux de chômage de 4% en Flandre, entre 6% et 8% en Wallonie et entre 9% et 10% à Bruxelles, calcule le chercheur (courbe de Beveridge).

Une baisse du chômage ne renforcerait pas nécessairement l’économie, car cela créerait des tensions supplémentaires sur le marché du travail et des pénuries qui coûtent cher aux entreprises.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content