Les partis politiques face aux entrepreneurs: le PTB, perdu dans le débat

Valérie Glatigny (MR), Sofie Merckx (PTB) et Gilles Vanden Burre (Ecolo) Crédit : Sven van Gestel
Baptiste Lambert

La coopérative Smart organisait un débat autour de l’entrepreneuriat, hier soir à Bruxelles, dans ses locaux situés à Saint-Gilles. À la table, des représentants de toutes les formations politiques francophones. Ils ont été confrontés à des chiffres peu flatteurs sur les difficultés que rencontrent les entrepreneurs.

Le débat, animé par François Brabant (Wilfried) et Jody Bau (LN24), était de bonne tenue. Quoiqu’un peu sage. Et pour cause, deux grosses pointures ont décliné l’invitation en dernière minute : l’expansif Georges-Louis Bouchez (MR) et le vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS). Le premier, qui affrontait les puncheurs de RTL-TVi, au même moment, était remplacé par la nouvelle tête de liste du MR à Bruxelles, Valérie Glatigny (MR). Le second n’a pu envoyer que son chef adjoint de cabinet, qui s’est pas mal débrouillé, mais qui n’était évidemment pas rodé pour ce genre d’exercices.

Cédric Norre, citons-le, n’était toutefois pas le seul novice autour de la table. Car du côté des Engagés et de DéFI, Armelle Gysen et Ludivine de Magnanville faisaient leur baptême du feu dans l’arène politique. Celles qui sont aussi entrepreneuses se sont montrées plutôt assertives, Armelle Gysen n’hésitant pas, comme une pro, à dépasser son temps de parole. François Brabant a dû poliment la rappeler à l’ordre.

Des chiffres interpellants

Voilà pour la forme. Sur le fond, il faut d’abord s’attarder sur quelques chiffres. Plus de 500 entrepreneurs ont répondu à un sondage lancé par la Smart. Les réponses sont assez interpellantes : 44% des sondés estiment que l’environnement entrepreneurial est défavorable en Belgique. Selon eux, les plus grandes contraintes portent sur les charges (74%), les réglementations administratives (43%) et l’accès au financement (31%). Et puis le coup de massue : seuls 37% des entrepreneurs interrogés pensent que leurs choix électoraux influenceront le climat entrepreneurial.

Autour de la table, tout le monde semble soutenir l’entrepreneuriat. Ce qui n’a pas toujours aidé à distinguer les différences entre les formations politiques. Une fausse unité s’est dessinée au fil des discussions, alors que dans les faits, les visions politiques diffèrent, voire s’opposent. Cette contradiction était clairement visible sur la réforme fiscale avortée de la Vivaldi. Toutes les formations politiques veulent renforcer les bas et les moyens salaires par un allègement fiscal, et ainsi éviter les pièges à l’emploi. Le chemin pour y arriver, par contre, n’est pas similaire, mais il est difficile à exprimer dans un débat d’une heure, formaté autour de cinq grandes questions.

Ludivine de Magnanville (DéFI), Armelle Gysen (Les Engagés) et Cédric Norre (PS). Crédit : Sven van Gestel.

Les contradictions du PTB

Que retenir des discussions ? D’abord un PTB pas très à son aise. Le parti marxiste est bien plus bavard quand il s’agit d’attaquer les grandes entreprises et les multinationales. Ici, dans un débat qui tournait souvent autour des petits entrepreneurs et des indépendants, on a entendu tout et son contraire de la part de Sofie Merckx, cheffe de file du PTB à la Chambre.

D’un côté, “il faut arrêter les caricatures avec le PTB. Nous soutenons les entrepreneurs et les indépendants”, affirme la députée, mais de l’autre, “il faut sortir de l’idée que le privé est le plus rentable”. La marxiste s’est montrée loquace quand il s’agissait de critiquer le système de “faux indépendants” de Deliveroo ou celui “des franchises de Delhaize”, mais on n’a toujours pas compris en quoi le PTB peut apporter des réponses au monde entrepreneurial. Le PTB le sait-il lui-même ? Derrière les grands idéaux et la lutte des classes, il y a la réalité économique belge – 97% des entreprises sont des PME – dans laquelle le parti marxiste nous a semblé perdu.

Des rapprochements évidents

La première intervention d’Armelle Gysen était particulièrement frappante. En appelant à “écraser le coût du travail”, les mots de l’ancienne présentatrice de la RTBF auraient pu sortir de n’importe quelle bouche d’un membre du MR. Sur ce thème, les différences sont aussi fines que du papier à cigarette. En plus de baisser la fiscalité sur le travail, en relevant par exemple les tranches d’imposition, les deux formations mettent en avant un “bonus bosseur” ou “bonus d’activité” pour atteindre un différentiel de 500 euros entre un travailleur et un bénéficiaire d’allocations sociales. Les deux partis veulent également limiter les allocations de chômage à deux ans. Des différences subsistent, mais il ne sera pas très compliqué de mettre d’accord ces deux acteurs, dans quelques mois.

Le même raisonnement vaut pour DéFI. À la différence que la formation amarante a mis en avant une mesure plus controversée pour renforcer le taux d’emploi et faire face au manque de main-d’œuvre : la régularisation des sans-papiers. “Il est quand même inconcevable que la Région puisse offrir un permis de travail, mais que le fédéral n’approuve pas un titre de séjour”, lance Ludivine de Magnanville. Gilles Vanden Burre, chef de groupe Ecolo à la Chambre, acquiesce, mais tempère immédiatement les velléités de sa collègue : “Au niveau fédéral, aucun parti flamand ne veut adopter une telle politique. C’est impossible pour le moment, malheureusement.”

Du côté d’Ecolo, d’ailleurs, un rapprochement idéologique est clairement établi avec le PS. Les deux représentants ont beau parler “d’éco-socialisme” ou “d’écologie sociale”, c’est comme chou vert et vert chou. Concrètement, ça se traduit par exemple par des subsides aux entrepreneurs et aux entreprises qui seraient conditionnés à des objectifs sociaux et environnementaux. “Pour financer des projets qui ont du sens”, lance Gilles Vanden Burre. Cédric Norre abonde et veut adapter les lois du travail en renforçant les contraintes sociales et environnementales.

Une dernière constatation pour la route : toutes les formations politiques sont en faveur d’un droit à la démission. En effet, pour le moment, une démission ne vous donne pas droit aux allocations de chômage. Un frein clair à l’entrepreneuriat, assument en chœur les six formations politiques autour de la table.

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