“L’austérité devait arriver, c’était inévitable”
Les nouvelles règles budgétaires européennes font grand bruit en Belgique et suscitent des tensions au sein de la Vivaldi. Le programme pour les 7 prochaines années s’annonce chargé : à minima 27 milliards à trouver, ce qui laisse très peu de marge de manœuvre aux futures promesses électorales. La gauche crie à l’austérité. La droite estime qu’il fallait de toute façon passer par des réductions des dépenses et elle appelle aux réformes structurelles. Nous avons voulu entendre un autre son de cloche. De la part de Zsolt Darvas, membre du think tank Bruegel, qui s’est penché de près sur ces nouvelles règles budgétaires.
Ce lundi, dans nos colonnes, le député européen Philippe Lamberts n’y allait pas par quatre chemins. Ces nouvelles règles budgétaires constituent ni plus ni moins qu’un “suicide collectif”, organisé par les “somnambules de l’UE”. Il qualifiait les négociations entre le Conseil européen, la Commission et la délégation de députés européens de la majorité de “supercherie” : “Dès l’instant où le Conseil a indiqué qu’il n’y avait pas de discussions possibles sur les éléments chiffrés, il n’y avait pas de négociation”. Et de conclure : “C’est le grand retour de l’austérité.”
Zsolt Darvas se montre plus nuancé. L’économiste de Bruegel estime d’abord que pour des pays comme la Belgique ou l’Italie, “l’austérité était inévitable. Elle devait arriver, commente Darvas. Ce n’était même pas une question et le chemin à prendre est d’ailleurs plutôt raisonnable”. Notre interlocuteur voit même dans ces nouvelles règles budgétaires “une amélioration” par rapport aux anciennes règles. Elles sont plus flexibles et se basent sur des critères chiffrés plus pertinents, comme les dépenses publiques propres à chaque État, en fonction de sa trajectoire budgétaire.
Investissements nécessaires
Mais la grande question concernait les investissements dans les transitions verte et numérique, ainsi que ceux liés à la défense. Cette semaine, Donald Trump s’est rappelé aux mauvais souvenirs des européens, leur indiquant que s’ils voulaient bénéficier de la protection américaine, ils devraient payer leur facture à l’OTAN, à savoir 2% du PIB, et la Belgique en est très loin.
En décembre dernier, les États membres s’étaient entendus pour donner une marge de manœuvre à ces investissements plus que nécessaires. Cela s’est traduit dans l’accord entre le Conseil, la Commission et le Parlement par élément plutôt timide : si un État investit fortement dans les secteurs précités, il pourra étaler son plan d’assainissement sur 7 ans, plutôt que 4 années. De quoi lisser les efforts à fournir. Pour Darvas, c’est plus facile à dire qu’à faire. “Car en plus d’un assainissement par exemple de 0,5% du PIB par an, les États concernés devront investir massivement. Ce sera très dur de combiner les deux“, commente le membre du think tank, qui rejoint le député sur ce point. Pour Lamberts, cette variable d’ajustement de 4 à 7 années, “c’est peanuts !” face aux centaines de milliards d’euros que nécessite chaque année la transition énergétique à elle seule dans l’UE.
La Vivaldi se déchire
Avec le 2e plus gros déficit en 2023 et une dette évaluée à 106% du PIB, la Belgique fait bien sûr partie des mauvais élèves européens. Selon les nouvelles règles, on s’attend à ce que nos gouvernements réalisent un effort de 0,65% du PIB par an pour un total de 27 milliards d’euros. Soit 4 milliards d’euros par an, à partir de 2025, dans le cas d’un plan en 7 ans, voire “5 à 6 milliards d’euros”, confirme Alexia Bertrand (Open VLD) dans Le Soir, si l’effort doit se limiter à la prochaine législature. Du côté de Bruegel, les estimations sont légèrement supérieures, autour des 30 milliards d’euros, nous précise notre interlocuteur.
Pour la secrétaire d’État au Budget, les nouvelles règles budgétaires ont le mérite de nous mettre au pied du mur. Et ces efforts à réaliser doivent bien sûr être réalisés du côté des dépenses, selon la libérale. Pas question de lever de nouvelles recettes (comprendre : de nouveaux impôts). Alexia Bertrand estime en outre que le fédéral a fait sa part durant cette législature, avec un effort de 11 milliards d’euros.
Du côté socialiste, le point de vue est évidemment différent. Pour Ahmed Laaouej, chef du groupe PS à la Chambre, “ce n’est pas à la population de payer la crise une seconde fois. Pour nous, il est hors de question d’engager le pays dans des politiques d’austérité“, réagit-il. Il faudrait plutôt aller voir du côté des recettes, “en prélevant sur les grandes fortunes, ce qui, comme l’a expliqué récemment le Bureau du plan, rapporterait jusqu’à 5 milliards d’euros.” Dans les faits, le Bureau du plan a aussi indiqué que ce ne serait pas si simple.
Même son de cloche du côté wallon, où le ministre-président Elio Di Rupo (PS) se dit par communiqué “absolument insatisfait de l’accord provisoire intervenu sur la réforme du Pacte de Stabilité et de Croissance”. Il ajoute que “par cet accord, l’UE refuse de se doter des moyens pour atteindre ses ambitions. C’est dramatique pour les citoyens européens, pour les entreprises européennes et pour la planète !”
Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), s’est lui immédiatement réjoui de cet accord trouvé dans le cadre de la présidence belge de l’UE. Une nouvelle démonstration de la capacité belge à réaliser des compromis. Mais cet accord pourrait tout aussi bien devenir d’un cadeau empoisonné pour les prochaines coalitions, qu’elles soient au fédéral ou en région, au vu de l’effort à réaliser. Pour le vice-premier ministre, ce nouveau cadre budgétaire ne nous permet plus de nous cacher : “Il faudra réaliser des réformes profondes tels que les pensions et les soins de santé, où les dépenses sont appelées à augmenter considérablement dans les années à venir.” Pour le moment, “nous gardons le contrôle de nos actions. Il faut éviter les sanctions et empêcher l’Europe de nous imposer des mesures”, a conclu le ministre des Finances.
- Philippe Lamberts
- UE
- Conseil européen
- Commission
- Zsolt Darvas
- Bruegel
- État
- Donald Trump
- OTAN
- États
- Parlement
- Vivaldi
- Alexia Bertrand
- Open VLD
- Le Soir
- État au Budget
- Ahmed Laaouej
- PS
- Chambre
- Bureau du plan
- Le Bureau du plan
- Elio Di Rupo
- Pacte de Stabilité et de Croissance
- Finances
- Vincent Van Peteghem
- cdv
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici