Les nouvelles règles budgétaires de l’UE ne laissent quasiment aucune marge de manœuvre aux prochaines coalitions
Toutes les belles promesses électorales que vous entendrez dans les prochains mois peuvent être rangées au placard. Car les nouvelles règles budgétaires viennent de faire l’objet d’un accord entre la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres. Ces nouvelles règles imposent ni plus ni moins un effort budgétaire drastique à notre pays.
C’est à Gand, ce weekend, après un long marathon de négociations de 16 heures, qu’a pu aboutir un accord sur les fameuses nouvelles règles budgétaires que devront respecter les États membres. Un nouveau bon point pour la réputation de la Belgique et sa fameuse capacité à “faire des compromis”. Voilà plusieurs années que les États membres, la Commission et le Parlement ne parvenaient pas à s’entendre. La Belgique, qui assure la présidence tournante de l’UE pour 6 mois, était donc à la baguette. Après l’accord trouvé sur le Pacte européen de migration, la semaine dernière, notre pays engrange donc les succès diplomatiques.
Il est trop tôt pour savoir si on parlera un jour de Gand comme on parle de Maastricht dans la presse et les livres d’histoire. Mais une toute nouvelle mouture des règles budgétaires est désormais sur la table et servira de carcan pour les 27, après une suspension de trois années pour cause de Covid, puis d’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), était en charge des négociations, accompagné de ses 26 collègues. C’est donc lui qui a libéré la fumée blanche sur X, samedi, à 2 heures du matin. Le ministre a parlé d’un “accord équilibré” qui “laisse de la place pour la réduction durable de dette” tout en permettant certains investissements.
Que dit cet accord ?
D’abord, les deux critères de Maastricht qui datent de 1997 sont maintenus, c’était une exigence de l’Allemagne : le déficit devra toujours se limiter à 3% et la dette ne devra pas dépasser les 60% du PIB. À terme, le critère du déficit sera même deux fois plus strict, limité à 1,5% du PIB.
Les pays qui dépasseraient le critère du déficit s’exposeraient comme avant à une procédure dite de déficit excessif. Mais jusque-là, les pays en défaut bénéficiaient d’une forte flexibilité qui n’entrainait pas vraiment de sanctions. L’Europe veut sévir. Les sanctions seront moins lourdes, mais plus applicables.
Mais ces nouvelles règles budgétaires s’adapteront mieux à la situation spécifique de chaque pays. Selon un plan pluriannuel de 4 ou 7 ans, taillé sur mesure, les dépenses publiques deviendront un critère déterminant et feront l’objet d’un monitoring. Elles seront adaptées à chaque État membre, suivant une analyse de soutenabilité de leur dette. En outre, les dépenses devront être compensées par des réformes structurelles.
En contrepartie, les députés européens de la majorité ont obtenu de tenir compte des investissements engagés dans le cadre du cofinancement des programmes européens, à savoir le fonds de cohésion à destination des régions européennes les plus en difficulté, nous confirme-t-on. En décembre, les États membres ont également trouvé un accord pour assouplir les dépenses liées aux transitions énergétique et numérique ou celles liées à la défense dans le calcul de chaque déficit. Il s’agira plutôt d’un incitant : les États qui investissent dans ces secteurs pourront allonger leur période d’ajustement budgétaire.
Que signifie-t-il pour le budget belge ?
Forcément, avec le 2e déficit le plus important de l’UE en 2023 après la Slovaquie, et une dette estimée à 105% du PIB, la Belgique ne fait pas figure de bon élève. Les gouvernements de la prochaine législature devront quoi qu’il arrive se serrer la ceinture.
Selon les nouvelles règles, la Belgique entre dans la catégorie des pays qui doivent économiser le plus. 0,65% du PIB par an, soit presque 4 milliards d’euros par an, toutes entités confondues. En tout, 27 milliards durant les 7 prochaines années. Pareil effort n’a plus été demandé depuis les années 80.
La question est de savoir qui pourra assumer cet effort : la Wallonie et Bruxelles sont à bout de souffle, le fédéral va voir ses coûts liés au vieillissement de la population exploser ces prochaines années, et la Flandre ne voudra certainement pas payer toute seule.
Faute de recettes miracles – on est encore loin d’un taux d’emploi de 80% – la Belgique devra forcément sabrer dans ses dépenses. Quoi qu’il arrive, vous pouvez oublier les trop belles promesses électorales.
Les “somnambules” de l’UE
Pour le député européen Philippe Lamberts (Verts européens), qui a assisté aux négociations, il s’agit d'”un jour noir pour l’Europe” : “Rien dans le texte de l’accord ne mentionne une quelconque souplesse pour les investissements clés pour l’Europe, comme la transition verte, l’économie ou la cohésion sociale. Pas plus que pour la défense d’ailleurs. C’est un scandale, c’est un suicide collectif“, commente le député pour Trends-Tendances.
“Dès le départ, il s’agissait d’une mascarade. Il n’y a pas eu de négociations entre la Commission et le Parlement européen, qui a capitulé. Dès l’instant où le Conseil européen (comprendre : les Etats membres) a indiqué qu’il n’y avait pas de discussions possibles sur les éléments chiffrés, il n’y avait pas de négociation“, ajoute l’écologiste.
“Ce sont les somnambules de l’UE qui courent vers l’apocalypse“, ose le député, en référence au livre Les Somnambules d’Herman Broch. Un livre qui révèle un paradoxe : plus le monde moderne se targue de la raison, plus il est manipulé par l’irrationnel. Une irrationalité qui mène aux guerres, et dans le cas du livre, au premier conflit mondial
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