“Les mesures de l’UE pour l’obtention de métaux rares sont insuffisantes et irréalisables” : quels sont les risques ?

© CARLA GOTTGENS/GETTY IMAGES

L’Europe est largement dépendante de pays tiers pour son approvisionnement en matières premières critiques, nécessaires à la transition énergétique. Pour devenir plus indépendante, la Commission européenne a mis sur pied un plan avec de nombreuses mesures. Mais bon nombre d’entre elles seraient inatteignables, selon une étude d’Allianz Trade.

Avec la transition énergétique, le monde a besoin de métaux tels que, entre autres, le lithium, le cobalt et le nickel, pour les batteries des voitures électriques notamment. Le souci, c’est que la production est aujourd’hui limitée à quelques acteurs dans le monde.

Dans le domaine des matières premières rares, la Chine joue un rôle prépondérant. Selon les experts d’Allianz Trade, “91% des réserves mondiales de magnésium et 76% des réserves de silicium sont détenues par la Chine. L’UE est également très dépendante de la Chine pour le manganèse. En outre, 60% du marché mondial du cobalt, par exemple, est détenu par la République démocratique du Congo. L’Afrique du Sud détient 71% des réserves de platine et la Russie 40% du palladium”, note l’assureur dans un rapport.

Avec la guerre en Ukraine, l’Europe a prit conscience qu’être trop dépendant d’un fournisseur est problématique. Au début de cette année, la Commission européenne a donc mis sur pied une proposition, appelée Raw Materials Act, pour diversifier ses chaines d’approvisionnement et développer la production domestique de ces matières premières (via extraction et recyclage).

“Insuffisant”

Mais pour les experts d’Allianz Trade, la majorité des mesures sont insuffisantes pour donner plus d’autonomie à l’Europe. Certaines d’entre elles seraient même irréalisables. L’Europe veut par exemple qu’en 2030, 10% des matières premières critiques (18 matières sur les 34 retenues au total, plus précisément) consommées soient extraites du sol européen. Pour sept d’entre elles “cela ne sera pas possible (antimoine, borate, manganèse, graphite naturel, terres rares, tantale et titane)”, concluent les experts.

Pareil pour le raffinage : l’UE veut transformer 40% de ce qu’elle consomme sur son propre territoire, dès 2030. 24 matières premières sont concernées par cette mesure, mais pour 21 d’entre elles, cela ne serait pas possible.

Les experts se sont aussi penchés sur les 16 matières premières que l’Europe veut recycler (15% de ce qu’elle consommera par an, en 2030, devrait venir depuis les centrales de recyclage). Cet objectif serait très difficilement atteignable pour six d’entre elles. “Par exemple, parce que les quantités de déchets disponibles sont insuffisantes pour répondre à la demande en forte croissance, comme dans le cas du lithium”, explique Johan Geeroms, directeur Risk Underwriting Benelux d’Allianz Trade.

Une des difficultés pour atteindre ces objectifs est que les différentes filières ne sont qu’aux balbutiements aujourd’hui, voire inexistantes, malgré la présence de ressources. Les extractions par exemple peuvent être polluantes, donc l’Europe a préféré laisser faire les autres pays, pour ensuite acheter les matières premières chez eux. Ce qui fait que le Vieux Continent a aujourd’hui beaucoup de retard.

Risques… et solutions

Comme l’Europe pourrait ne pas atteindre ces objectifs, elle resterait dépendante des pays tiers. “Un groupe restreint de pays dont la fiabilité est discutable”, selon Geeroms. Il ajoute qu’un des gros risques est que des producteurs forment un cartel, à l’image de l’OPEP, qui pourrait essayer de déterminer l’offre et le prix de manière arbitraire, ou sur fonds de positionnement géopolitique. L’Europe serait alors encore plus à leur merci.

Mais comme l’Europe pourrait être dans l’impossibilité de lancer sa propre production comme elle le souhaite, quelles pistes peut-elle envisager ? “Nous préconisons donc particulièrement de nous concentrer sur une politique commerciale intelligente (partenariats stratégiques) et de travailler sur la diversification des chaînes d’approvisionnement mondiales”, souligne Geeroms. La diversification est en effet une des mesures du Raw Materials Act – l’UE ne veut plus qu’un pays représente plus de 65% des approvisionnements d’un métal.

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