“Economie circulaire des batteries”: voici comment l’Europe veut pousser les entreprises au recyclage

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Une loi décidée lundi par l’Union européenne prévoit de nouveaux seuils de recyclage pour les batteries. Le but est de récupérer les matières premières critiques, dont l’approvisionnement est si crucial pour la transition énergétique. Quelques gros changements sont prévus.

Avec la transition énergétique et l’électrification, le monde aura besoin de plus en plus de batteries. Dans un contexte où l’approvisionnement en matières premières, suffisant ou pas, fait débat, le recyclage est une piste importante. Surtout en Europe, où le lithium et autres matériaux “critiques” bruts ne sont pas exploités à grande échelle.

C’est pour cela que l’UE a mis sur pied une nouvelle loi sur le recyclage des batteries. Les pays ont donné leur feu vert ce lundi, entérinant le texte. “Les batteries en fin de vie contiennent de nombreuses ressources précieuses et nous devons être en mesure de réutiliser ces matières premières essentielles au lieu de dépendre de pays tiers pour l’approvisionnement. Les nouvelles règles favoriseront la compétitivité de l’industrie européenne et garantiront que les nouvelles batteries sont durables et contribuent à la transition écologique”, réagit la ministre espagnole de la Transition énergétique Teresa Ribera (Madrid est actuellement présidente du Conseil de l’Union Européenne), dans un communiqué.

Nouvelles règles

Les producteurs de batteries sont désormais tenus de récupérer les batteries arrivées en fin de vie. Au moins 63% des batteries dites “portables”, comme celles des smartphones, tablettes, etc., doivent être récupérées d’ici fin 2027. Pour fin 2030, c’est 73%. Autre mesure prise : pour 2027, les utilisateurs devront pouvoir enlever les batteries des appareils (pour les remplacer, par exemple). Le design des appareils devra être adapté à ce critère. Voilà un défi de taille : dans de très nombreux appareils, la batterie est inaccessible à l’heure actuelle.

51% des batteries des “moyens de transports légers” (comme les scooters ou trottinettes électriques) devront être récupérés d’ici fin 2028. Et 61% trois ans plus tard. Là aussi, il faudra pouvoir enlever les batteries, mais par les mains d’un “professionnel indépendant” cette fois.

Le texte prévoit aussi un seuil de lithium qui doit être récupéré dans les batteries en fin de vie : 50% à la fin 2027 et 80% à la fin 2031. Ces exigences peuvent d’ailleurs être adaptées “en fonction de l’évolution du marché et de la technologie, ainsi que de la disponibilité du lithium”, prévoit la mesure.

Sinon, le texte se penche aussi sur la production de batteries. Les batteries de véhicules électriques, entre autres, doivent “initialement” contenir des matières premières issues du recyclage, à des degrés différents : 16% pour la quantité de cobalt utilisé, 85% pour le plomb, 6% pour le lithium et 6% pour le nickel. Aucune date n’est mentionnée pour ce point, le Conseil de l’UE n’a pour l’heure pas répondu à nos demandes d’informations. Les batteries auront d’ailleurs leur propre passeport, avec des informations sur le nombre de produits recyclés et la nocivité de ces produits, dès 2026 (accessible via un QR code dès 2027).

Puis, le texte contient un point sur le recyclage même : “l’efficacité” du recyclage des batteries au nickel-cadmium doit être de 80% en 2025 et de 50% pour les autres batteries.

Recyclage et chaines d’approvisionnement

“Les nouvelles règles visent à promouvoir une économie circulaire en régulant les batteries à travers tout le cycle de leur vie”, résume le communiqué. Le recyclage et l’économie circulaire sont en effet une piste importante pour le continent. L’exploitation des matières premières “critiques” brutes est surtout assurée par d’autres pays : Australie, Amérique du Sud et Chine pour le lithium, le Congo pour le cobalt, l’Indonésie (exports interdits) et la Russie pour le nickel et la Chine pour les terres rares. L’Europe ne s’attend d’ailleurs pas à ce que l’extraction locale explose. Pour 2030, l’UE veut que 10% de la consommation annuelle vienne de son propre sol (selon une proposition de la Commission, appelée Raw Materials Act).

L’industrie du recyclage est déjà plus développée. Les pays nordiques, par exemple, comptent au moins trois usines (de grande taille). Et d’autres projets de grande envergure ont déjà été signés ou sont sur la table. Le géant minier Glencore a par exemple annoncé en mai qu’il construira une usine de recyclage en Italie, pour 2027. A tel point que le média spécialisé L’Usine Nouvelle parle d’une “vague des usines de recyclage des batteries lithium-ion qui déferle sur l’Europe”.

Notons aussi que le recyclage des batteries peut être très efficace, plus que les seuils prévus par l’UE. Le Finlandais Fortum a par exemple annoncé en avril pouvoir récupérer 95% du cobalt et du nickel (et bientôt du lithium) des batteries des véhicules électriques broyées.

Plus d’indépendance

De l’autre côté, il ne faut cependant pas s’attendre à une solution miracle. Des matières premières fraiches seront sans doute toujours nécessaires pour suivre l’explosion de la demande de batteries (“au moins fois dix jusqu’à 2027”, estime le Conseil de l’UE). Mais en développant le secteur, l’UE peut s’assurer plus d’indépendance et de résilience en cas de pépin dans les chaines d’approvisionnement.

La pandémie et la guerre en Ukraine l’ont bien montré : les livraisons d’une matière critique peuvent s’arrêter d’un jour à l’autre, à durée indéterminée. Le continent n’est pas non plus à l’abri d’un tournant protectionniste de la part d’un pays fournisseur. La Chine l’a montré récemment avec des restrictions sur l’export de gallium et le germanium.

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