Les économistes réagissent au Brexit: “Le camp du Brexit n’a pas de plan économique”

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les économistes ne réagissent pas du tout positivement au Brexit. Un crash immobilier à Bruxelles et un euro faible ne sont que deux des scénarios possibles qu’ils mettent en avant. “Les marchés financiers sur-réagissent”, explique Johan Van Overtveldt, ministre des Finances.

Bruno Colman: “Un Brexit est très négatif pour l’euro”

Selon Bruno Colmant, responsable de la recherche macro-économique chez Degroof Petercam, un Brexit a un impact très négatif sur le marché, “parce qu’il montre que les pays de l’UE et le Royaume-Uni n’ont plus de projet commun.” Ensuite, il prévoit que la sortie britannique aura des conséquences néfastes pour notre pays. Colman n’exclut pas un crash des prix de l’immobilier à Bruxelles et une contraction de l’économie (diminution du PIB), surtout du côté néerlandophone.

“Pour l’euro, c’est aussi très négatif, car ce qui manque, c’est une union fiscale et budgétaire. Et avec le départ du Royaume-Uni, les chances qu’une telle union se concrétise un jour diminuent aussi”, continue-t-il. “Le dollar américain sera un refuge. Au départ du Royaume-Uni de l’UE viennent s’ajouter un certain nombre d’autres difficultés, comme le flux des réfugiés, la tendance à voter à gauche dans le sud de l’Europe et le scepticisme par rapport à l’entrée de nouveaux Etats-membres.”

Luc Aben: “Les mouvements eurosceptiques ont le vent en poupe”

En conséquence du Brexit, Luc Aben, économiste en chef chez Van Lanschot, voit la livre sterling s’affaiblir de 10% par rapport à l’euro, et l’euro s’affaiblir de 5% par rapport au dollar américain.

“Les conséquences économiques dépendront complètement de l’issue des négociations de divorce. Dans quelle mesure l’Europe va-t-elle négocier de manière constructive ? Ou plutôt de manière obstinée, en voulant faire un exemple pour les autres qui auraient cette idée en tête ?

À court terme, il y aura des conséquences négatives, en raison de l’incertitude, de la turbulence des marchés, des mouvements eurosceptiques qui ont le vent en poupe ailleurs en Europe, etc. Le Royaume-Uni a un déficit de la balance courante de 7% du PIB. Un financement aisé de ce déficit sera-t-il possible à un prix raisonnable ?”

Geert Gielens: “L’ampleur des conséquences négatives dépend des négociations”

Geert Gielens, économiste en chef de Belfius, prévoit une chute de la livre sterling entre 10 et 20%. “Je m’attends aussi à des effets de crise du système et des doutes concernant l’euro et l’Union (le Zloty polonais se rétracte). La forte hausse du prix de l’or et l’augmentation du cours des bons du trésor américain signalent cette crainte. Les conséquences économiques sont de toute façon négatives, mais l’ampleur des conséquences négatives dépend de la rationalité des négociations qui suivront entre le Royaume-Uni et l’UE. Les investissements étrangers sont très importants pour le Royaume-Uni et je prévois un déplacement d’une partie de ces investissements vers l’UE lorsque le doute concernant l’UE aura été supprimé. Une grande partie de ces investissements étrangers provient en outre d’Europe.”

Geert Van Herck: “1 euro ne vaudra bientôt plus que 1 dollar”

Geert Van Herck, stratège en chef chez Keytrade Bank, pense que 1 euro ne vaudra bientôt plus que 1 dollar. Pour l’instant, les investisseurs payent encore 1,1 dollar pour chaque euro. “La parité est mon objectif de cours”, dit Van Herck. “Ces 12 derniers mois, le cours euro/dollar se situait dans une fourchette entre 1,04 à 1,05 dollar et 1,15 à 1,16 dollar. L’analyste en moi me dit que ceci est une phase de consolidation pour le dollar, pour finalement continuer à grimper.”

Peter Vanden Houte: “Le camp Brexit n’a pas de plan économique”

Peter Vanden Houte, économiste en chef d’ING Belgique, fait remarquer que “le camp du Brexit n’a pas de plan économique. Aussi, les négociations avec l’Union européenne ne seront pas simples, avec un gouvernement britannique plutôt populiste/nationaliste. Cela crée une grande incertitude économique, ce qui n’est jamais bon pour la croissance économique.”

Il prévoit que les investisseurs étrangers réfléchiront à deux fois avant de s’établir au Royaume-Uni, “tant qu’il n’y aura pas de clarté concernant l’accès au marché unique”.

“Au cours de la dernière décennie, le Royaume-Uni était précisément l’un des principaux lieux d’implantation des investisseurs étrangers. Le nouveau gouvernement britannique devra clairement venir avec de solides apaisements pour convaincre les investisseurs étrangers.”

Vanden Houte voit la livre sterling continuer à s’affaiblir au cours des prochains mois. “Après un sérieux coup, la livre sterling est maintenant quelque peu stabilisée, mais cela semble très plausible que nous nous dirigeons dans les prochains mois vers 0,85 à 0,90 par euro. Il y aura surtout beaucoup de volatilité, car la situation politique en Grande-Bretagne est loin d’être stable.

Nous voyons l’euro se stabiliser autour de 1,07 euro par dollar.”

Koen De Leus: “Le Brexit entraîne un énorme choc de confiance”

Koen De Leus, senior économiste chez KBC, est convaincu qu’un Brexit aura des conséquences très négatives sur l’économie à court terme. “Cela entraînera aussi un choc de confiance en Europe. En outre, il y a aussi le choc financier, avec un solide durcissement des conditions financières. Les spreads sur les obligations augmenteront fortement, certainement sur les obligations des pays périphériques. Cela aura indubitablement aussi un effet de corset sur l’économie”, continue-t-il.

Il souligne toutefois que nous ne verrons toutes les conséquences de la sortie britannique que dans quelques années. “Malgré la décision, le Royaume-Uni restera encore deux ans membre de l’UE. L’impact comme conséquence du changement des accords commerciaux, nous ne le verrons qu’à ce moment-là. D’autre part, il y aura déjà un impact maintenant, comme conséquence de la forte chute de la livre sterling et du ralentissement probable de la croissance au Royaume-Uni.”

Johan Van Overtveldt: “Les marchés financiers semblent sur-réagir”

“Les marchés financiers semblent sur-réagir pour l’instant, comme en général dans ce type de situations”, réagit Johan Van Overtveldt (N-VA), ministre des Finances. “Il va de soi que le choix du Brexit aura des conséquences économiques et financières qui vont au-delà du Royaume-Uni. Il est maintenant d’une grande importance de continuer à bien suivre l’évolution dans les prochains jours, semaines et mois, après le choc initial dissipé.”

Il fait savoir qu’il agira en étroite concertation avec les régulateurs financiers, les instances financières et les autres acteurs du marché. “Avec la Banque Nationale et la FSMA, les préparations nécessaires ont déjà été adoptées en la matière”, fait observer Van Overtveldt.

Le ministre des Finances établira les contacts nécessaires avec son collègue britannique au cours des prochains jours, ainsi qu’avec les autres ministres des Finances européens.

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