Les économies des pays européens, des chemins bien différents au sein même de l’Union
En 2024, les économies européennes devraient connaître de nouvelles divergences, alors qu’elles sont confrontées à de nouveaux défis.
Depuis une dizaine d’années, la fortune économique a favorisé le nord de l’Europe. Les pays scandinaves, l’Allemagne, la Pologne et même la Grande-Bretagne ont tous connu une croissance et un taux d’emploi satisfaisants.
Le sud, en revanche, a d’abord été frappé par la crise de l’euro en 2010-2012 et l’ajustement douloureux qui s’en est suivi, puis par la pandémie qui a touché ses économies à forte composante touristique plus que la plupart des autres. Alors que l’Europe est confrontée à de nouveaux défis, tels que le changement climatique et les bouleversements géopolitiques, les fortunes économiques de ses pays divergent de manière inédite, ce qui commencera à être visible en 2024.
Energies renouvelables vs énergies fossiles
Commençons par le changement climatique. L’Europe a pour objectif de devenir le premier continent neutre en carbone. Pour ce faire, elle doit décarboner son approvisionnement en électricité, puis réorganiser l’industrie, le chauffage et les transports pour qu’ils fonctionnent à l’énergie verte. Il s’agit là d’un défi de taille. Pour certains, cette transformation verte peut stimuler la croissance, car les investissements augmentent la demande et la géographie crée des opportunités. Les régions dotées d’un important potentiel en matière d’énergies renouvelables, comme celles situées le long de la côte venteuse de la mer du Nord ou dans la quasi-totalité de l’Espagne ensoleillée, pourraient bénéficier d’un coup de pouce vert à la croissance.
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En revanche, les industries traditionnelles auront du mal à s’en sortir. Des procédés tels que la fabrication du ciment ou de l’acier utilisent des énergies fossiles qu’il est difficile de remplacer à bon marché par des énergies vertes. Sur le marché mondial où s’échangent ces produits, d’autres producteurs auront des coûts énergétiques bien inférieurs à ceux des Européens, soit parce qu’ils disposent aujourd’hui de gaz naturel, soit parce qu’ils disposeront demain d’une abondance d’électricité verte et d’hydrogène. Dans l’industrie lourde, l’Allemagne est le plus grand consommateur d’énergie d’Europe, avec une consommation environ deux fois supérieure à celle des pays suivants, l’Italie et la France.
Problèmes démographiques
L’industrie automobile est elle aussi confrontée à une nouvelle concurrence, à mesure que les voitures à moteur à combustion sont progressivement abandonnées et que les véhicules électriques s’imposent sur le marché. L’enquête récemment annoncée par l’UE sur les subventions accordées par la Chine à son industrie des véhicules électriques montre à quel point l’Europe est préoccupée par ce nouveau concurrent. Les pays dotés d’une industrie automobile importante –la République tchèque, la France, l’Allemagne et l’Espagne– risquent d’en pâtir.
Vient ensuite la question de la démographie. D’ores et déjà, les entreprises européennes peinent à trouver suffisamment de travailleurs. Le taux d’inoccupation, qui mesure le nombre de postes vacants par rapport au nombre total d’emplois dans l’économie, a dépassé 4 % en Autriche, en Allemagne et aux Pays-Bas au deuxième trimestre 2023 (la moyenne de la zone euro se situait juste au-dessus de 1 % il y a 10 ans).
Chaque année, d’importantes cohortes de la génération du baby-boom partent à la retraite. La zone euro compte 23 millions de personnes âgées de 60 à 64 ans, mais seulement 18 millions de personnes âgées de 15 à 19 ans. Parmi les grands pays, l’écart est le plus important en Allemagne, en Italie et en Pologne. Il n’y a pratiquement pas d’écart en France ou en Scandinavie, et seulement un petit écart en Belgique et aux Pays-Bas.
Tous les pays européens ne peuvent pas compenser le déficit par une augmentation de l’immigration. La guerre en Ukraine a forcé de nombreuses personnes à fuir vers l’ouest, offrant aux économies tchèques, allemandes et polonaises une nouvelle source de travailleurs. En 2024, l’immigration dominera à nouveau le débat politique, car la pénurie de main-d’œuvre s’intensifie, davantage d’Ukrainiens décident de rentrer chez eux et des migrants extra-européens continuent d’arriver sur les côtes de l’Europe.
Enfin, la rivalité géopolitique croissante entre l’Amérique et la Chine –et, par extension, entre les démocraties et les autocraties– aura des répercussions économiques dans toute l’Europe. Les pays entretenant des liens commerciaux étroits avec les autocraties risquent de voir leurs chaînes d’approvisionnement perturbées ou de faire l’objet de représailles économiques.
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L’Allemagne et l’Italie ont déjà subi un tel choc, à savoir la tentative de chantage de la Russie en matière d’approvisionnement en gaz. Ces pays, ainsi que quelques économies d’Europe de l’Est comme la Pologne, commercent intensivement avec des autocraties, contrairement à la France ou à la Suède, par exemple. L’UE, qui vise à faire converger les économies, a déjà connu des divergences. Mais les nouveaux types de divergences qui frapperont le continent en 2024 seront beaucoup plus difficiles à gérer.
Christian Odendahl, rédacteur en chef du service économie européenne de “The Economist”
Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”
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