Les dix travaux de Di Rupo: les pensions (7/10)

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Le gouvernement Di Rupo considère sa réforme des pensions comme la plus importante de ces dernières décennies. Cependant, l’effet sur les coûts de vieillissement est négligeable. La bombe des pensions belges n’a toujours pas été éteinte.

Fin 2011, le ministre des pensions de l’époque, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), a été couvert de louanges lorsqu’il a annoncé les nouvelles mesures destinées à contrer l’augmentation de coûts liés au vieillissement. Le passage de la pension anticipée de 60 à 62 ans et une réforme du système de prépensions doivent inciter les Belges à travailler plus longtemps et permettre de maîtriser les coûts de vieillissement.

Cependant, ces mesures ont été prises à très long terme. L’âge de la pension anticipée ne sera fixé à 62 ans qu’en 2016. Même chose pour la prépension : l’âge minimum de la prépension conventionnelle sera augmenté de 58 à 60 ans d’ici… 2015. Pour les entreprises en restructuration l’âge minimum est déjà de 55 ans, mais pour les entreprises en difficulté, cette limite ne sera atteinte qu’en 2018. Michel Jadot, ancien haut fonctionnaire du PS, expert en pensions a conclu en juillet 2013 qu’on pouvait tout au plus parler d’une réformette et que l’effet de la réforme sur l’abordabilité des pensions est nul.

Rapports de vieillissement optimistes

Les chiffres de la Commission vieillissement nous apprennent la même chose. Selon le dernier rapport annuel (juillet 2013) de la commission d’étude, les dépenses de pensions augmentent de 10,2 pour cent du PIB en 2012 à 14,7 pour cent du PIB en 2060, ce qui revient à une hausse de 0,2 point pour cent depuis le dernier rapport d’octobre 2012.

À chaque publication de chiffres de vieillissement, c’est le silence radio du côté du gouvernement Di Rupo. Le ministre des pensions Alexander De Croo (Open VLD) a souligné l’effet positif de la réforme de bonus de pension, un extra pour les personnes désireuses de continuer à travailler après 62 ans. Le gouvernement a décidé de diminuer ce montant, ce qui fournit une économie de 0,1 pour cent du PIB, ou un petit 400 millions d’euros par an. Cependant, ce montant n’est rien comparé aux coûts de vieillissement totaux (les pensions et autres dépenses sociales) qui passeront de 25,8 pour cent du PIB à 31,2 pour cent entre 2012 et 2060.

Mais cette évolution est également minimisée. Les coûts supplémentaires du vieillissement de 5,4 points pour cent du PIB d’ici 2060 (19 milliards d’euros de plus) ont baissé de 0,1 point de pourcentage depuis le précédent rapport d’octobre 2012, ce qui a fait conclure à Elio Di Rupo que “le gouvernement a réussi à endiguer les coûts liés au vieillissement”.

Ce dernier oublie que la commission d’étude a systématiquement sous-estimé les surcoûts de ces dernières années. En outre, les pronostics de la Commission Vieillissement partent d’une croissance de productivité de 1,5 pour cent, considérée comme irréaliste par la plupart des économistes. Ils avancent plutôt 1,25 pour cent. Dans ce cas, les surcoûts liés au vieillissement s’élèveront à 6,4 points de pourcentage en 2060.

Par ailleurs, selon la Commission européenne, les surcoûts belges sont plus élevés que le chiffre avancé par la Commission Vieillissement. Alors qu’en 2009, il était toujours question d’un surcoût de 6,9 pour cent du PIB d’ici 2060, entre-temps celui-ci se chiffre à 9,1 pour cent. Les dépenses croissantes liées au vieillissement de la Belgique vont à l’encontre de la tendance européenne. Suite à la crise de l’euro, de nombreux pays ont pris des mesures pour déminer la bombe démographique. En 2009, les surcoûts attendus du vieillissement de la zone euro s’élevaient à 5,2 pour cent. Depuis, ce chiffre a baissé à 4,1 pour cent.

Carrières courtes, petites pensions

Par conséquent, notre pays doit toujours entamer sa lutte contre le fantôme des pensions. Et ses choix sont limités. Elle ne peut pas augmenter les contributions sociales ou les impôts pour générer des recettes supplémentaires. La Belgique figure déjà dans le top trois des pays à la pression fiscale la plus élevée. Diminuer le montant des retraites n’est pas envisageable non plus. Selon l’OCDE, les pensionnés belges perçoivent 52 pour cent du salaire moyen gagné pendant leur carrière. La Belgique est le pays industriel dont la retraite moyenne est la plus basse. Selon l’OCDE, 70 pour cent est une moyenne acceptable et tout chiffre en dessous des 60 pour cent est considéré comme inquiétant.

Ce montant relativement bas est dû à la courte carrière des Belges. L’employé moyen mène une carrière de 32,5 ans. Pour les femmes c’est à peine 29,9 ans alors qu’une carrière complète s’élève à 45 ans. Cet écart explique la moyenne basse des retraites : le Belge contribue trop peu d’années au système et n’accumule pas assez de droits.

La solution paraît donc évidente: il faut travailler plus longtemps. Les mesures prises en ce sens par Elio Di Rupo s’avèrent largement insuffisantes. En 2009, Luc Coene, actuellement gouverneur de la Banque Nationale, a déclaré qu’il ne fallait pas moins de cent pactes de solidarité entre les générations. Il n’y en a eu que deux : le pacte de solidarité entre les générations de 2005 et les mesures du gouvernement Di Rupo. Il en reste donc encore 98.

Travailler jusqu’à 73 ans?

Les façons de réaliser ces pactes sont connues. Elles sont régulièrement formulées par le FMI, l’OCDE et la Commission européenne. Les politiques ont lancé l’une ou plusieurs de ces propositions, mais elles ont connu une fin rapide.

Toutefois, un consensus se dégage sur l’augmentation de l’âge réel de la pension qui s’élève à 59,6 ans en Belgique, l’un des plus bas d’Europe. Sur la réalisation concrète de ce projet, les ministres renvoient déjà à la prochaine législature. Pour les institutions susmentionnées, il faut continuer à démanteler l’ancienne prépension (modifiée en allocations de chômage et complément d’entreprise).
Même si les politiques admettent que l’âge de sortie réel doit augmenter, ils estiment que le débat sur l’augmentation de l’âge légal de la pension est inutile. Ils répètent qu’il faut faire en sorte que l’âge réel de la pension rejoigne l’âge légal (65 ans).

Pourtant, augmenter l’âge de la pension officielle exercerait un effet psychologique. Les gens savent qu’ils devront travailler plus longtemps. Plusieurs pays européens ont déjà procédé à des démarches dans ce sens. En Allemagne, l’âge de la pension s’élèvera à 67 ans en 2029, aux Pays-Bas, elle sera de 67 ans en 2023 et même l’Italie augmente l’âge légal à 66 ans en 2018.

Dans un rapport paru en janvier 2013, l’OCDE a esquissé une image extrêmement inquiétante du défi des pensions belges. Si les formes actuelles de sortie anticipée continuent à exister, la Belgique n’aura plus qu’à faire passer l’âge légal de la pension à 73 ans. L’OCDE et la Commission européenne recommandent également à la Belgique d’associer l’âge de la pension à l’espérance de vie.

Une troisième piste consisterait à instaurer un malus de pension à côté du bonus de pension existant afin de punir les personnes qui arrêtent de travailler avant l’âge légal. Plusieurs pays de l’Union européenne appliquent déjà ce malus.

Les zones d’ombre des pensions des fonctionnaires

La discussion sur les pensions gravite surtout autour des pensions des employés et (dans une moindre mesure) celles des indépendants. On accorde moins d’attention aux pensions des fonctionnaires alors que le choc du vieillissement s’y ressent depuis des années. Depuis 20 ans, les coûts de retraite du système des employés tournent autour de 5 à 6 pour cent du PIB. Pour les fonctionnaires le coût total des pensions a augmenté de 2 à presque 4 pour cent du PIB. Les pensions des fonctionnaires restent taboues.

La seule mesure qui a été prise est de ne plus calculer les pensions des fonctionnaires sur base du salaire des cinq mais des dix dernières années. Cette mesure est censée … faire croître moins rapidement les coûts de vieillissement.

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