Les 1.000 milliards de la BCE en 3 questions

En trois mois, la Banque centrale européenne a mis sur la table 1.000 milliards d’euros pour donner de l’air au système financier. Mais que font les banques européennes de cette manne exceptionnelle ?
Le guichet est une nouvelle fois grand ouvert. La BCE a annoncé mercredi avoir alloué 529,53 milliards d’euros à 800 banques de la zone euro. C’est la deuxième opération de ce type en moins de trois mois. La première opération, baptisée LTRO (Long Term Refinancing Operation) s’était déroulée en décembre. Elle avait mis 489 milliards d’euros à la disposition de 523 établissements financiers. Au total, la BCE a donc mis sur la table 1000 milliards d’euros pour donner de l’air au système financier. Même si les flux nets injectés dans le système financier sont moindres (environ 500 milliards selon la BCE), l’effort reste considérable.
Pourquoi un tel activisme ?
« En décembre dernier, nous avons frôlé l’arrêt cardiaque du système financier », rappelle Fabrice Cousté, DG de CMC Markets France, plateforme mondiale de trading en ligne. Les marchés financiers se fermaient, notamment pour l’Espagne et l’Italie, deux poids lourds de la zone euro. Ces deux pays étaient obligés de payer des taux d’intérêt trop élevés (environ 7%) pour se financer sur les marchés obligataires. Résultat : leur dette risquait de devenir incontrôlable. Parallèlement, les banques – qui détiennent des obligations publiques – voyaient leurs cours dévisser en bourse. Il fallait donc intervenir. En lançant son opération LTRO, la BCE a fait d’une pierre deux coups. Elle a redonné de l’oxygène aux banques et réduit le stress financier. Ses achats de titres publics sur les marchés secondaires ont aussi contribué à calmer la situation.
Concrètement, comment les banques utilisent-elles les liquidités de la BCE ?
Le LTRO est une opération de prêt avec collatéral. Les banques fournissent des titres à la BCE. En échange, celle-ci met à disposition des liquidités pour 3 ans à un taux d’intérêt défiant toute concurrence : 1%. Pour rappel, il y a trois mois, les banques françaises jugées de bonne qualité (BNP, Société générale) se refinançaient sur le marché obligataire à 4,5/5% pour 3 ans, rappelle Arnaud Raimon, Président de la société d’asset management Aliénor Capital. Les conditions se sont donc nettement améliorées. Une fois leurs liquidités en poche, les banques ont plusieurs options. Les plus frileuses replacent ces liquidités aux guichets de la BCE à un taux peu attractif plutôt que de prendre le risque de financer des entreprises, des ménages ou d’autres banques. Cependant d’autres banques se livrent à des opérations de « carry trade » beaucoup plus juteuses. Elles empruntent à 1 % auprès de la BCE et prêtent ensuite aux gouvernements à des taux plus élevés. A ce jeu les banques espagnoles sont les plus actives : elles ont acheté 32 milliards d’euros d’actifs publics en janvier et 22 milliards en décembre. Ce « carry trade » pourrait paraître honteux ; il a pourtant un effet positif, note Arnaud Raimon. En effet, il contribue à faire baisser les taux d’intérêt à long terme dans les pays d’Europe du Sud.
Les banques utilisent-elles aussi l’argent de la BCE pour financer l’économie ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Les flux de prêts au secteur privé ont baissé en novembre et décembre (-16 et -72 milliards d’euros respectivement). On peut toutefois constater que les flux de crédit ont rebondi en janvier (+37 milliards) et que le timide dégel du marché interbancaire présage un desserrement des standards de prêts, estime Bruno Cavalier, économiste d’Oddo Securities. Grâce au LTRO, les banques peuvent enfin avoir une offre de crédit pour les particuliers et les entreprises, constate Arnaud Raimon. Cependant, il ne faut pas oublier que de la demande de crédit reste en berne. En France, par exemple, la consommation baisse à un rythme de 2% l’an. Difficile dans ces conditions, d’obtenir un rebond du crédit, même si les banques sont mieux disposées. Le président de l’institution de Francfort Mario Draghi a exhorté dimanche les banques à soutenir la croissance économique en prêtant aux ménages et aux entreprises les liquidités empruntées. L’agence de notation Fitch estime toutefois qu’il est peu probable que ces fonds débouchent sur une forte croissance du crédit, « étant donné l’absence de toute demande notable » en Europe. L’injection de liquidités a ses limites.
Sébastien Julian, L’Expansion.com
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