Rudy Aernoudt

L’endettement belge dans le contexte européen: “Cinq cents euros toutes les secondes”

C’est en pleine trêve estivale que le Belge a appris que le déficit budgétaire du pays atteindrait cette année non pas 3,2 milliards d’euros, comme on l’avait d’abord cru, mais 7 milliards d’euros. Soit plus du double. Le Belge a haussé mollement les épaules : on s’habitue à tout. D’autant que loin d’être propre à la Belgique, la tendance est européenne. Penchons-nous pourtant un instant sur le cas de notre pays.

Lors de l’installation, en 2014, du gouvernement Michel, le déficit budgétaire était de 3,1 %. L’équilibre fut alors annoncé pour 2019. L’exercice 2018 s’est effectivement achevé sur un déficit de 0,7 %, soit 3,2 milliards d’euros. Soit également un résultat proche de celui des autres pays européens, dont le déficit est passé, durant cette même période, de 3,2 % à 0,6 % en moyenne. L’équilibre annoncé semblait donc à portée de main. Or, il s’avère à présent que le déficit pour 2019 sera de 1,5 % (7 milliards d’euros, donc) et grimpera même à 2 % (9,6 milliards d’euros) l’an prochain.

Les déficits gonflent naturellement la dette. En termes de taux d’endettement, la Belgique n’a encore jamais flirté avec l’objectif européen des 60 %, mais elle semble (semblait ? ) en passe d’y arriver. Alors qu’en 2014, l’endettement représentait 107,7 % du PIB, le rapport est passé à 102 % (-5,7 %) l’an dernier. En d’autres termes, la dette a augmenté moins rapidement que le PIB. Durant la même période, le déficit budgétaire des 28 pays de l’Union a diminué de 85,6 à 78,8 %, soit un recul de 6,8 %. Cela signifie donc que malgré notre endettement colossal, notre taux d’endettement s’est allégé moins rapidement que celui des autres pays de la zone. En chiffres absolus, la dette publique belge atteint 463 milliards d’euros, soit 43.000 euros par habitant. Elle est, naturellement, à charge de la population active occupée. Le taux d’emploi belge étant nettement inférieur à celui des pays voisins – ce qui constitue du reste l’une des causes du déficit budgétaire -, la charge qui repose sur les travailleurs culmine à 86.000 euros par personne.

Le débat communautaire oppose souvent l’image de la Flandre, dite sans dette, à celle de la Wallonie, surendettée. Faut-il croire à ce cliché ? Il y a 10 ans, les prévisions faisaient état d’une Région flamande totalement désendettée en 2020, c’est-à-dire demain. A l’époque, la dette flamande s’élevait à 8 milliards d’euros et un plan de réduction avait été élaboré. Mais la récession économique et la crise du secteur bancaire ont fait voler le projet en éclats. Depuis, la dette flamande a été multipliée par trois (27 milliards d’euros en 2019, sur un budget de 42 milliards), et bientôt par quatre (35 milliards d’euros en 2022, d’après les estimations). La Flandre désendettée n’est donc pas pour tout de suite. Quant à la dette de la Région wallonne, elle est d’un ordre de grandeur identique mais son montant (24 milliards d’euros) est près de deux fois plus élevé que le budget, de 13 milliards d’euros. A quoi il faut ajouter le déficit, de 8 milliards d’euros, de la Communauté française.

Dans l’éventualité où la dette serait scindée, celle-ci viendrait grossir celle de chacune des Régions. Deux clés de répartition pourraient être utilisées : soit le PIB, soit la population. Dans le cas de la Wallonie, c’est la première qui serait la plus intéressante, puisque la Région concentre 32 % de la population belge, alors qu’elle ne réalise que 24 % du PIB. Bruxelles (10 % de la population), à qui le pays doit 19 % de son PIB, aurait tout intérêt à ce que l’on opte pour la seconde. La question, pour la Flandre, dont le pourcentage de population est très proche de son poids économique, aurait peu d’importance. Concrètement, d’après des calculs effectués par le professeur Alain Siaens de l’UCLouvain, si la Flandre prenait à son compte 57,6 % (pourcentage de population) de la dette belge (c’est-à-dire 57,6 % de 463 milliards d’euros), son endettement passerait à 117 % de son PIB. Soit près du double de la norme européenne. Selon ce même calcul, la dette de la Wallonie représenterait 184 % du PIB de la Région : une situation à la grecque.

Comme les défenseurs de l’écologie le rappellent, nous n’avons qu’une planète, qu’il n’est pas question de léguer polluée à nos enfants. Dans le même ordre d’idées, avons-nous le droit de laisser un endettement historique les écraser ? Alors que la loi permet de refuser les héritages familiaux, aucun nouveau-né ne peut échapper à sa ” prime ” de naissance de – 43.000 euros. Pour celles et ceux qui ne sont toujours pas convaincus de l’urgence, nous les invitons à méditer la réalité suivante : pendant les cinq minutes environ que leur aura pris la lecture de cet article, l’endettement belge aura augmenté de 152.000 euros. Il s’accroît en effet de 500 euros toutes les secondes… Bonnes vacances.

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