Rudy Aernoudt

L’effet pervers du travail et des bonus à l’emploi

Il est de notoriété publique que travailler dans notre pays ne paie pas vraiment. Pourquoi le ferait-on alors que les employeurs réclament à cor et à cri de la main-d’oeuvre et qu’il y a encore 300.000 chômeurs à embaucher? Il faudra donc prendre les mesures nécessaires pour creuser l’écart salarial entre de ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Mais les bonus à l’emploi tant fédéraux que régionaux ont des effets très pervers là-dessus.

Le paradis social pour les chômeurs

Les chômeurs sont choyés. Après tout, dans aucun autre pays au monde, on peut être nommé chômeur de façon permanente, à vie. Et cela commence dès la fin des études. Après 310 jours d’attente, sans compter les dimanches, le jeune, sans avoir jamais travaillé, obtient une allocation d’insertion. À titre d’exemple, une personne seule sans charge familiale reçoit 1.138 euros ; un cohabitant avec une famille à charge 1.528 euros.

Pour ceux qui ont déjà travaillé, le chômage s’élève à 65% du salaire perçu précédemment et ce pendant les six premiers mois, ensuite cela diminue de manière dégressive (par exemple 60% à partir de six mois). Un cohabitant, ayant une famille à charge, reçoit des allocations de chômage de 1.570 euros au minimum et de 2.000 euros au maximum. Ce minimum garanti est illimité dans le temps. Le maximum est dégressif. Les personnes vivant seules percevront, également sans limite dans le temps, 1.270 euros. Ou comme l’écrit le FMI dans son rapport : “C’est en Belgique que le chômage de longue durée est le meilleur. Après tout, en France, vous tombez rapidement à 30% (jamais en dessous de 50% en Belgique), pour un maximum de 2 ans, et aux Pays-Bas, les chômeurs perdent leurs allocations après 164 semaines.

L’enfer fiscal pour la classe moyenne

Qui paie pour tout cela ? La classe moyenne, qui représente 75% de la population et paie 80% des impôts. À propos, la Belgique est le seul pays européen où le pourcentage de classe moyenne dans la population est inférieur à son pourcentage dans les impôts.

La classe moyenne est définie comme les personnes qui gagnent entre 60% (classe moyenne inférieure) et 200 % (classe moyenne supérieure) du revenu médian d’un pays. Ceux qui gagnent plus de 200 % sont les riches, ceux qui gagnent moins de 60% sont les pauvres. Le salaire médian signifie que 50% de la population gagne plus, tandis que l’autre moitié moins. Le salaire médian en Belgique se situe à 3.550 euros brut, soit 2.180 euros net (septembre 2022).

Pour attirer les inactifs sur le marché du travail, des primes ont été élaborées pour les salaires les plus bas. Le bonus de travail fédérale prévoit une prime pour les salaires bruts, inférieurs à 2.500 euros. Les salariés qui voient leur salaire brut passer de 2.100 euros à 2.600 euros perdent donc cette prime. Le revenu net d’un célibataire sans enfant passe donc de 1.738 euros à 1.855 euros. Pour un cohabitant avec 2 enfants, les montants respectifs sont de 1.810 et 1.939 euros. C’est l’effet pervers du bonus à l’emploi. Comment motiver ainsi les personnes à travailler plus et mieux ?

Morale de l’histoire

On ne comble pas l’écart salariale entre les personnes qui travaillent et celles qui ne travaillent pas, en donnant tout simplement des primes aux personnes à faibles revenus. Si l’intention est louable, elle aura également l’effet pervers sur les travailleurs, percevant des salaires relativement bas, de les inciter à faire le strict minimum et ne les motivera absolument pas à faire des efforts pour gagner plus. Pour combler l’écart, il faut notamment rendre le chômage moins attrayant et mettre en oeuvre des réductions d’impôts substantielles pour l’ensemble de la classe moyenne, et pas seulement pour ceux qui gagnent moins de 2.500 euros bruts.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content