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“L’économie du sac-poubelle”

En cette fin de mois d’août, une petite ville de la périphérie bruxelloise fait face à une pénurie de sacs- poubelles. En cause : la modification annoncée de son prix à partir du 2 septembre prochain, puisqu’il augmentera de 20%, soit de… 25 centimes !

Il semble qu’en raison des provisions réalisées par certains, plus aucun magasin des environs ne dispose des précieux sacs, qui sont uniquement disponibles à la commune et en nombre limité par famille. Cette situation cocasse et a priori futile en dit pourtant long sur la rationalité très relative des consommateurs.

Le comportement visant à ” faire des provisions ” avant une augmentation de prix est a priori rationnel. C’est notamment un comportement que l’on observe avant une hausse annoncée de la TVA : la consommation des ménages augmente drastiquement juste avant la hausse, pour s’écrouler ensuite. De fait, dans le cas de l’achat d’une voiture, l’économie peut être de plusieurs centaines d’euros. Dans le cas qui nous occupe ici, la rationalité du consommateur devient très relative et ce, pour deux raisons.

D’une part, on ne parle que de 2 euros de différence par mois, tout au plus. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Vous me direz qu’un euro est un euro. Mais justement, parlons-en ! Que représente la dépense de se déplacer, probablement dans plusieurs magasins, afin de trouver un grand nombre de sacs avant la hausse de leur prix ? Et quel est le coût d’opportunité du temps consacré à cette recherche, temps qui aurait pu être consacré à d’autres activités plus rentables ? En tenant compte de tous les éléments, le coût de l’opération est plus important que le bénéfice qu’on en retire.

D’autre part, l’économie réalisable en anticipant l’achat de sacs est futile à côté de la réelle économie à long terme que l’on peut faire en modifiant ses habitudes et en produisant moins de déchets. Autrement dit, l’augmentation du prix pourrait être l’occasion de modifier certaines habitudes : c’est bon pour le portefeuille et pour l’environnement. Mais non, Jean et Gertrude préfèrent faire des réserves de sacs ! De même, lorsque le prix de l’énergie augmente, de nombreuses voix appellent à baisser les taxes. Pourtant, l’économie que l’on peut réaliser en baissant son thermostat de 1° C ou en roulant 10 km/h moins vite ferait bien plus que compenser la hausse de prix. Bref, le consommateur lambda semble toujours préférer la facilité à la mise en place d’une stratégie lui permettant de faire plus d’économies à long terme.

Au-delà du comportement irrationnel de certains, d’autres sont carrément malhonnêtes. En effet, des petits malins qui ont probablement un peu trop regardé Wall Street ont acheté un grand nombre de sacs (on parle de plusieurs dizaines de rouleaux) pour les revendre avec bénéfice sur les sites de vente entre particuliers ! Oui, un squeezing du marché du sac-poubelle a bien été pensé dans l’esprit perturbé de certains. Que fait la FSMA ?

Trève de plaisanterie, en plus de nous montrer des aspects peu reluisants de la nature humaine, cet épisode qui passera rapidement aux oubliettes de l’histoire illustre deux choses. Primo, la rationalité du consommateur est très relative. C’est évidemment très ennuyeux quand on sait les défis qui nous attendent : comment prendre des mesures efficaces pour lutter contre le gaspillage ou contre les externalités négatives de notre activité si les effets de toute mesure sont imprévisibles en raison de l’irrationalité des consommateurs ? Sans compter l’appât du gain de certains.

Secundo, cela nous rappelle qu’un élément clé de la politique économique est souvent de la mener par surprise. C’est le cas d’une augmentation de prix, mais aussi d’une réforme monétaire ou d’un changement de législation. En effet, le coût pour la société d’une mesure que l’on considérerait comme raisonnable peut être inégalement réparti, voire insurmontable pour certains, dans des cas extrêmes en raison des opportunités, aussi futiles soient-elles, que d’autres saisiront. Ne pas annoncer une mesure avant qu’elle prenne effet permet d’éviter cette conséquence perverse et de répartir le coût de la mesure plus équitablement, même si la surprise entre inévitablement en concurrence avec la publicité des décisions indispensable à la démocratie.

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