Le test de la semaine de 4 jours de 8 heures sans réduction de salaire déjà vivement critiqué
La semaine de quatre jours de huit heures sans réduction de salaire est une “solution” aux problèmes du marché de l’emploi, selon le ministre de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne, mais un “coup de frein en pleine relance économique” et un projet contreproductif pour l’UCM.
La semaine de quatre jours n’a pas fini de faire parler d’elle. Mais c’est sous une autre forme qu’elle revient sur la table, et c’est important de faire la distinction. Depuis novembre 2022, les travailleurs peuvent demander de prester une semaine de cinq jours en quatre jours. En d’autres mots : travailler 9,5 heures par jour, et avoir un jour de libre. Après quelques mois de cette expérience, les résultats sont plutôt mitigés.
C’est une nouvelle expérience que le ministre de l’Économie et de l’Emploi, le socialiste Pierre-Yves Dermagne, veut tenter : quatre jours de travail de huit heures par semaine, pour un salaire égal à une semaine de 40 heures. Il s’agit d’un test grandeur nature de la “réduction collective du temps de travail” dans les entreprises. Les inscriptions sont désormais ouvertes. Des chercheurs, qui doivent encore être sélectionnés, analyseront les résultats par la suite. Dermagne espère avoir des entreprises de tailles différentes et actives dans des secteurs différents, explique-t-il à L’Echo.
Réponse à un problème ?
Un des grands problèmes en Belgique, on le sait, est le taux d’inactivité. Notre pays veut atteindre un taux d’emploi de 80%. Un autre problème du marché de l’emploi, ce sont les malades de longue durée, burn out et cetera. Il y a également une pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.
Pour le ministre, cette option serait une réponse à ces problèmes. D’un côté, un temps de travail réduit serait un facteur “d’attractivité” pour les entreprises, permettant d’amener des nouveaux éléments, parfois inactifs, et de réduire les pénuries. D’un autre côté, il permettrait aussi de réduire les risques de ces maladies professionnelles, donnant plus de temps aux travailleurs pour déconnecter et un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.
Et les entreprises ?
Reste à voir si les entreprises suivent. Un jour de travail en moins, c’est aussi une baisse des chiffres et de la compétitivité, dans un contexte déjà difficile d’inflation,- et de ralentissement. En 2016, lorsque Elio di Rupo avait proposé la même idée, le syndicat des indépendants SNI parlait déjà d’un “coup mortel pour l’économie”. Ce mardi, l’Union des classes moyennes (UCM) répond, par voie de communiqué, au projet du ministre. “A l’heure où la relance économique doit être une priorité à tous les niveaux de pouvoir et que le monde économique met toutes ses forces dans la bataille, cette expérience grandeur nature s’apparente à un sérieux coup de frein et à une méconnaissance de la vie des PME dans notre pays”, écrit-elle, remettant en doute la faisabilité même du test.
Et de proposer d’autres solutions, à la place : “Nous demandons de donner aux PME un cadre flexible pour travailler avec leurs collaborateurs. Il faut faire bouger les lignes en matière de durée de travail. Par exemple, comptabiliser autrement (en plage plutôt qu’en horaire de travail), permettre une plus grande flexibilité dans les prestations, déplafonner le mécanisme des heures supplémentaires volontaires défiscalisées, faciliter l’ouverture de crèches d’entreprise etc…”
En mars, sept entreprises sur dix rejetaient la semaine de quatre jours… de 9,5 heures. “Que dire alors d’une réduction collective du temps de travail avec maintien intégral du salaire…”, selon l’UCM ; pour la semaine de quatre jours de huit heures, les perspectives semblent en effet encore plus compliquées. Mais reste à voir si le secteur privé suivra cette proposition.
Les résultats du test, il ne faut pas les attendre avant les élections. Et voilà une des raisons qui pourrait aussi motiver ce test. C’est une revendication qui remonte à longtemps, à gauche. En proposant le projet sous forme de test, sur base volontaire, le cabinet Dermagne prend peu de risques du côté politique, mais montre à ses électeurs (et ceux qui pourraient partir vers le PTB) qu’il prend des mesures et écoute les revendications. Ballon d’essai et coup de com’ ou véritable solution face aux problèmes structurels du marché de l’emploi belge. L’avenir nous le dira.
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