Le pays est à peine sorti du nucléaire que des politiciens allemands demandent déjà le grand retour de l’atome
Les derniers réacteurs nucléaires allemands ont été arrêtés en avril de cette année. Mais au vu des émissions de CO2, du ralentissement de l’économie et d’une crise budget, des politiciens, issus de l’opposition et de la majorité, veulent relancer les réacteurs et en développer d’autres. Des prises de position qui font écho en Belgique.
Une voiture électrique qui “émet” plus de CO2 qu’une voiture thermique ? Cela peut sonner comme un non-sens, mais cela a pourtant bien été le cas en Allemagne ce week-end. En cause : pas de soleil, pas de vent, et des centrales à charbon qui tournent à plein régime. Résultat : sur 100 km, une voiture électrique émet, indirectement, via la charge avec de l’électricité produite avec du charbon notamment, 15 kilogrammes de CO2, contre 13,8 kilos pour une voiture thermique classique consommant 6 litres d’essence sur 100 kilomètres, calculait l’expert en énergie de l’Université de Liège, Damien Ernst, sur X, chiffres d’Electricty Maps à l’appui.
C’est un exemple extrême. Il n’arrive pas tout le temps, mais quand même de temps en temps. Il montre que la transition énergétique allemande n’est pas un chemin direct et facile vers le zéro-carbone. Même si la capacité installée du solaire et de l’éolien dépasse celle du charbon. Avec la sortie du nucléaire, qui a eu lieu en avril, la production d’électricité est donc devenue plus intense en carbone (mais de l’autre côté, elle ne génère plus de déchets radioactifs pour la transformation desquels il n’y existe toujours pas de solution, à part le stockage).
Cette sortie du nucléaire a en plus eu lieu en pleine crise énergétique. Avec la guerre en Ukraine, les approvisionnements de gaz russe vers l’Europe ont fortement chuté. L’Allemagne surtout en était grandement dépendante. Le pays a cherché d’autres fournisseurs, mais son économie en a souffert et tourne au ralenti depuis.
Retour du nucléaire ?
Ainsi, des politiciens allemands sortent désormais du bois pour demander le retour du nucléaire. C’est notamment le cas de Markus Söder, ministre-président de Bavière (CSU, chrétien-démocrate). Ce samedi, il demande dans la Frankfurter Allgemeine des “changements politiques fondamentaux, notamment dans le domaine de l’énergie”. Il profite du trou de 60 milliards d’euros dans le budget du gouvernement fédéral pour faire remarquer que “la politique énergétique marquée par les Verts s’est fracassée sur la réalité, avec l’arrêt de la Cour constitutionnelle”.
Cette dernière a jugé comme contraire à la Constitution que le gouvernement se serve dans des fonds alloués mais non dépensés lors de la pandémie, pour les injecter dans un programme pour rendre le pays plus vert. Il y a donc un trou dans le budget fédéral, ce qui crée une crise politique importante à Berlin.
Mais pour Söder, relancer le nucléaire serait également une piste pour résoudre cette crise. Tout comme pour relancer l’économie allemande. Les réacteurs éteints en avril devraient être rallumés dès-à-présent. Jens Spahn, député fédéral et vice-chef de file des chrétiens-démocrates du Parlement, lui emboîte le pas. Les deux soulignent également que l’Allemagne ne devrait pas rater le coche du développement des petits réacteurs nucléaires (SMR) et des réacteurs de nouvelle génération, et donc construire de nouvelles centrales également. Pour atteindre les objectifs climatiques, mais aussi pour rester compétitif.
Leur parti est dans l’opposition au niveau fédéral. Mais dans la majorité même, des voix s’élèvent pour l’atome. C’est le cas de Christian Dürr et Torsten Herbst, respectivement chef de file du groupe parlementaire et leader du FDP (libéraux). Ils sont moins drastiques que les autres intervenants mais ne veulent pas que l’Allemagne abandonne totalement le nucléaire. Ils appellent à un “grand retour de l’énergie nucléaire” et à ce que Berlin suive la voie d’autres pays européens et développe des SMR, par exemple, plaident-ils.
Un écho en Belgique
La situation en Allemagne et les déclarations font ainsi écho à l’actualité en Belgique : sortir du nucléaire… pour le regretter après ? Notre pays est aussi sur la voie de la sortie du nucléaire. L’atome doit être remplacé par du gaz, qui est une source d’émission de CO2.
L’accord sur la sortie, initialement voulue en 2025 mais repoussée à 2035, a d’ailleurs été trouvé ce week-end avec Engie. Mais pour certains, ce prolongement de dix ans des deux derniers réacteurs n’est pas suffisante. Pour le Premier ministre Alexander de Croo par exemple, il faudrait les prolonger de dix ans. Il faudrait aussi réfléchir à la prolongation de Tihange 1, réacteur qui doit être arrêté en 2025, selon le libéral. Engie a déjà répondu que ce serait impossible, mais le débat a néanmoins lieu. Pour De Croo, c’est au prochain gouvernement d’agir, mais pour le MR, il faudrait prendre tout de suite prendre des mesures.
Pour les SMR aussi, l’idée est sur la table. Un memorandum of understanding a été signé, notamment avec les Etats-Unis, la Roumanie et l’Italie, pour créer un consortium mêlant industrie et recherche et en fin de compte commercialiser des petits réacteurs. Mais pour que la construction soit possible, la loi doit encore être modifié, et le gouvernement peine à s’entendre.
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