Message de l’électeur au politique: on garde la maison, on vide le locataire

Wallonie
© Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le dernier Baromètre social publié par l’Iweps est très éclairant quant à l’état d’esprit des électeurs wallons à quelques mois du scrutin. La défiance à l’égard du politique est à son comble. Mais la confiance dans l’Etat social reste stable.

 Et il y a une bonne et une mauvaise nouvelle dans le dernier Baromètre social publié par l’Iweps, l’institut statistique wallon. La mauvaise, c’est la chute de la confiance de la population dans ses élus.

Seuls 30 à 40% des sondés se disent confiants (« confiance totale », « grande confiance » et « confiance moyenne » cumulées) dans les institutions politiques : les parlements (fédéral, européen, wallon), les gouvernements (fédéral et wallon) ou la Commission européenne. Et cette tendance est relativement neuve. La confiance dans le gouvernement fédéral était encore de 71% en 2018. Il n’est plus que de 39% aujourd’hui. Même chute douloureuse  pour le gouvernement wallon, dont l’indice de confiance tombe en six ans de 69% à 35%.  La baisse est vertigineuse. Ces niveaux, nous ne les avions encore jamais atteints ces 20 dernières années, soit depuis que le baromètre existe, constate l’Iweps.

C’est donc un mouvement récent et brutal. Il est plus brutal encore lorsque l’on parle des hommes et des femmes politiques : environ 80% des sondés se disent peu ou pas confiants envers eux. C’est 10 à 15% de plus qu’il y a six ans. Une exception notable à cette bérézina : le niveau communal. Les administrations communales, les conseils communaux et les bourgmestres bénéficient d’un indice de confiance de 60% environ.

Vive l’hôpital

Bon, où est la bonne nouvelle alors ?

Elle est dans la confiance, malgré tout, des citoyens dans ce qui fait véritablement un Etat : le système éducatif, des soins de santé, la police, la justice, la sécurité sociale…

« La confiance dans les institutions de l‘Etat social est stable ces quinze dernières années, note l’Iweps qui souligne que le système de santé est l’institution qui remporte la palme avec 87,1 % de la population qui lui exprime sa confiance. Vive l’hôpital ! La Sécurité sociale occupe la deuxième marche du podium (83,1 %) puis viennent  la police (80,9 %), l’éducation (78,5 %) et la justice (65,7 %).

Ce que le baromètre indique pourrait donc se résumer en une phrase : on garde la maison (l’Etat social), mais on vide le locataire (les politiques).

Le désordre comme instrument politique

On pourrait chercher une explication à ce sentiment citoyen dans l’analyse qu’ont effectuée de nombreux média anglo-saxons ces dernières années (The Economist, le New York Times, le Washington Post, Politico…). Tous, en parlant de la Belgique au détour d’événements bien souvent dramatiques (les attentats, les scandales…), s’étonnent de l’inefficacité et de la structure déliquescente d’un pays qui, par ailleurs, est riche et a des institutions sociales qui fonctionnent très correctement et qui peut même vivre pendant un an ou plus sans gouvernement.

Le Washington Post avait, voici quelques années, essayé de trouver l’explication de notre lasagne institutionnelle et l’éparpillement de nos niveaux de pouvoir – Bruxelles avec ses multiples zones de police, ses 19 communes, ses Cocof, Cocom, parlements, gouvernement, ses intercommunales, ses dizaines de sociétés de logement social… – en se référant aux travaux (controversés) de deux africanistes : Patrick Chabal et Jean-Pascal Daloz s’étaient en effet penchés sur « le désordre comme instrument politique ».

La politique du ventre

 Pour conserver leurs prébendes, de multiples potentats locaux distribuent subsides et emplois, sans grandes possibilités de contrôle, et pour le plus grand plaisir de nombreux affidés qui vont constituer leur socle électoral. Certains ont fait le compte des élus qui exercent une responsabilité dans notre pays : ils sont près de 27.000, soit 2 pour 1000 habitants, un des taux de dispersion du pouvoir parmi les plus forts au mode.

Ce brol a un avantage immense, car il profite aux élus, mais aussi à pas mal d’électeurs. Seuls les initiés peuvent le comprendre et en tirer avantage, au travers d’un réseau d’amis politiques, d’accumulation et de redistribution de ressources à de nombreuses personnes qui deviennent des « obligés ».  La « politique du ventre » n’est donc pas cantonnée au continent africain. Mais qui aura le courage d’en sortir ? Faut-il rappeler les vains efforts du panel citoyen « We need to talk » qui voulait réformer le financement des partis politiques et qui, voici quelques jours, a été envoyé sur les roses par les partis de la majorité ? Et faut-il dès lors vraiment s’étonner des résultats du sondage de l’Iweps ?

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