Olivier Mouton

Le football est devenu un sujet politique. Et la FIFA une entreprise mafieuse

Olivier Mouton Chef news

Malheureusement, Eden, tu n’a pas porté ce brassard “One Love”. Qu’importe une carte jaune, le capitaine de la Belgique devait montrer l’exemple. Sans que l’on ne soit dupe sur notre rapport à ce sport. La priorité doit être de réformer sa gestion.

Onze millions de Belges ont souffert avec les Diables rouges pour leur premier match face au Canada, mercredi soir. Mais la planète entière a été déçue de voir que notre capitaine, Eden Hazard ne portait pas le brassard “One love” aux couleurs arc-en-ciel, en guise de soutien contre les discriminations à l’égard de les LGBTQ+. Quel beau beau geste cela eût été s’il en avait le courage…

L’affaire a pris des proportions importantes depuis l’interdiction ordonnée par la FIFA de le porter, en début de semaine, et la courbe rentrante opérée par toutes les Fédérations nationales, y compris la belge. Cela démontre à quel point le sport est devenu un phénomène tel qu’il n’échappe plus aux considérations politiques et à un examen minutieux de la part des médias. Cela témoigne aussi du poird disproportionné de la FIFA…

Oui, Eden, ce brassard arc-en-ciel devenu un tel symbole de l’inclusivité et de la diversité que ce courage aurait été exemplaire, quitte à prendre une carte jaune. C’est ce que de nombreux médias avaient très justement écrit. “Ce serait la première carte jaune de l’Histoire de laquelle nous pourrions être très fiers”, soulignait le Nieuwsblad, mardi. Le pays, dans ce cas, retrouverait les habits modernes qu’il avait revêtus au début au début des années 2000 avec le gouvernement… arc-en-ciel, qui avait ouvert la voie à d’importantes réformes éthiques.

Derrière ce geste, notre gouvernement devait toutefois avoir la clarté d’un message fort lors de la visite de notre ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR). Si elle a raison de ne pas boycotter l’événement, l’ancienne journaliste de la RTBF a exprimé sans réserve les valeurs libérales qu’elle porte désormais. Et elle a porté le brassard, elle! C’était important, face à des partenaires de coalition réservés sur cette visite, mais ce doit également être un engagement de la Belgique, à long terme, pour oeuvrer au changement. C’est à la lumière de cela, et à l’attitude de notre Fédération, que l’on jugera vraiment notre attitude.

Car au-delà du symbolique, le malaise des Fédérations nationales et des sponsors témoigne d’un malaise profond et inacceptable à l’égard de la FIFA, devenue une entreprise mafieuse. Quand on voit Jan Verhongen dire qu’il a “peur de parler””, on comprend combien l’emprise de l’organe de gestion du foot mondial est immense. Quand on entend Thomas Meunier exprimer sa retenue parce qu’il a juré plusieurs années au PSG, propriétaire des Qataris, on voit jusqu’où va le dévoiement de ce sport.

L’attribution de la Coupe du monde au Qatar, en décembre 2010, est la source de tous les maux, même s’il n’était que la confirmation d’une dérive de longue date. A l’époque, la France a exercé un lobby important pour que l’émirat décroche la timbale et la Belgique a suivi docilement. S’il est positif que de Proche-Orient accueille enfin ce rendez-vous majeur – argument massue de Platini & co -, pourquoi diable ne pas avoir posé ses conditions? Et pourquoi les Fédérations nationales n’ont-elles pas pesé en ce sens? L’attitude de la Fédération allemande, qui menace d’aller en justice face à cette décision illégale, est un réveil tardif, mais intéressant.

Des changements ont soit disant été opérés à la FIFA, mais l’attitude de son secrétaire général, Gianni Infantino, prouve que ce n’est pas suffisant: dans l’affaire du brassard, qui était déjà porté auparavant sans que cela ne drange personne, il démontre que son “entreprise” est inféodée au pays organisateur. Certais évoquent même, avec à peine un zeste d’ironie, qu’Infantino souhaiterait déménager le siège de Zurich à Doha: il habiterait déjà au Qatar avec sa famille. Alors que le football est devenu l’entreprise la plus importante au monde, il reste géré de façon féodale: voilà le chantier de réforme qui doit être poursuivi d’urgence, en plus de celui à mener sur le plan politique.

Cela étant, cessons cette hypocrisie au sujet du boycott ou d’un désintérêt ponctuelpour le sport numéro un au monde: les audiences télévisées du match de la France, en attendant celui de la Belgique, témoignent de l’immense popularité du football. Ce jeu le plus simple et le plus universel, est magique. C’est pourquoi il est devenu un phénomène économique et identitaire majeur. Il ne mérite pas qu’on le laisse livré aux intérêts cupides de ceux qui en profitent, il doit, au contraire, être réformé et démocratisé.

La tâche doit commencer, dès aujourd’hui.

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