Le Brexit sera déclenché le 29 mars: le point

Theresa May © D. LEAL-OLIVAS/AFP

Le gouvernement britannique de Theresa May va déclencher le 29 mars le processus historique de divorce avec l’Union européenne, lançant ainsi deux années de négociations complexes et difficiles après plus de quarante ans d’une relation tourmentée. Un sommet européen sera organisé “4 à 6 semaines” après la notification, selon une source de l’UE.

Le représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’UE a informé le bureau du président du conseil de l’UE Donald Tusk que la Grande-Bretagne avait l’intention d’activer l’article 50 le 29 mars, a annoncé le porte-parole de Downing street lors d’un point-presse.

“Nous voulons que les négociations commencent rapidement”, a-t-il souligné. “Il y a aura une lettre, elle (Theresa May) va notifier le président Tusk par écrit. Le processus est prévu dans l’article 50”, a-t-il détaillé, rappelant que Mme May “ferait également une déclaration devant le Parlement”.

Les Britanniques ont voté par référendum le 23 juin avec 52% des voix la sortie de l’UE, laissant le pays profondément divisé.

De son côté, le ministre en charge du Brexit David Davis a évoqué dans un communiqué “la négociation la plus importante pour ce pays depuis une génération”. Le gouvernement est “clair sur ses objectifs: un accord qui fonctionne pour toutes les nations et régions du Royaume-Uni et bien sûr pour l’ensemble de l’Europe, un nouveau partenariat positif entre le Royaume-Uni et nos amis et alliés au sein de l’Union européenne”.

‘Tout est prêt’

A Bruxelles, un porte-parole de l’Union européenne a indiqué que “tout était prêt” pour cette activation de l’article 50. “Nous sommes prêts à entamer les négociations”, a souligné Margaritis Schinas.

“Dans les 48 heures de l’activation par le Royaume-Uni de l’article 50, je présenterai l’ébauche des lignes directrices du Brexit pour les Etats membres de l’UE à 27”, a écrit sur Twitter le président du Conseil européen Donald Tusk.

Un sommet européen “4 à 6 semaines” après la notification

Le sommet de dirigeants européens qui suivra le déclenchement du Brexit par le Royaume-Uni se tiendra “quatre à six semaines” après la notification annoncée pour le 29 mars, a annoncé lundi à l’AFP une source européenne.

Le déclenchement fin mars du divorce, tel qu’il a été annoncé lundi par Downing Street, ne laisse pas “suffisamment temps” pour un sommet dans la première semaine d’avril comme initialement prévu. “On s’attend à ce qu’il faille environ 4 à 6 semaines pour préparer et mener les consultations entre les 27 Etats membres”, a expliqué cette source.

Aucune date n’est fixée pour l’instant, a-t-elle ajouté.

Cette période de 4 à 6 semaines laisse présager d’un sommet dans la même période que l’élection présidentielle en France, qui se déroulera en deux tours, le 23 avril et le 7 mai.

Très sensible

Le déclenchement du Brexit ouvre la période de négociations de sortie de l’UE qui doit durer deux ans maximum. Il va intervenir après la date hautement symbolique du 25 mars, anniversaire du traité de Rome qui a fondé la Communauté européenne, au moment où l’Union est en pleine réflexion sur son avenir après la décision des Britanniques d’en sortir.

Les pourparlers ne devraient véritablement débuter que six à huit semaines après le déclenchement du Brexit, une fois que la Commission aura donné son vert et que son négociateur, le Français Michel Barnier, aura reçu un mandat des 27 autres pays de l’UE.

Très sensibles politiquement, les négociations s’annoncent aussi ardues du point de vue légal au vu de l’étendue des dossiers qu’elles couvriront.

Le Parlement britannique avait donné son feu vert au déclenchement du Brexit le 13 mars. Le même jour, la Première ministre d’Ecosse, Nicola Sturgeon avait ajouté à la complexité de la situation en annonçant son intention de demander pour fin 2018 ou début 2019 un nouveau référendum d’indépendance, mettant ainsi en jeu l’unité du pays.

Le Parlement régional écossais doit se prononcer ce mercredi sur cette demande et devrait l’entériner.

Mme Sturgeon a justifié sa demande par “le mur d’intransigeance” opposé par le gouvernement de Mme may alors que les Ecossais avaient voté à 62% pour rester dans l’UE et souhaitent au moins rester membres du marché unique européen.

Theresa May a répondu que “le moment n’était pas venu” pour un tel référendum, impliquant qu’il ne pouvait avoir lieu au moment où le pays négocie sa sortie de l’UE, lui compliquant ainsi la tâche.

Mme May veut mettre en oeuvre un Brexit “clair et net” impliquant la sortie du marché unique, afin de pouvoir reprendre le contrôle de l’immigration.

Le pourcentage d’Ecossais favorables à l’indépendance est toujours minoritaire, mais à un plus haut historique: 46% selon une étude ScotCen publiée mercredi. Le précédent référendum sur l’indépendance en Écosse, en septembre 2014, s’était soldé par un maintien dans le Royaume avec 55% des voix.

Brexit, ce que l’on sait

Calendrier

Theresa May va tenir sa promesse d’activer l’article 50 avant la fin du mois de mars. Londres et l’UE, hors éventuelle prolongation, disposeront dès lors de deux années pour boucler les négociations de sortie.

Les discussions ne commenceront sans doute pas avant deux mois, le temps que la Commission européenne mette au point son plan détaillé de négociations. Le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, le Français Michel Barnier, a souligné qu’un accord devait être trouvé avant octobre 2018, pour que la procédure soit achevée dans les temps. Cela ne laisse pas plus de quinze ou seize mois de discussion.

Les négociations: ‘rendez-moi mon argent!’

Les Européens souhaitent commencer la négociation en présentant à Londres l’addition de la sortie du club, un montant estimé entre 40 et 60 milliards d’euros représentant les engagements pris par Londres dans le cadre du budget européen courant jusqu’en 2020, ou encore le paiement des retraites.

Un récent rapport des Lords a fait valoir que le pays n’était pas légalement obligé de régler la facture une fois sorti du club, surtout en l’absence d’un accord commercial. Mais une telle décision serait interprétée comme une déclaration de guerre contre l’UE.

Brexit ‘dur’ et sortie du marché unique

Theresa May a préconisé une rupture “claire et nette”, ou Brexit “dur”, en dévoilant sa vision du Brexit mi-janvier.

Afin de reprendre le contrôle de l’immigration, le Royaume-Uni sortira du marché unique mais aussi de la Cour de justice de l’Union européenne. Mme May ambitionne toutefois de garder “l’accès le plus large possible” au marché unique, grâce à un “nouvel accord de libre-échange large, audacieux et ambitieux” qui reste à inventer.

Immigration contrôlée

“Le Royaume-Uni est un pays ouvert et tolérant mais le message du peuple a été très clair: le Brexit doit permettre de contrôler le nombre d’Européens qui viennent au Royaume-Uni, et c’est ce que nous allons faire”, a affirmé Mme May.

Elle cherchera dans le même temps à garantir les droits des Britanniques qui vivent dans des pays de l’UE. Le sort des citoyens européens déjà présents au Royaume-Uni servira de monnaie d’échange.

Rôle (limité) du Parlement

Le Parlement sera consulté sur l’accord issu des négociations avec Bruxelles avant sa conclusion. Mais il n’aura pas le pouvoir de changer le texte. S’il n’est pas d’accord avec le résultat des négociations, alors la sortie de l’UE se fera sans accord, et donc dans des conditions moins favorables que celles négociées.

Accord de transition

L’article 50 porte uniquement sur le divorce entre le Royaume-Uni et l’UE. Leurs relations futures, notamment commerciales mais aussi en matière judiciaire, devront faire l’objet d’autres négociations qui pourraient prendre de longues années. D’où l’idée d’un accord de transition qui permettrait d’éviter une sortie trop abrupte du giron européen, en particulier pour les entreprises, en attendant l’accord définitif.

Mme May a dit souhaiter que le processus de sortie se fasse “par étapes”, tout en excluant “un statut transitoire sans limites” dans le temps.

L’économie fait de la résistance

Alors que les scénarios les plus pessimistes prévoyaient un choc pour l’économie britannique dans la foulée du référendum du 23 juin ayant décidé le Brexit, celle-ci a fait preuve de résilience, avec un chômage à 4,7% fin janvier — au plus bas depuis 41 ans — et une croissance de 2% en 2016. Et la prévision de croissance pour cette année vient d’être relevée à 2%.

Les pouvoirs publics et les économistes s’attendent cependant à un ralentissement progressif dans les années à venir.

Partner Content