Le Black Friday, cette année, (vraiment) tout le monde s’y met

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D’un seul jour à un long week-end, le “Black Friday”, du nom de ces promotions géantes importées des Etats-Unis, s’étend désormais sur une semaine entière et concerne tous les secteurs, des transports aux salons de coiffure en passant par les voitures.

Dès lundi, les messages annonçant des opérations promotionnelles spéciales ont commencé à tomber dans les boîtes aux lettres électroniques afin d’appâter les clients, le constructeur automobile Renault se payant même une pleine page de publicité pour prévenir ses clients de “ne pas passer à côté du phénomène”.

Lancé en France en 2013, le concept a véritablement explosé en 2016: touchant des produits neufs et souvent chers, il permet selon ses adeptes de faire de “beaux” cadeaux de Noël à prix compétitifs.

Le commerce en ligne en a nettement profité: en 2017, son chiffre d’affaires global a bondi de 69%, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad).

Cdiscount (groupe Casino) a par exemple réalisé en une journée 43 millions d’euros de volume d’affaires, soit “cinq fois une journée normale”, un “record historique” pour le site de commerce en ligne. Sur Amazon, deux millions d’articles ont été commandés en une seule journée (+40% par rapport à 2016).

Cette année, les perspectives sont ébouriffantes: selon la Fevad, les ventes devraient atteindre 1,3 milliard d’euros en ligne sur quatre jours.

Surtout les jeunes

Cet événement, au départ conçu comme “majoritairement lié à l’e-commerce et au high-tech, est maintenant étendu à l’ensemble du commerce avec la participation majeure des magasins physiques également”, affirme Meryem Bessières, directrice marketing et communication chez RetailMeNot.

Selon une étude internationale réalisée par le Centre for Retail Research (CRR), plus de 5 milliards d’euros au total devraient être dépensés en France à cette occasion, “soit une augmentation de 5,9% par rapport à 2017”, et pour une grande majorité dans les magasins physiques.

La popularité du Black Friday ne cesse d’augmenter en France, puisque 91% des Français déclarent en avoir entendu parler cette année, contre 58% en 2016, selon un sondage YouGov pour le site spécialisé dans le “cash back” Poulpeo.

Plus d’un Français sur deux a l’intention de faire des achats durant cette période (51%, contre 32% en 2016), une proportion qui monte même à 71% chez les 18-24 ans.

Quant au budget prévu, il diminue légèrement, passant de 260 euros en 2017 à 245 euros cette année, selon cette même étude.

L’une des particularités du marché français face à ce phénomène est “la part de l’achat spontané”, qui s’élève à près de 50% alors qu’elle n’est que de 38% en moyenne en Europe, souligne à l’AFP François Aubry, associé du cabinet de conseil Oliver Wyman.

Vigilance en ligne

Cette part importante de “l’achat d’impulsion” génère donc des “dépenses supplémentaires – non prévues – qui peut rendre l’événement rentable pour une enseigne si elle fait l’effort d’être particulièrement créative”, note-t-il.

Cette journée est en tous les cas préparée des mois à l’avance: “nous anticipons avec nos fournisseurs en amont et côté logistique, on triple le nombre d’intérimaires”, explique à l’AFP le directeur commercial de Cdiscount Ferdinand Tomarchio.

L’attente des clients “est de plus en plus forte” car cet événement commercial, “coincé entre la rentrée et le 25 décembre”, permet autant “de se faire plaisir que d’anticiper ses cadeaux de Noël”, souligne-t-il.

A Fnac Darty, même discours: l’enseigne propose de “vraies marques puissantes pour le consommateur, ce n’est pas du déstockage”, affirme à l’AFP Vincent Gufflet, directeur commerce et services.

Devant cet engouement généralisé, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié sur son site dix conseils à l’attention des acheteurs en ligne: “prenez le temps de comparer, attention aux faux avis, soyez vigilants sur les garanties, suivez votre livraison”, ou bien encore… “préférez un site français ou européen”.

Achats impulsifs, retours, invendus et gros gâchis

Le choix du e-commerce de faciliter le retour gratuit des colis génère des montagnes d’invendus qui finissent parfois à la broyeuse, en particulier au moment des opérations de super promotions comme le Black Friday.

“Plus on commande, plus on renvoie (…) chaque paquet a un impact sur le climat”, dénonce l’ONG environnementale Greenpeace en Allemagne. Elle pointe du doigt les comportements d’achat impulsifs en particulier chez les jeunes.

Chez les Allemands de moins de 30 ans, un quart des colis commandés sont retournés à l’expéditeur, selon un sondage réalisé par Greenpeace. Plus de la moitié de ces jeunes consommateurs savent, dès l’achat, qu’il renverront une partie de leurs commandes.

Chez le géant du secteur Amazon, le reconditionnement ou la vérification de l’état du produit retourné sont parfois jugés plus coûteux que la destruction pure et simple de l’article.

Environ 30% des articles réexpédiés par les clients déçus d’Amazon Allemagne finissent à la poubelle, a aussi révélé une première enquête sur le sujet réalisée en juin par la télévision publique allemande (ZDF) et le magazine économique WirtschaftWoche.

Des équipes sont affectées chaque jour à la destruction de meubles, téléphones, matelas, portables ou machines à laver neuves, selon les témoignages, photos et vidéos à l’appui, des employés de la firme américaine en Allemagne.

Le géant américain a répondu dans un communiqué, disant “travailler continuellement” à minimiser le nombre d’articles invendus. Il cite ses circuits de seconde main, ou même de don caritatif.

“Dans le e-commerce, le client ne peut tester correctement son achat qu’après une prise en main, la possibilité du retour fait donc intégralement partie du modèle économique et intervient dès le choix du produit”, commente l’institut allemand EHI, auteur d’une étude sur les conséquences de ces renvois massifs de produits.

Près de 32% des détaillants interrogés reconnaissent préférer laisser gratuitement l’article à leur client, plutôt que de gérer les coûts du retour.

D’autres plateformes ont pourtant intégré le coût du retour dans leur stratégie, jugeant la satisfaction complète du client et l’assurance de son retour sur leurs sites plus importante que les frais de logistique.

Zalando, le géant européen de la mode en ligne, encourage ainsi ses clients à commander en plusieurs tailles.

Cette stratégie dite de “cabine d’essayage à domicile”, couplé à un service de coursiers dépêché chez le client à sa convenance pour venir récupérer par exemple les chaussures trop grandes et trop petites, est déjà mise en place dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, la France et les Pays-Bas.

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