Le bioingénieur Korneel Rabaey: « Une famille peut recycler elle-même toute l’eau qu’elle consomme »

Rencontre avec le bioingénieur Korneel Rabaey à propos de ses recherches dans le domaine de l’économie circulaire.
Pourquoi devez-vous connaître ce chercheur ?
Le bioingénieur Korneel Rabaey (42 ans) concentre ses recherches sur l’économie circulaire. « L’électricité renouvelable peut être le moteur de la purification de l’eau et de la transformation du CO2 en un produit utile », affirme-t-il. « Au cours des dernières décennies, le prix de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne a chuté de façon spectaculaire, en partie grâce à une décentralisation et aux installations qui ont fleuri sur les toits des particuliers. »
Selon Korneel Rabaey, nous devons utiliser cette énergie renouvelable pour purifier l’eau. « C’est possible avec des bactéries et de l’électricité, sans avoir recours à des produits chimiques. Le fractionnement des eaux usées permet d’en extraire les composants valorisables. Une famille peut recycler elle-même toute l’eau qu’elle consomme. »
L’eau de pluie est filtrée à travers une membrane grâce à un procédé électrique et ainsi rendue potable. Les eaux grises (qui correspondent aux eaux domestiques de la cuisine et de la salle de bains) sont purifiées dans un bioréacteur à commande électrique pour ensuite être réutilisées. Les eaux des toilettes peuvent être converties en eaux grises. Korneel Rabaey : « Une famille qui dispose de trois à quatre mètres carrés de panneaux solaires peut rendre tout son système hydraulique circulaire. L’énergie durable est ici utilisée plus efficacement que pour le chargement d’une voiture électrique. »
Des applications économiques sont-elles possibles ?
Le groupe de recherche travaille avec des partenaires industriels comme ArcelorMittal qui a investi 150 millions d’euros dans le captage de ses émissions de CO2 afin de leur donner une seconde vie sous forme de polymères. « Ce système n’est pas encore rentable, mais je le vois comme une étape extraordinaire », souligne Korneel Rabaey. « Cela leur permet d’améliorer leurs connaissances du processus et de faire émerger de nouvelles opportunités. »
Le groupe a donné naissance à une dizaine de spin-off, dont la principale est la société de biogaz Organic Waste Systems. Dans le cadre d’un projet étonnant en Inde, un pays qui ne dispose pas d’un réseau d’égouts, une technologie permet de nettoyer les eaux usées provenant des toilettes pour les évacuer en toute sécurité. La Bill & Melinda Gates Foundation figure parmi les donateurs.
Ces recherches sont-elles reconnues à l’échelle internationale ?
Après son doctorat en 2005, Korneel Rabaey déménage à Brisbane en Australie où il devient professeur d’université. « Je voulais acquérir de l’expérience à l’étranger. J’ai aussi pu créer un réseau universitaire international », raconte-t-il. En 2011, il se voit offrir l’opportunité de succéder à Willy Verstraete. Il est aujourd’hui l’un des six professeurs du Center for Microbial Ecology and Technology (CMET) de l’UGent. Lauréat d’une bourse du Conseil européen de la recherche, il dirige une équipe de 25 chercheurs. Le groupe compte au total 100 chercheurs. Korneel Rabaey : « Nous faisons partie de plusieurs réseaux universitaires. Mes étudiants vont et viennent sans difficulté dans des universités du top 100. C’est bon signe. »
Le groupe de recherche est actif dans différents projets internationaux. En Argentine par exemple, Korneel Rabaey développe une méthode pour extraire de manière écologique la matière première des batteries, le lithium. « Je suis également le coordinateur scientifique d’un consortium sino-européen dont l’objectif est d’utiliser l’électricité pour assainir les sols et les sources d’eau polluées. »
Le mois dernier, le bioingénieur a également participé au lancement de Capture, un centre de connaissances interdisciplinaire qui vise à être reconnu dans le domaine de l’économie circulaire.
D’où vient l’inspiration ?
Dans les années 80, l’oncle de Korneel Rabaey, Jan Rabaey, est parti en Californie pour entreprendre une carrière universitaire à Berkeley. Il a été l’un des fondateurs de l’iPad. Un modèle à suivre pour Korneel Rabaey lorsqu’il a choisi de faire carrière dans la recherche.
« Un bon scientifique doit aussi chercher de l’inspiration en dehors de son champ de recherche, par exemple auprès d’écrivains et de penseurs. Je lis surtout de la science-fiction. Mes lectures sur la colonisation de Mars par exemple peuvent s’avérer très inspirantes. L’imagination des auteurs dépasse les connaissances scientifiques. Il arrive que cela donne un aperçu de l’avenir. »
Traduction : virginie·dupont·sprl
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