Carte blanche
L’avenir incertain de l’approvisionnement électrique belge
Au lieu de tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité d’approvisionnement d’une électricité bon marché, la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, s’obstine à faire de la fermeture des centrales nucléaires (l’ADN du parti auquel elle appartient) la priorité alors que les faits montrent, comme expliqué dans ce qui suit, l’inanité de cette politique. L’interview qu’elle a accordé à LN 24, le 28 septembre dernier, en est une parfaite illustration.
Ainsi, la ministre continue-t-elle à prétendre que les réacteurs nucléaires belges sont en mauvais état et donc qu’il faut les arrêter. Or ces derniers sont hautement surveillés, sous strict contrôle de l’AFCN et ont fonctionné sans incident majeur durant près de 40 ans.
Prolonger de 10 ans, voire de 20 ans, la durée de vie des plus récents d’entre eux ne poserait pas de problème technique ni de sûreté.
C’est bien l’avis de l’exploitant de la centrale nucléaire de Borssele aux Pays-Bas, EPZ, qui souhaite prolonger l’activité de sa centrale de 20 ans supplémentaires. Un sondage du
7 novembre 2018 révèle, d’ailleurs, que 54% des Néerlandais sont favorables à l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le mix électrique, contre 35% d’un avis contraire.[1]
En outre, le gouvernement a annoncé, le 22 septembre 2020, qu’une consultation populaire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires allait être lancée.
Chez nos voisins, l’idéologie s’efface devant la réalité. Ils ont compris que le nucléaire contribue à la réussite de la transition énergétique.
Aux États-Unis, la NRC est autorisée, sous le US Atomic Energy Act, à accorder des licences pour l’exploitation commerciale de réacteurs nucléaires durant 40 ans. Celles-ci peuvent être renouvelées pour une durée supplémentaire de 20 ans, au total 60 ans, moyennant l’accord de l’Autorité de contrôle après investigations approfondies. La plupart des centrales nucléaires américaines sont exploitées sous de telles licences renouvelées. Actuellement, il est possible d’obtenir une prolongation de 20 ans au-delà de 60 ans, sous certaines conditions.
Il n’y a que quelques pays de l’Ouest européen et de rares États en dehors de l’UE pour promouvoir l’arrêt de la production d’électricité d’origine nucléaire, avec les résultats déplorables que l’on connaît. L’Allemagne, la plus grande puissance européenne, en est un triste exemple.
Alors que près de la moitié des belges est opposée à la fermeture des centrales nucléaires (plus de la moitié en Flandre), programmée entre 2022 et 2025 (ceux qui y sont favorables ne représentant qu’un quart de la population)[2] et que l’électricité nucléaire est considérée, par la très grande majorité des pays dans le monde, comme un contributeur important, voire essentiel, au succès de la transition énergétique, la ministre de l’Énergie et les écologistes belges s’accrochent au rejet idéologique des centrales nucléaires, faisant passer leurs propres objectifs de décroissance avant la prospérité du pays et le bien-être des citoyens.
Heureusement, tous les gouvernements de l’Ouest européen n’ont pas une posture aussi radicale que celle des écologistes. Le ministre français de l’Économie, Bruno Lemaire, a demandé, le 8 septembre 2021, à ses homologues de l’UE de reconnaître l’apport de l’énergie nucléaire dans la lutte contre le changement climatique et d’inclure cette filière dans une liste d’investissements durables pour en faciliter le financement. Son point de vue est tranché : “Soit nous luttons contre le changement climatique avec une approche idéologique et nous échouerons, soit nous luttons contre le changement climatique avec une approche scientifique et dans ce cas, nous réussirons. Mais cela signifie, reconnaître la valeur ajoutée de l’énergie nucléaire.”[3]
La Commission européenne doit proposer, avant la fin 2021, une liste des énergies considérées comme vertueuses à la fois pour le climat et pour l’environnement (taxonomie verte). Cette classification ouvrira l’accès à la finance verte et donnera un avantage compétitif aux filières reconnues, un enjeu crucial en vue du renouvellement du parc nucléaire français.
Dans un rapport rendu fin mars 2021, le service scientifique de la Commission européenne (Centre Commun de Recherche, CCR) a estimé “qu’aucune analyse ne fournit de preuves scientifiques que l’énergie nucléaire porte atteinte à la santé humaine ou à l’environnement davantage que les autres énergies susceptibles d’intégrer la taxonomie.”[4]
Quant à la sûreté des réacteurs Doel 3 et Tihange 2 qui sont prétendument fragilisés par des fissures, il y a, de la part des écologistes, de la ministre et autres antinucléaires, une tromperie éhontée. Il n’y a, en effet, pas de fissures dans les parois des cuves de 20 cm d’épaisseur, mais de très minces bulles d’hydrogène de quelques millimètres à 1,5 cm de longueur qui se sont formées lors du forgeage des cuves. Leurs dimensions n’ont pas varié depuis lors, c’est-à-dire depuis plusieurs décennies, comme l’a confirmé une recherche scientifique approfondie réalisée par des spécialistes extérieurs à Electrabel, vérifiée et validée par l’AFCN (Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire). Ces bulles ne présentent donc aucun danger. Affirmer le contraire n’est, dans le chef des écologistes, qu’un moyen de susciter l’anxiété.
Quoiqu’il en soit, Electrabel n’a cessé de répéter ces dernières années que la décision de prolonger les deux unités nucléaires les plus récentes devait être prise au plus tard fin 2020.
De nombreuses tâches doivent, en effet, être exécutées avant la fermeture programmée en juillet et septembre 2025 telles que les négociations avec les pays voisins, l’obtention des permis requis, les études de conception et les travaux de rénovation, sans oublier la commande de combustible.
La date butoir précitée de fin 2020 est désormais largement dépassée en raison de l’incapacité des derniers gouvernements de prendre les décisions politiques qui s’imposent. Les tergiversations et procrastinations, dues en grande partie aux partis Écolo et Groen, ont non seulement empêché de prendre les décisions requises en temps voulu, mais ont, en outre, provoqué une exaspération chez les fournisseurs d’électricité devant les carences décisionnelles des décideurs politiques.
Si des solutions adéquates aux problèmes de production d’électricité (y compris pour les nouvelles centrales à gaz) ne sont pas trouvées durant la deuxième quinzaine de novembre 2021, les politiques, en particulier les verts, devront assumer la responsabilité des interruptions de courant en 2025/2026 ainsi que des prix d’électricité prohibitifs.
En effet, le recours à l’importation d’électricité ne sera plus La solution comme par le passé. Le risque de ne pouvoir satisfaire la demande d’électricité en Belgique sera sérieusement accru vu que les pays voisins seront nettement moins en mesure d’exporter leur électricité :
l’Allemagne aura, à ce moment, arrêté toutes ces unités nucléaires ainsi que des centrales
au charbon, les Pays-Bas auront également fermé des centrales au charbon, de même que la France.
Jean-Pierre Schaeken Willemaers, Institut Thomas More – Président du pôle Énergie, Climat, Environnement
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