La zone euro renoue avec la croissance mais “une récession n’est jamais loin”
L’économie de la zone euro remonte légèrement la pente. Mais selon Bert Colijn, expert d’ING, les perspectives ne s’améliorent pas vraiment : les faiblesses sont toujours présentes et la récession est toujours possible. Mais de l’autre côté, l’inflation est en baisse et devrait continuer sur cette voie. La stagflation pourrait donc être évitée.
Une croissance en trompe-l’œil, cette hausse de 0,3% du PIB de la zone euro lors du deuxième trimestre 2023 (par rapport au trimestre précédent), publié ce lundi par Eurostat. C’est ce qu’avance Bert Colijn, économiste d’ING, dans une note. La raison est que la croissance de l’Irlande (3,3%) représente à elle seule la moitié de cette hausse de toute la zone euro. Ou en d’autres mots, sans le PIB de Dublin “connu pour être volatile en raison de l’activité comptable des multinationales”, la croissance n’aurait été que de 0,14%.
Voilà la première nuance de Colijn quant aux chiffres d’Eurostat. À vue d’œil, le chiffre de 0,3% pourrait pourtant sembler encourageant : après une baisse de 0,1% lors du dernier trimestre 2022 et un taux plat (0,0%) lors du premier trimestre de cette année, le PIB repart à la hausse. Mais pour l’économiste, il y a de nombreuses “faiblesses sous-jacentes”.
Ainsi, la croissance n’est pas générale. D’un côté, la France (0,5%, après 0,1% lors du premier trimestre) et l’Espagne (0,4%) voient leur PIB augmenter (et +0,2% pour la Belgique, soit dit en passant). Mais deux autres moteurs économiques du bloc sont à la traîne. Contraction de 0,3% en Italie et taux plat en Allemagne (après deux trimestres dans le rouge). “Les économies allemande et italienne continuent de souffrir, en partie parce que leurs secteurs manufacturiers sont plus importants et que la demande de biens reste en contraction”, explique Colijn.
“Une récession n’est jamais loin”
Voilà pour l’état actuel des choses. Mais l’expert continue en mettant en garde contre des turbulences dans les mois à venir. “La phase de relance dynamique est derrière nous et les effets de l’inflation élevée, de la faiblesse de la demande mondiale et du resserrement monétaire se traduisent par une phase de ralentissement de l’activité économique. Bien que le marché du travail continue d’afficher de très bonnes performances, une récession n’est jamais très loin dans ce type d’environnement et reste un risque évident pour les trimestres à venir.”
Et d’ajouter : “À en juger par les données d’enquête dont nous disposons jusqu’à présent pour le troisième trimestre, il y a des risques de détérioration pour les trimestres à venir. Les performances de l’industrie manufacturière continuent de s’effondrer, les nouvelles commandes continuant de s’affaiblir, et les bonnes performances des services s’estompent à mesure que les effets de relance post-covid disparaissent. Le resserrement monétaire devant encore avoir son effet le plus modérateur sur la croissance plus tard, la poursuite de la stagnation générale de l’activité économique reste l’issue la plus probable pour les trimestres à venir.”
Mais bonnes nouvelles du côté de l’inflation
Ce lundi, Eurostat a également publié le chiffre de l’inflation du mois de juillet dans la zone euro. Elle affiche 5,3% (en glissement annuel), contre 5,5% en juin et 6,1% en mai. Dans un autre note, l’expert revient également sur l’inflation. Selon lui, elle devrait continuer à ralentir tout au long de l’année jusqu’à être “beaucoup plus basse” à la fin 2023.
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L’inflation de l’énergie est négative, l’inflation des produits alimentaires ralentit (10,8%, contre 11,6% en juin) et l’inflation des biens “baisse rapidement”. Du côté des services, les prix continuent cependant d’augmenter car “la croissance des salaires continue de faire grimper les coûts des intrants pour les prestataires de services. La demande est également beaucoup plus forte que pour les biens, ce qui permet des augmentations de prix plus importantes”. Mais la situation devrait se calmer (comme dit plus haut déjà, un ralentissement des activités serait à prévoir) et les prix des services devraient dorénavant augmenter moins rapidement, continue l’expert.
Il ajoute que l’inflation des services pourrait être l’élément déterminant pour une nouvelle hausse des taux de la part de la BCE, en septembre.
Stagflation évitée
Avec l’inflation qui baisse et qui devrait continuer de baisser, le marasme économique redouté de la stagflation pourrait donc finalement être évité. La croissance pourrait continuer à stagner cela dit, mais avec une inflation basse, il est plus facile de stimuler l’économie que s’il faut en même temps essayer d’éteindre les feux de l’inflation.
La Banque centrale européenne pourrait ainsi réussir son atterrissage en douceur : c’est-à-dire freiner l’inflation sans casser l’économie. Mais l’économie reste pour l’instant très vulnérable et l’inflation n’a pas encore atteint les 2% – il ne faudrait pas crier victoire trop tôt.
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