La Wallonie sera-t-elle l’oubliée du F-35?

Le F-35 de Lockheed Martin © Belga

Non, Charles Michel et son ministre de la Défense Steven Vandeput n’ont pas encore bouclé l’épineux dossier du remplacement des F-16.

Au contraire, la phase cruciale ne fait que commencer. Le groupe américain Lockheed Martin va seulement ouvrir ses cahiers de charge et permettre ainsi aux entreprises belges de se positionner de manière précise et chiffrée en vue de décrocher des contrats de fourniture et de maintenance relatifs aux 34 avions de chasse F-35, achetés par l’Etat belge. Tant qu’il n’entrait pas dans une phase de négociation exclusive, Lockheed Martin se retranchait en effet derrière un besoin de confidentialité, en soi compréhensible.

Maintenant, la bataille est lancée. Plus entre les consortiums de fabricants d’avions mais bien entre les firmes belges susceptibles de récolter une partie des fameuses retombées économiques de ce marché, estimées à 3,7 milliards d’euros par le ministre de l’Economie Kris Peeters. Il y a 40 ans, de telles retombées avaient permis de développer un beau tissu d’entreprises autour des F-16. Sans ce marché historique, les Sonaca, Sabca et autres Asco ne seraient vraisemblablement pas là où ils sont aujourd’hui.

L’histoire économique a voulu que le secteur aéronautique se développe essentiellement en Wallonie. Un ministre N-VA et une firme américaine, qui a déjà ses bases arrière aux Pays-Bas, en tiendront-ils raisonnablement compte ou utiliseront-ils les circonstances pour tenter de rééquilibrer le poids du secteur et glisser d’une clé de répartition 70/30 vers du 50/50 ? Cette question est cruciale pour le futur de l’économie wallonne et, à ce stade, elle est totalement ouverte. Et soit dit en passant, elle aurait été tout aussi ouverte si le gouvernement avait opté pour l’avion britannique ou français.

Les retombées économiques ont permis de développer un beau tissu d’entreprises autour des F-16 en Wallonie.

Cette période de négociation industrielle représente un fameux défi pour le MR. Il affronte une opinion publique déjà déroutée par le choix non-européen du gouvernement belge. S’il doit, en prime, lui expliquer que ce choix a contribué à déstabiliser un secteur aéronautique wallon plutôt intelligemment construit ces dernières décennies, la campagne électorale va joliment tanguer pour les libéraux. On pourrait objecter que ces négociations de sous-traitance relèvent de firmes privées et non des gouvernements. En théorie, c’est vrai. Mais en pratique, vu l’ampleur des montants concernés et la sensibilité stratégique du secteur de la Défense, le politique reste évidemment un élément moteur de l’accord final.

On se souviendra qu’en début d’année, le président de CMI Bernard Serin avait tempêté contre l’éviction de son groupe du marché des véhicules de combat pour la force terrestre (1,6 milliard d’euros pour plus de 400 chars), alors que ses équipements sont choisis par l’armée américaine… Le coup de gueule a apparemment porté ses fruits puisque CMI, comme FN Herstal d’ailleurs, auront des retombées de ce programme, validé par le gouvernement en même temps que le remplacement des F-16 et l’achat de nouveaux drones de reconnaissance (226 millions d’euros). Précédemment, le gouvernement avait déjà validé l’acquisition de deux frégates pour 1 milliard d’euros.

Les industriels wallons espèrent que l’équilibre communautaire sera recherché sur la globalité de ces marchés. Le risque étant que le ministre N-VA de la Défense se focalise sur le plus médiatisé d’entre eux (celui des avions de chasse) et ne tente d’y minimiser la surreprésentation du sud du pays. Parce que, vous l’aurez noté, tout cela va se négocier dans les mois qui viennent, c’est-à-dire en pleine campagne électorale, voire en période d’affaires courantes prolongée. Et dans ces moments-là, la sérénité est rarement la première qualité des décideurs politiques.

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