La Wallonie innove énormément
Contrairement aux clichés, les Wallons sont productifs, créent des entreprises et innovent tant et plus. Dans certains domaines, ils supportent même la comparaison avec le nord du pays. Des raisons d’espérer, même si les problèmes structurels restent criants. Tour d’horizon en neuf affirmations.
En décembre 2022, un article de la Banque nationale (BNB) montre que la Belgique est particulièrement performante dans les domaines de l’innovation ainsi que de la recherche et du développement (R&D), se classant parmi les champions européens en la matière. Cet article fait référence au classement de la Belgique dans le tableau de bord européen de l’innovation: parmi les régions d’Europe, la Wallonie s’y classe dans la catégorie strong innovator. Les performances dans les domaines de l’innovation ont augmenté de 20,2% en Wallonie et de 21% en Flandre entre 2014 et 2021.
Olivier de WasseigeIl y a de la créativité en Wallonie. Quand on vit dans une région aussi petite, c’est la seule façon de s’en sortir.” – OLIVIER DE WASSEIGE (UWE)
Ce n’est pas tout. En 2019, selon Eurostat, l’intensité de la recherche & développement en Wallonie s’élevait à 3,3% du PIB, soit une intensité proche de celle de la Belgique (3,2%) et supérieure à celle de la moyenne des 27 Etats membres de l’EU (2,2%). “Nous sommes, en Europe, un strong innovator, confirme Olivier de Wasseige. Bien sûr, la Flandre est légèrement supérieure dans ce domaine, mais nous n’avons pas à rougir, loin de là.”
Précision importante: en Wallonie, les activités de R&D sont exécutées principalement par les entreprises, pour 84% du total, alors que la moyenne de la zone euro est à 67%. Les dépenses intérieures de R&D des entreprises représentent 2,8% du PIB en Wallonie, contre 2,4% en Flandre. L’enseignement supérieur vient loin derrière: 0,5% du PIB, un niveau similaire à la Flandre. “C’est prometteur, dit le représentant de l’UWE. Nous demandons depuis longtemps que ces 0,5% d’investissements publics soient doublés. Ce sera encore un message clé de notre mémorandum en vue des prochaines élections.”
Il y a 17.600 chercheurs en Wallonie, ce qui est supérieur à la moyenne européenne. Une étude récente de l’Iweps démontre qu’une large majorité des entreprises wallonnes peuvent être qualifiées d’innovantes: c’est le cas de 93% des grandes entreprises, de 72% des moyennes et de 57% des petites. “A mes yeux, c’est cocorico, s’exclame Olivier de Wasseige. Il y a de la créativité en Wallonie. Mais soyons clairs: nous n’avons pas le choix. Quand on vit dans une région aussi petite, c’est la seule façon de s’en sortir. Nous devons combler par la productivité et la créativité un certain nombre de handicaps traditionnels: le prix de l’énergie plus cher que nos voisins, il en va de même pour les coûts salariaux et le taux de taxation.”
Axel Boitel (COO de Gantrex): “Oubliez donc ces images d’une industrie vieillissante”
“Si l’économie wallonne n’était pas innovante, attirerait-elle autant d’industries qui dépensent énormément d’argent dans la R&D?” Axel Boitel, COO de Gantrex (Nivelles), invite à dépasser les images d’une industrie lourde, sale et vieillissante pour regarder plutôt le formidable essor dans la pharmacie ou le digital. “Des boîtes comme Odoo, Easi ou plus récemment Vertuoza sont résolument tournées vers l’avenir, elles sont à la pointe de l’économie numérique, dit-il. Il y a un véritable entrain chez nous ; 44% des start-up du numérique en Belgique sont localisées dans le Brabant wallon, c’est fabuleux.”
Gantrex fabrique des voies de roulement industrielles, conçues pour déplacer les charges les plus lourdes. Même là, dans ce qui semble être de la mécanique lourde assez classique, l’innovation fait la différence. “Nous avons une vingtaine de personnes qui travaillent en R&D pour développer de nouvelles solutions, explique Axel Boitel. Nous sommes très actifs dans la digitalisation, nous installons des capteurs pour faire de la maintenance prédictive des équipements.” Ce savoir-faire et cette capacité d’innovation fait de Gantrex (360 personnes) le leader mondial dans sa niche industrielle. Cela lui permet de décrocher des marchés prestigieux comme les toitures rétractables de Wimbledon ou du Real Madrid, des marchés dans le secteur minier à travers le monde et même une centrale nucléaire américaine.
L’innovation ne suffit cependant pas, sans la main-d’œuvre pour la mettre en œuvre. “Nous avons des usines dans cinq pays et je peux vous assurer que les travailleurs wallons sont productifs, déclare le COO de Gantrex. Et s’ils le sont, c’est parce qu’ils ont été bien formés, contrairement à ce que l’on pense parfois, et parce qu’ils sont convaincus que ce qu’ils font a du sens.” Cette productivité compense-t-elle toujours un coût du travail élevé? Notre interlocuteur convient que le contexte est “compliqué” par rapport aux pays voisins mais il est bien conscient que notre sécurité sociale, “il faut la financer”. “L’une de nos faiblesses en Wallonie, c’est que le monde de l’entreprise et le politique ne se comprennent pas toujours très bien, conclut-il. Il y a un gap entre la décision politique et la réalité de l’entreprise, par exemple face aux pénuries de main-d’œuvre ou face aux prix énergétiques.”
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