La Wallonie condamnée à l’austérité

La Wallonie est prise en sandwich. D’un côté, la nouvelle réforme de l’Etat menace son équilibre budgétaire. De l’autre, les nouvelles règles comptables européennes lui donnent moins de marge de manoeuvre.
L’Europe est-elle castratrice ? Le ministre du Budget wallon sortant André Antoine (cdH) le pense, lui qui a dû essuyer de vives critiques suite à la modification des règles comptables européennes. Une modification qui a provoqué le doublement de la taille de la dette wallonne (qui passe de 6,25 à 12,5 milliards).
Pour faire court, l’Europe estime qu’il faut désormais ajouter à l’endettement classique les dettes qui étaient plutôt considérées comme des investissements par le passé et n’impactaient pas les comptes de la région. Ces nouvelles règles européennes, André Antoine les critique. “Cela ne sera plus soutenable pour la Région de financer des investissements si l’Europe nous oblige à intégrer tous les montants dès la première année alors qu’on avait l’habitude de les étaler dans les comptes sur l’ensemble de la durée de l’investissement, dit-il à nos confrères de L’Echo. L’Europe ne doit pas confondre une dette qui couvre un déficit et une dette qui couvre un investissement. Cette Europe-là est castratrice”, ajoute-t-il. Une des conséquences de cette sévérité statistique est que la Région aura moins de marges de manoeuvre et devra se tourner davantage vers le privé pour construire des maisons de repos ou des crèches. Et les tarifs, donc, suivront une pente ascendante.
Lors de l’émission Mise au point (RTBF) de dimanche dernier, le président sortant de la Région wallonne Rudy Demotte (PS) a renchéri : “Ces nouvelles règles comptables vont changer les choses parce que notre capacité d’investissement va être diminuée. Je dénonce une politique européenne qui manque de moyens”.
Une douloureuse réforme Ce douloureux lifting comptable vient mal à propos. Car la Wallonie doit aussi faire face à la sixième réforme de l’Etat qui transfère ces prochains mois aux régions d’importantes compétences (en matière d’emploi, de soins de santé, d’allocations familiales, de mobilité et de justice). Ces compétences couvrent des dépenses estimées à 17 milliards d’euros. Mais pour la Wallonie, le transfert sera difficile à vivre : la croissance des dépenses sera plus rapide que celle des recettes, du moins pendant les premières années. Une modélisation réalisée à la fin de l’an dernier par l’Université de Namur fait apparaître que l’opération coûterait quatre années d’assainissement : avant cette sixième reforme, la dette wallonne était censée se stabiliser en 2015 ; avec la réforme, et toute chose restant égale, elle augmenterait jusqu’en 2019… La Région devrait aller chercher 300 millions d’économies supplémentaires ces deux prochaines années.
“Nous allons devoir faire un certain nombre de choix, admet Rudy Demotte. Nous aurons moins d’argent pour faire autant. Mais allons-nous procéder de la même manière qu’aujourd’hui ? Allons-nous continuer à payer les allocations familiales uniquement en fonction du nombre d’enfants ou allons-nous aussi devoir les lier aux revenus ?” Beaucoup de questions. Mais une certitude : pour le contribuable wallon, les temps s’annoncent difficiles.
PIERRE-HENRI THOMAS
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