La porte ouverte de Thomas Dermine au PTB et le drôle de jeu du PS

Socialistes et PTB avaient longuement discuté en 2019. BELGA PHOTO BENOIT DOPPAGNE
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le secrétaire d’Etat socialiste invite la gauche radicale à “surmonter ses peurs” pour oser des “points de rupture”. Une invitation étrange, dans la foulée du “couillons” lancé par son président, Paul Magnette. Un jeu dangereux?

Mais à quoi joue le PS? Son président, Paul Magnette, avait vigoureusement attaqué le PTB, le qualifiant de “couillons” à la RTBF” et de “grosse bulle” lors de notre débat Trends-Tendances/Canal Z. Mais mercredi, lors d’un débat organisé par la FGTB à Charleroi, le secrétaire fédéral Thomas Dermine a joué la politique de la main tendue.

Le propos de Thomas Dermine, relayé par Le Soir, est clair: “Faisons ensemble quelque chose, un gouvernement avec des points de rupture“.

Le lieu pour faire cette proposition, à destination de Sofie Merckx, cheffe de file fédérale francophone du PTB, n’a pas été choisi par hasard: la FGTB, par l’entremise de son président Thierry Bodson, plaide pour une “coalition progressiste” PS-Ecolo-PTB.

Le moment peut-être pas, non plus: le soir même, Georges-Louis Bouchez, président du MR, et Raoul Hedebouw, président du PTB, s’affontaient lors d’un débat télévisé au cours duquel le libéral affirmait affronter la “vraie gauche”, celle qui dicte le ton, tout en réaffimant qu’il ne gouvernerait jamais avec les extrêmes.

De l’art de se distinguer.

Une stratégie de reconquête

Pour le PS, cette main tendue après les vives critiques s’inscrit dans une stratégie délibérée: il s’agit de démasquer “l’imposture PTB”, de démontrer que ce parti est avant tout une bulle de protestation qui ne souhaite, en réalité, pas gouverner.

Paul Magnette avait déjà sauté sur l’occasion de démontrer l’inconsistance du parti en fustigeant sa volonté de revoir sa proposition d’imposition sur la fortune, le seuil de taxation passant de 1 million d’euros à 5 millions. Un renoncement. “Le PTB ne servait déjà à rien. S’ils ne veulent plus taxer les riches, ils ne servent absolument à rien“, avait-il lancé.

En invitant ouvertement le PTB, le PS contraint donc le PTB à sortir du bois, lui qui a exprimé son intention de gouverner dans des villes après les communes, mais est resté très réservé sur les autres niveaux de pouvoir.

Sofie Merckx a d’ailleurs rebondit: “Quand il nous insulte, on a l’impression que Paul Magnette est déjà en train de préparer la coalition Olivier. On prend la main tendue, mais il y a une différence entre compromis et compromission.” Le PTB veut notamment une rupture nette avec les règles budgétaires européennes. A priori, c’est inacceptable et dangereux.

Un jeu dangereux?

Un jeu dangereux? Oui et non. “Quelle faute de com’, ironisait mercredi soir un libéral. Ils vont les renforcer!” Le risque est réel de crédibiliser le PTB, c’est vrai.

Mais il consiste aussi à le normaliser, tout en répondant aux attentes syndicales. D’ailleurs, dans les derniers sondages, le PTB perdait déjà quelques plumes.

Ce faisant, le PS risque toutefois de s’enfermer dans une logique radicale, celle que porte Paul Magnette, au risque de compliquer encore le jeu après le 9 juin: il devra, une nouvelle fois, parler avec le PTB, perdre du temps, effrayer une Flandre qui se prépare à voter très à droite… Blocage garanti.

Enfin, cette main tendue est également le reflet… d’un PS davantage divisé qu’il ne l’affirme. Paul Magnette l’a dit: son objectif déclaré est de conserver la première place en Wallonie et à Bruxelles. Ce n’est pas garanti, certainement dans la capitale où les socialistes… défient régulièrement le pouvoir du président, par l’entremise du chef de file régional Ahmed Laaouej.

La main de Paul Magnette n’est pas aussi ferme qu’on ne le dit. C’est d’ailleurs pourquoi Bart De Wever (N-VA) ne le juge “pas apte” à devenir Premier ministre, dans Humo cette semaine.

Enfin, ironie de l’histoire, c’est le plus ‘droitier’ du parti, Thomas Dermine, qui lance cette invitation – son rival MR Denis Ducarme parle d’ailleurs de “docteur Jekyll et mister Hyde” entre le “PME friendly” et celui qui parle à la FGTB. Une façon de se coller une étiquette de gauche? Ou d’ouvrir une porte pour obliger l’adversaire à la refermer? Le PS, en tout état de cause, désarçonne au cours de cette campagne.

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