La pension extralégale conserve toute son importance

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Dans le nouvel accord de gouvernement, certaines mesures ont pour but de garder les gens au travail plus longtemps. Plus que quiconque, l’indépendant a intérêt à se constituer une pension extralégale. Comment vous ménager un complément de pension dans les meilleures conditions fiscales possibles ?

Le nouvel accord de gouvernement comporte des dispositions réformant les pensions. Désormais, il ne sera plus possible de partir aussi facilement à la retraite anticipée. Pour le salarié, les conditions d’accès à la prépension et au crédit-temps se feront plus strictes. Le travailleur qui veut pouvoir bénéficier d’une pension légale complète n’a plus d’autre solution que de différer le moment du repos. Cela dit, une pension légale complète suffit-elle à garantir une vieillesse sans soucis financiers ? Pas sûr. Notre régime de pension légale – le « premier pilier » – reste en effet fondé sur le principe de la solidarité : la population active finance les actuelles pensions de retraite. Or plus encore qu’aujourd’hui, le premier pilier va sous peu subir la forte pression due au départ annoncé des baby-boomers – les personnes nées au cours de la décennie 1950-1960. Ajoutons que la pension légale est plafonnée. Chacun – et tout particulièrement les indépendants et les chefs d’entreprise indépendants – a donc intérêt à prévoir un complément de pension. À cette fin, le deuxième et le troisième piliers bénéficient d’incitations fiscales. Nous nous pencherons ici sur les possibilités dont dispose l’indépendant (et le chef d’entreprise) dans le cadre du deuxième pilier.

Possibilité 1 : la « pension complémentaire libre pour indépendant » (PCLI)

En tant qu’indépendant, vous avez le choix entre deux formules de PCLI : la PCLI sociale et la PCLI ordinaire. L’exercice d’une activité indépendante à titre principal donne toujours accès à cette forme d’épargne. Des limitations s’appliquent au conjoint aidant ainsi qu’à l’indépendant à titre complémentaire.

PCLI ordinaire

La cotisation annuelle à la PCLI ne peut pas dépasser 8,17 % du « revenu professionnel net » (en principe, celui d’il y a trois ans). Le montant annuel est plafonné à 2.852,88 euros (pour l’année de revenus 2011).

PCLI sociale

La cotisation annuelle peut atteindre 9,40 % du « revenu professionnel net » d’il y a trois ans. Elle ne peut cependant jamais excéder 3.282,39 euros (pour l’année de revenus 2011).

Le tableau ci-dessous récapitule les différences entre PCLI sociale et PCLI ordinaire.

Si elle est plafonnée, la prime est également limitée vers le bas. Libre à vous, bien entendu, de ne rien verser du tout, mais si vous payez une cotisation, il faut qu’elle soit d’au moins 100 euros dans la PCLI ordinaire et de 111,12 euros dans la variante sociale.

L’indépendant débutant n’a pas encore de revenu de référence (revenu d’il y a trois ans) ; dès lors, s’il cotise dans un plan de PCLI, les sommes des trois premières années sont calculées sur la base d’un revenu fictif de 12.129,76 euros. Autrement dit, sa cotisation maximale s’élève à 991 euros (8,17 %) pour une PCLI ordinaire et à 1.140,20 euros (9,40 %) dans la PCLI sociale. Bon à savoir : l’indépendant qui débute peut aussi choisir de payer ses cotisations sociales en fonction d’un revenu estimé par lui, lequel pourra aussi servir au calcul des cotisations de PCLI. L’indépendant à titre complémentaire peut lui aussi cotiser à une PCLI. Il faut pour cela qu’il s’acquitte des cotisations sociales minimales dues par l’indépendant à titre principal. La limite de revenu étant fixée à 12.129,76 euros, c’est à partir de ce niveau que l’indépendant à titre complémentaire peut payer des cotisations de PCLI. Des dispositions spéciales s’appliquent au conjoint aidant. Celui-ci est libre de se constituer une PCLI à condition d’avoir adhéré au « maxi-statut » de la sécurité sociale. Les cotisations de PCLI sont alors déterminées sur la base d’un revenu fictif de 5.328,60 euros. Le maximum est de 435,35 euros/an (8,17 %) pour la PCLI ordinaire et de 500,89 euros (9,40 %) pour la PCLI sociale.

Possibilité 2 : l’assurance groupe

L’indépendant adossé à une société peut compléter sa pension légale et sa PCLI par une assurance groupe. L’assurance groupe pour dirigeant d’entreprise est souscrite par la société. Toute personne affiliée à une assurance groupe existante doit respecter les dispositions collectives applicables à sa catégorie. En d’autres termes, la formule n’offre guère de possibilités de personnalisation. Le dirigeant d’entreprise doit en outre percevoir une rémunération mensuelle (de gérant, d’administrateur ou de gestionnaire).

Possibilité 3 : l’engagement individuel de pension (EIP)

L’EIP constitue une formule plus souple que l’assurance groupe. La société souscrit l’assurance et paie les primes, mais c’est le chef d’entreprise qui bénéficie des prestations. Le contrat est à tout moment la propriété personnelle du chef d’entreprise. Il n’y a aucun problème en cas de liquidation de la société, de cessation anticipée de l’activité ou de faillite.

Possibilité 4 : la provision interne pour pension

La constitution dans le bilan d’une provision interne pour pension – provision exonérée d’impôt – permet à la société de verser une pension au dirigeant indépendant qui part à la retraite. Dans ce cas, aucune institution (banque, assureur ou autre) n’intervient.

La provision, comptabilisée annuellement dans les livres de la société, est exemptée d’impôt pourvu que la règle des 80 % (voir plus loin) soit respectée. On économise ainsi jusqu’à 33,99 % d’impôt sur la provision, laquelle ne s’accompagne par ailleurs d’aucun débours effectif. Les fonds peuvent rester dans l’entreprise jusqu’à la pension de l’intéressé et servir à d’autres fins (alors qu’avec l’assurance groupe et l’EIP, les liquidités sont dépensées au fur et à mesure). Il faut toujours acquitter à l’échéance 16,5 % d’impôt sur le capital pension net, après retenue de la cotisation ONSS (3,55 %) et de la cotisation de solidarité (entre 0 et 2 %). Mais contrairement à l’assurance groupe et à l’EIP, il n’y a pas de taxe de 4,4 % sur la prime (voir plus bas).

Côté inconvénients, la convention de pension privée est sujette aux risques de l’entreprise (y compris le risque de faillite), un risque que ne connaissent pas les formules d’assurance. La société doit aussi veiller à disposer de moyens suffisants pour pouvoir payer la pension promise le moment venu. Il n’existe aucune possibilité de financer des opérations immobilières à l’aide de la provision interne pour pension ; avec une assurance groupe ou un EIP, par contre, le chef d’entreprise peut par exemple prélever une avance ou donner la police en gage pour acquérir, construire, améliorer, réparer ou transformer un bien immeuble situé en Belgique ou dans un autre pays de l’Union européenne.

La règle des 80 %

Que l’on opte pour l’assurance groupe, l’EIP ou la provision interne, la constitution de pension est assortie de balises. Le calcul des primes doit en effet prendre en compte la « règle des 80 % » : ensemble, la pension légale et la pension complémentaire ne peuvent dépasser 80 % de la dernière rémunération brute perçue par le bénéficiaire durant sa carrière active. Contrairement à la PCLI, l’assurance groupe et l’EIP admettent le rattrapage ( back-service). Il s’agit d’une prime unique dont le paiement permet de rattraper a posteriori les années antérieures à la conclusion de l’assurance groupe/EIP, y compris les années (maximum 10) travaillées en dehors de l’entreprise.

La stratégie idéale

Quel est le complément de pension idéal de l’indépendant ? Pour répondre à cette question, nous avons consulté monsieur Jannick Beyens, spécialiste pensions chez Zenito Pension Complémentaire, qui forme avec Zenito Caisse d’Assurances Sociales un groupe de services s’adressant aux indépendants et aux professions libérales. « Ordinaire ou sociale, la PCLI est une formule intéressante, car elle offre plus d’avantages fiscaux que l’assurance groupe/EIP ou la provision interne pour pension », estime Jannick Beyens. « Que vous ayez une société ou l’intention d’en lancer une, le mot d’ordre est le même : dans la perspective de sa retraite, l’indépendant a intérêt à souscrire prioritairement un contrat de PCLI. On conseille d »’épuiser » le potentiel fiscal de la PCLI et de combler l’espace résiduel avec une assurance groupe, un EIP ou une provision interne pour pension, le tout dans la limite des 80 % », précise Jannick Beyens.

Par rapport à l’assurance groupe, à l’EIP et à la provision interne, l’intérêt fiscal de la PCLI se résume en ces termes :

– Les primes d’assurance groupe et d’EIP sont grevées d’une taxe de 4,40 %. Les cotisations de PCLI échappent à ce prélèvement (il en va de même de la provision interne).

– La PCLI (ordinaire ou sociale) vous fait économiser plus d’impôts que l’assurance groupe ou l’EIP. En effet, le taux marginal de l’impôt des personnes physiques est plus lourd que celui de l’impôt des sociétés.

– Le capital distribué dans le cas d’une PCLI (ordinaire ou sociale) est moins taxé (le principe appliqué est celui de la « rente fictive ») que dans une assurance groupe, un EIP ou une provision interne pour pension. Dans un EIP ou une assurance groupe, la taxation à l’échéance s’élève à 16,5 %. Ce taux descend à 10 % si le chef d’entreprise reste actif jusqu’à l’âge de la pension légale, à savoir 65 ans. Avec la provision interne pour pension, la taxation finale se monte toujours à 16,5 %, sans possibilité de taux réduit.

– Les sommes distribuées à l’issue du contrat de PCLI (ordinaire ou sociale) échappent aussi à la cotisation de solidarité (de 0 à 2 %). La cotisation de solidarité est due sur le produit de l’assurance groupe, de l’EIP ou de la provision interne.

Bref, mieux vaut commencer par profiter à fond de la PCLI. Mais le montant que vous êtes libre de verser étant plafonné, vous pourrez sans doute y ajouter une assurance groupe, un EIP ou une provision interne pour pension. Une précision encore : si vous n’avez pas de société, la PCLI est la seule option possible.

Solution additionnelle

Supposons que vous ayez déjà une assurance groupe, un EIP ou une provision interne. Vous souhaitez y ajouter une PCLI mais pour l’instant, la règle des 80 % ne vous laisse pas de marge. N’hésitez pas dans ce cas à faire payer les cotisations de PCLI par la société. Cela représente un avantage de toute nature (rémunération) à hauteur du montant de la prime. Fiscalement, le procédé est généralement neutre, la prime étant déductible à l’impôt des personnes physiques. Mais l’augmentation de rémunération due à l’avantage de toute nature fait monter la limite des 80 % et dégage une marge supplémentaire pour une éventuelle opération de rattrapage.

Johan Steenackers, MoneyTalk

Le nouvel accord de gouvernement

L’accord de gouvernement récemment adopté ne sera pas sans effets sur les pensions du deuxième pilier. Si ses lignes de force sont connues, il reste à en détailler les modalités dans les textes de loi. L’on sait toutefois déjà par exemple que la règle des 80 % fera l’objet d’une évaluation. Les sommes versées dans le cadre du deuxième pilier ne seront plus fiscalement déductibles que dans la mesure où le total de la pension légale et de la pension extralégale ne dépassera pas la plus haute pension de l’État. Concrètement, on pourra verser beaucoup moins de primes déductibles. Quant aux taux d’imposition des capitaux des contrats du deuxième pilier distribués à l’échéance, ils seront eux aussi revus (20 % à 60 ans, 18 % à 61 ans, 16,5 % de 62 à 64 ans et 10 % à 65 ans). Enfin, il ne sera plus possible de se constituer une pension via une provision interne à l’entreprise et les provisions existantes devront être reprises dans les trois ans (en d’autres termes, les réserves des provisions internes seront obligatoirement transférées dans un régime de pension externe, l’opération pouvant s’étaler sur trois ans) mais les primes payées à l’organisme de pension où seront « externalisées » les provisions seront taxées à 1,75 % (au lieu des 4,4 % habituels). Nous reviendrons sur la question quand les détails nous seront connus.

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