La multiplication des listes de fraudeurs allemands affole la Suisse
De nouvelles listes de contribuables allemands ayant caché leur argent dans des banques suisses sont apparues ce week-end en Allemagne. La Suisse s’indigne tout en doutant de l’avenir de son secret bancaire.
Deux nouvelles listes de plusieurs milliers de noms de contribuables allemands ayant dissimulé de l’argent en Suisse sont apparues ce week-end. C’est ce qu’ont fait savoir les administrations fiscales régionales de Bavière et du Bade-Wurtemberg.
Les instituts financiers en cause seraient l’UBS, le Crédit suisse et Generali, en Suisse, ainsi qu’une banque basée au Lichtenstein. Ces révélations viennent renforcer la crise qui a démarré fin janvier entre l’Allemagne et la Suisse. Dans les deux pays, un double débat s’est installé, d’une part le droit de l’Allemagne à poursuivre des fraudeurs sur la base d’un achat de données volées, et d’autre part sur l’avenir d’un secret bancaire suisse qui fuit de toutes parts.
Les fraudeurs s’inquiètent…Ce week-end également, une délégation de la brigade financière de Wuppertal (Rhénanie du nord-Westphalie) s’est rendue discrètement en France pour acquérir la “première” liste de fraudeurs, apparue la semaine dernière, en échange de 2,5 millions d’euros : “De nombreux clients avec des comptes en Suisse nous appellent affolés pour savoir si ils doivent aller se dénoncer ou continuer à faire l’autruche”, raconte Me Klaus Olbig, avocat fiscaliste et président de la Commission de droit fiscal de l’Association des avocats allemands. Selon le magazine Focus, le premier gros fraudeur repenti serait originaire de Berlin. Afin d’éviter la prison, l’amende et la “célébrité”, celui-ci serait prêt à régler, rubis sur l’ongle, 4,5 millions d’euros d’arriérés d’impôts, intérêts compris. La loi allemande permet en effet au contribuable de “rectifier spontanément” ses déclarations d’impôts sans être pénalisé. Cette amnistie permanente n’est cependant valable que si le fisc n’est pas déjà sur sa piste. En tout, près de 50 contribuables se seraient déjà signalés dans le cadre de cette affaire. Le quotidien Süddeutsche Zeitung estime que le fisc allemand pourrait récupérer jusqu’à 400 millions d’euros.
En Allemagne cette série de révélations et le feu vert donné par Angela Merkel pour l’achat de ces données volées, continue à être fortement critiqué par une partie de la droite et du monde des juristes selon qui un état de droit ne peut moralement pas se rendre coupable d’un délit, le recel, pour en combattre un autre, la fraude fiscale. Mais dans l’ensemble, le contre-argument selon lequel les administrations fiscales allemandes se rendraient plus coupables encore en ne faisant rien, domine. Et surtout, il rejoint l’avis d’une forte majorité de citoyens allemands.
… et la Suisse doute de son secret bancaire
En Suisse, l’attitude “impérialiste” et “immorale” de l’Allemagne est violemment critiquée. Pourtant les Suisses eux-mêmes sentent que les jours de leur secret bancaire sont comptés. Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale aux Affaires étrangères, a déclenché l’émoi ce week-end en admettant que si elle était ministre des Finances en Allemagne, elle voyait mal comment elle ne pourrait pas acheter de telles données. Pour sa part, Hans Rudolf Merz, conseiller fédéral aux Finances, a estimé qu’il serait possible que la Suisse accepte “l’échange automatique” de données bancaires entre son pays et les pays de l’Union européenne. Une telle mesure, demandée par l’UE mais toujours bloquée par la Suisse, aboutirait de facto à la fin du secret bancaire helvétique. De son côté Wolfgang Schaüble, ministre allemand des finances a estimé, dans les pages du Neue Zürcher Zeitung, que la Suisse ne pouvait pas continuer à défendre la fraude fiscale : “La Suisse va assouplir son secret bancaire”, a-t-il prédit.
Trends.be, avec L’Expansion.com
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici