La Belgique est confrontée à un déficit persistant d’investissements

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Alain Mouton Journaliste chez Trends  

Une étude du Voka, l’organisation patronale flamande, révèle qu’en Belgique, les investissements publics sont très largement à la traîne si l’on compare avec huit pays de référence. Pourtant, des investissements publics en suffisance seraient souhaitables car ils favorisent entre autres la croissance économique.

Commençons par une bonne nouvelle : la Belgique est l’un des pays de l’Union européenne où le taux d’investissement est relativement élevé. Ce rapport entre l’effort d’investissement et le produit intérieur brut (PIB) était d’environ 24 % en 2021. Cela représente un peu plus de 2% du PIB (environ 10 milliards d’euros) de plus que la moyenne européenne. Parmi les pays, ayant une structure économique similaire à la nôtre, les investissements ne sont plus élevés qu’en Suède, en Autriche et en Suisse.

Mais ce beau résultat est surtout dû aux investissements des entreprises, selon l’étude “Investissements publics: more, but also better” du Voka, représentant le patronat flamand. Si on compare par rapport au PIB, avec 15,6 %, l’investissement des entreprises belges est nettement supérieur à la moyenne de la zone euro (+2,4 % du PIB), tandis que l’investissement public dans notre pays est légèrement inférieur à celui de la zone euro, à 2,7 % (-0,3 % du PIB). Le classement établi par Voka, entre la Belgique et de huit pays de référence (Suède, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Autriche, Allemagne, France et Suisse), montre que nous sommes en queue de peloton pour les investissements publics. Seule l’Allemagne fait pire.

Augmenter les investissements à 4 % du PIB

Selon l’analyse du Voka, c’est une conséquence des choix politiques faits il y a 40-50 ans. Le montant des investissements en actifs fixes en Belgique a presque diminué de moitié depuis le début des années 1970. “Ce déclin s’est produit dans les années 1980, dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, qui étaient très mal en point à l’époque”, affirme Karl Collaerts du Centre de connaissances Voka, et auteur de l’étude. “Entre 1990 et 2010, nos gouvernements ont investi à peine 2 % du PIB par an dans les actifs fixes. En comparaison, les gouvernements néerlandais et français ont investi, eux, 4 % du PIB par an entre 1980 et 2010. C’est deux fois plus, année après année. Nous sommes donc devant un déficit d’investissements cumulés.”

Toutefois, une reprise s’est opérée depuis 2016. Entre 2016 et 2021, l’investissement public a augmenté de 0,4 % du PIB. Cette augmentation est principalement observée en Communauté flamande, où les communes réalisent 55% des investissements publics dans notre pays.

Le gouvernement flamand a beaucoup dépensé pour la recherche fondamentale au cours de la dernière décennie. Régulièrement, les investissements dans les infrastructures de transport ont également été augmentés, et ce plus qu’aux niveaux fédéral et régional depuis 2015. Néanmoins, la Belgique continue d’enregistrer des résultats médiocres par rapport aux huit pays de référence et son déficit d’investissement est permanent. Dans le domaine des infrastructures essentielles (routes, ports, chemins de fer, aéroports) notamment, l’écart avec les pays voisins est important.

Le Voka préconise de porter ces investissements “à tous les niveaux politiques à 4 % du PIB au cours de la prochaine législature. La Flandre devrait poursuivre des ambitions encore plus élevées.” Dans le plan “Ensemble pour la croissance” (Samen Groeien), le Voka a formulé l’ambition de consacrer 5 % du PIB aux investissements.

Moteur de croissance

Les investissements publics devraient contribuer à augmenter le potentiel de croissance économique de la Belgique. “Les investissements publics ont un effet positif sur le potentiel de production d’une économie”, a déclaré M. Collaerts. “Sur la base de diverses études, vous pouvez conclure que si le capital du gouvernement augmente de 1 %, le PIB augmente en moyenne de 0,12 % à long terme.”

Pour les investissements dans la recherche et le développement, cette contribution est à la fois directe (par l’impact sur la productivité et l’innovation dans un pays) et indirecte (en facilitant l’intégration de technologies provenant d’autres régions du monde). Les investissements dans les infrastructures encouragent la productivité du secteur privé, en partie grâce aux effets dits d’agglomération. Par exemple, investir dans les réseaux de transport permet de mettre en contact plus efficacement producteurs et consommateurs. L’amélioration des services publics facilite l’approvisionnement en énergie et accroît l’indépendance énergétique. Des réseaux de communication renforcés facilitent l’échange et la diffusion des informations. Karl Collaerts : “Autour des ports et des complexes de bureaux modernes, nous constatons une concentration de l’activité économique. Cette concentration entraîne également des effets d’échelle, ce qui augmente la productivité.”

Double transition

Dans l’étude, le Voka souligne que notre économie est confrontée à des défis majeurs en matière d’investissement en raison des transitions climatique et numérique. “La récente crise énergétique et l’invasion russe en Ukraine montrent encore plus clairement que l’Europe doit investir dans son avenir et ce dans plusieurs domaines. Les estimations récentes de la Commission européenne, concernant cette double transition d’ici à 2030, aboutissent à des montants d’investissement annuels très importants”, a-t-il déclaré.

La Commission européenne a estimé à 466 milliards d’euros par an les besoins publics et privés en investissements, au climat, dans l’UE entre 2021 et 2030. On estime que 20 à 25 % de ces investissements (90 à 110 milliards d’euros par an) proviendront du secteur public. Pour combler la fracture numérique, les institutions européennes et les États membres devraient dépenser environ 75 milliards d’euros par an.

Libérer davantage de ressources pour les investissements publics est une chose, encore faut-il les utiliser efficacement. Cela peut être amélioré en Belgique. Une étude du Forum économique mondial montre que la qualité des infrastructures routières et l’efficacité du transport ferroviaire sont inférieures à celles de nos pays voisins. En ce qui concerne les infrastructures portuaires et aéroportuaires, notre score est légèrement supérieur à celui de la France et de l’Allemagne. Les Pays-Bas obtiennent, eux, de meilleurs résultats dans tous les domaines.

“Pour garantir la réalisation d’investissement plus efficaces mais au meilleur prix possible, il est nécessaire d’optimiser la gestion de ces investissements”, conclut l’étude du Voka.

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