De plus en plus d’économistes tirent la sonnette d’alarme. La fiabilité des données américaines serait en danger. Dernièrement, l’inflation, en voie de stabilisation, pourrait avoir été tronquée. La semaine dernière, ce sont les chiffres de l’emploi qui ont fait parler d’eux. Entre-temps, Trump licencie les personnes porteuses de mauvaises nouvelles économiques. Et désormais, la pression est immense sur la Fed.
En juillet, l’inflation américaine est restée stable : +2,7 % sur un an, freinée par la chute du coût du pétrole. Hors énergie et alimentation, l’indice « core » a progressé de 3,1 %, en ligne avec les attentes. En apparence, c’est plutôt rassurant. Donald Trump avance que les droits de douane n’ont pas d’influence sur l’inflation et qu’il est donc temps pour la Fed de baisser ses taux. Sauf que la qualité de ces données est désormais mise en doute.
Depuis plusieurs mois, le Bureau des statistiques du travail (BLS) fonctionne avec des moyens réduits : suspensions de collecte dans certaines zones, recours accru aux imputations pour combler les données manquantes. Un phénomène accentué par le limogeage, début août, de la directrice du BLS, Erika McEntarfer, après la publication de mauvais chiffres de l’emploi, selon le président américain.
Pour Brian Bethune, professeur d’économie au Boston College, « c’est du terrorisme de données » : chaque fois que les statistiques contredisent la ligne présidentielle, une tête tombe. Elizabeth Renter, économiste senior chez NerdWallet, est plus modérée mais se pose également des questions : « L’un des nombreux problèmes engendrés par ce changement de garde est le scepticisme accru quant à la qualité des données. Il pourrait devenir difficile de déterminer si les variations des données reflètent de réelles améliorations. »
L’emploi en ligne de mire
La révision à la baisse de 258 000 emplois sur deux mois a mis le feu aux poudres. Donald Trump accuse aussi le BLS d’avoir « volontairement » surestimé les créations sous Joe Biden de 1,5 million d’unités. Il a même présenté même ses propres chiffres, élaborés par l’économiste Stephen Moore, fidèle allié issu de la Heritage Foundation, lors d’une scène surréaliste dans le bureau ovale.
Dans la foulée, Trump a nommé E.J. Antoni, un autre économiste conservateur et contributeur au plan « Project 2025 », à la tête du BLS. Objectif affiché : garantir des données « honnêtes et justes ». Objectif implicite : replacer la production statistique sous contrôle politique direct.
Une Fed sous pression
La Réserve fédérale, elle aussi, subit les assauts présidentiels. Trump multiplie les attaques contre Jerome Powell, le qualifiant « d’abruti » et le menaçant désormais d’une « action en justice majeure » pour sa gestion jugée coûteuse de la rénovation du siège de la Fed. Il voudrait pousser le président de la Fed vers la sortie, avant la fin de son mandat en 2026.
En parallèle, le président américain tente d’installer ses proches : Stephen Miran, actuel directeur du Council of Economic Advisers, est pressenti comme gouverneur. Deux autres membres nommés par Trump plaident déjà pour une baisse rapide des taux.
La stratégie est claire : peser sur la politique monétaire à quelques semaines d’une réunion décisive (16-17 septembre) où la Fed devra arbitrer entre ralentissement du marché de l’emploi et tensions inflationnistes, avec toutes les incertitudes évoquées plus haut.
Des risques de gouvernance
L’enjeu dépasse le simple débat statistique. La crédibilité des indicateurs officiels est centrale pour la politique économique et pour les marchés.
En fait, c’est toute la politique économique internationale qui est influencée par les données statistiques de l’économie américaine. Hier, par exemple, le dollar a reculé et les rendements des bons au Trésor américain à long terme ont augmenté, face aux chiffres rassurants sur l’inflation.
Or, les données doivent reposer sur des procédures indépendantes, désormais fragilisées par les coupes budgétaires, les licenciements ciblés et les nominations partisanes.
En attendant, Wall Street a tapé un nouveau record.