Huit milliards d’humains sur Terre : est-on trop ?

Ce 15 novembre, la population mondiale devrait dépasser les 8 milliards d’habitants. Il n’aura fallu que 11 ans pour atteindre le milliard supplémentaire. D’ici 2050 on devrait même atteindre les 9,7 milliards. La planète est-elle capable d’accueillir autant de monde ?

À en croire les modélisations de l’ONU, la population mondiale va dépasser les 8 milliards ce 15 novembre. En un peu plus de 200 ans, le nombre d’êtres humains aura été multiplié par 8. Cette explosion doit beaucoup à la vaccination et à la baisse de la mortalité infantile. Le phénomène s’est même accéléré au cours du siècle dernier puisque depuis 1974 le nombre d’êtres humains a tout simplement doublé.

Un pic à 10 milliards

Et ce chiffre va encore augmenter puisque la croissance démographique, bien que moins importante depuis quelques décennies, reste en hausse. On estime ainsi qu’en 2050, si rien ne change, la population devrait atteindre les 9.7 milliards. Néanmoins, selon les dernières projections des Nations Unies, le pic de cette vague populationnelle devrait cependant être atteint dès 2080 avec 10,4 milliards, avant de redescendre progressivement dès 2100.

On notera tout de même que d’autres projections annoncent des chiffres différents. Ainsi celle de l’Institut de statistiques et d’évaluation en santé (IHME) américain annonce plutôt un pic en 2064 avec 9,73 milliards de personnes pour ensuite baisser à 8,79 milliards en 2100. Une autre projection de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) et de la Commission européenne estime, elle, que les humains devraient être au maximum 9,8 milliards en 2070-2080. Une troisième projection datant de cet été “d’un jeune économiste de la banque HSBC, James Pomeroy, annonce un pic dès 2043 avec 8,5 milliards d’individus, pour redescendre jusqu’à 4 milliards en 2100, soit le niveau des années 1970”, précise encore Le Monde. Ces différentes projections aux chiffres parfois diamétralement opposés s’expliquent par le fait que modéliser la future population mondiale dépend de plusieurs paramètres et de données qui peuvent vite et radicalement changer selon le contexte. Parmi ces données (et sans compter une éventuelle guerre nucléaire ou une pandémie extrêmement mortelle), il y a l’âge des personnes, une estimation de l’espérance de vie, la mortalité ou encore le taux de fécondité.

Un enfant de moins pour sauver la planète ?

C’est sur ce dernier point que les projections diffèrent le plus souvent. Il est en effet très difficile d’estimer le désir d’enfanter des générations à venir.

Aujourd’hui, on estime qu’il y a 2.3 enfants par femme dans le monde. Si ce taux baisse un peu partout dans le monde, il se semble tout de même se stabiliser pour 70% des humains un peu en dessous du seuil de renouvellement des générations qui est de 2,1, principalement pour des raisons socio-économique. Pour enrayer les changements du climat devrait-on donc encore plus freiner la natalité, notamment en Afrique, pratiquement le seul continent à connaître forte progression démographique et qui abriterait un tiers de la population du monde en 2100 ? La réponse n’est pas si simple.

Premièrement, le choix d’avoir un enfant reste aujourd’hui un choix intime et un droit fondamental. Il ne peut être contraint, à moins de se retrouver dans un régime dictatorial, ce qui n’est pas vraiment souhaitable. La politique de l’enfant unique, au-delà du tabou, n’est de toute façon pas très efficace d’un point de vue écologique. Elle oublie ce qu’on appelle l’inertie démographique, soit le fait qu’il y a encore beaucoup trop de femmes capables d’avoir un enfant pour réduire la population. Pour que cette baisse démographique se traduise dans les faits, il faut plusieurs décennies. Même si on imposait, par exemple en Belgique, l’enfant unique, il faudra attendre à peu près 2100 pour diviser la population par deux. En sachant que les émissions auront baissé d’ici là, cela ne représenterait qu’une réduction entre 5 % et 10 % des émissions cumulées selon qu’on applique plus ou moins strictement la loi.

Quel est le coût climatique d’un enfant ?

En 2017, une étude suédoise conduite par Kimberly Nicholas a fait grand bruit puisqu’elle annonçait que faire un enfant de moins faisait plus de bien à notre empreinte carbone que de renoncer aux voyages en avion ou à la viande. Elle estimait à 60 tonnes d’équivalent CO2 par an et par enfant le “coût climatique” d’une naissance. Depuis, cette théorie est néanmoins nuancée, voire traitée de fantaisiste puisque cette estimation était basée sur des moyennes d’émissions d’un individu sur le long terme et qui ne baisseraient pas. Or aujourd’hui comment savoir combien produira de CO2 d’hypothétiques arrière-arrière-arrière-petits-enfants ? Si aucune vie humaine n’aura jamais un impact écologique absolument nul, une projection plus réaliste serait que l’impact d’un enfant va être autour d’une tonne par an, précise Emanuel Pont auteur du livre “faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète”.

Deuxièmement, plus qu’une question de nombre, ce serait surtout une question de mode de vie. On remarque que la croissance démographique est globalement forte dans les pays pauvres, mais ce n’est pas là qu’on pollue le plus. Ainsi, les pays à forte natalité, soit ceux qui ont plus de trois enfants par femme, représentent 20 % de la population mondiale, mais seulement 3 % des émissions de CO2. Ce n’est pas non plus cette partie du monde qui exploite le plus notre planète. Aujourd’hui, si on prend en compte tous les pays, il faudrait, selon les ONG Global footprint network et WWF, 1, 75 Terres pour subvenir aux besoins de la population mondiale. Mais ce chiffre change en fonction d’où l’on se trouve dans le monde. Ainsi, il faudrait 5 planètes pour un habitant du monde qui vit aux États-Unis et à peine 0.8 si cette même personne vit en Inde.

La notion de “jour de dépassement de la terre” est un autre exemple parlant du fait que ce sont surtout les comportements des humains qui ont un impact sur la planète. L’humanité dans son ensemble a consommé l’ensemble des ressources que la planète peut régénérer en un an à partir 28 juillet 2022. Or si on avait tous la même empreinte écologique que la Jamaïque, ce jour ne serait atteint que le 20 décembre 2022. À en croire ces chiffres, la planète serait donc, a priori, tout à fait capable de fournir suffisamment de ressources pour tout le monde, même si on est dix milliards, pour peu que tous les habitants de la planète consomment de façon responsable. Si aujourd’hui 10% de la population ne mange toujours pas à sa faim, c’est principalement pour des raisons climatiques et politiques, et pas démographiques.

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