Parfum de crise au gouvernement flamand

Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) © belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Pas d’accord sur le dossier sensible de l’azote. La crédibilité du ministre-président flamand Jan Jambon est entachée. Le politologue Dave Sinardet compare ce blocage… à celui que la N-VA dénonce pour la Belgique.

Il flotte un parfum de crise au sein de la majorité flamande, emmenée par la N-VA accompagnée de l’Open VLD et du CD&V. En dépit d’une longue réunion nocturne et de plus de dix-sept heures de discussion, les partenaires n’ont pu aboutir à un compromis sur le dossier sensible de l’azote. Le ministre-président, Jan Jambon (N-VA), se présentera les mains vides ce mercredi après-midi au parlement. Sans aucune certitude sur la perspective de voir ces discussions reprendre.

Alors que le gouvernement flamand s’était entendu il y a un an sur un grand plan azote, il a dû rouvrir la discussion à l’issue d’une enquête publique. Poussé par le Boerenbond et protégeant son ministre de l’Agriculture, Jo Brouns, le CD&V estime que les agriculteurs sont trop durement touchés par les restrictions envisagées – qui incluent des fermetures d’exploitations jugées trop grandes émettrices d’azote et classées “rouge” -, par rapport aux industriels.

“Des négociations constructives ont eu lieu sur quelques points mineurs”, mais la N-VA, entre autres, “ne veut pas bouger” sur deux “points fondamentaux” pour le CD&V, disait-on du côté des démocrates chrétiens flamands à l’issue des négociations.

Le SP.A a déjà proposé ses services pour dépanner la N-VA en vue d’une majorité alternative. Mais selon le Standaard, cette crise concerne bien plus que ce dossier certes délicat, entre impératifs économiques et contraintes environnementales: il s’agit tout simplement de voir si Jan Jambon dispose encore de l’autorité nécessaire

Jambon appelle au “sens de l’Etat”

Malgré l’échec de la nuit dernière, le ministre-président flamand Jan Jambon compte bien parvenir à un accord dans les prochains jours dans le dossier de l’azote, a-t-il affirmé mercredi après-midi à son arrivée au parlement flamand.

Si son gouvernement, malmené depuis des mois par ce dossier, est toujours “intact”, il en appelle néanmoins au “sens de l’État” de l’ensemble des partis afin de parvenir à un accord. “Je suis déçu mais déterminé”, a-t-il ensuite dit devant les parlementaires régionaux. “Le gouvernement a travaillé très dur ces dernières semaines. De nombreuses pierres d’achoppement ont été supprimées, mais il reste encore des points compliqués à résoudre. Jusqu’à présent, nous n’y sommes pas parvenus”, a-t-il reconnu.

La critique acerbe de Dave Sinardet

Dans une chronique publiée par le Morgen, voici quelques jours, le politologue Dave Sinardet (VUB) compare ce blocage… à celui que la N-VA dénonce pour la Belgique.

Il ironise, au départ d’une analyse inventée de toute pièce que voici:

« Le gouvernement Jambon avait pour mission, en faisant preuve d’unité dans sa gestion et en engageant des réformes fondamentales, de démontrer l’opérationnalité de la Flandre. Or, c’est tout le contraire qu’il nous donne à voir. En raison du fossé qui ne cesse de se creuser entre les différents partis, le modèle flamand se heurte à ses limites. L’immobilisme de la Flandre, dans à peu près tous les domaines, est devenu intenable.

La Flandre tenait là sa dernière chance d’apporter la preuve de sa valeur ajoutée, mais si les responsables flamands ne parviennent même pas à assurer la mise en œuvre effective de l’un des rares accords qui les liaient encore, c’en est terminé. Ils deviennent les fossoyeurs de l’autonome flamande à laquelle ils se cramponnaient tant. Une seule conclusion s’impose : cette région ne fonctionne plus. Face à un gouvernement flamand incapable de mener à bien le moindre chantier, une réforme de l’État est inévitable. Le moment venu, les partis flamands continueront de plier face au pouvoir, pour conserver leurs petits postes, mais il leur faudra désormais accepter que l’évolution vers une Belgique unitaire est devenue inéluctable. »

“Vous trouvez cette lecture de la crise que traverse le gouvernement flamand excessive, peut-être même grotesque, voire hystérique?, écrit Dave Sinardet Je ne peux que vous donner raison. Aucun responsable politique ou commentateur n’a en effet livré une telle analyse — à juste titre. Pourtant, elle vous semble familière n’est-ce pas ?

Et pour cause : dans les deux premiers paragraphes de cet article, remplacez « Flandre » par « Belgique », « Jambon » par « De Croo » et « unitaire » par « confédérale ». La démonstration n’en reste pas moins aussi emphatique que simpliste, mais l’écho qu’elle trouve dans les médias est bien plus retentissant.

De fait, je me suis inspiré, pour rédiger cette analyse fictive des déboires du gouvernement flamand, de déclarations récentes d’un certain nombre de faiseurs d’opinion et de responsables politiques (issus de partis non radicaux) — mais au sujet du niveau fédéral.

Cet exercice permet de mettre en exergue le ton et le vocabulaire employés, très différents selon que l’on vise le gouvernement régional ou national. Ainsi, si les désaccords au sein de l’exécutif flamand sont le plus souvent assimilés à un accident de parcours, les dissensions au sein de l’équipe fédérale sont invariablement interprétées comme une crise existentielle annonçant l’effondrement définitif du pays.”

Traduisez: la N-VA présente souvent le confédéralisme comme solution idéale pour la Belgique, mais peut-être ferait-il bien, par moments, de balayer devant sa porte.

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