A Anvers, le diamant perd de son éclat

Au cours des "golden sixties", quelque 30.000 tailleurs de pierre s’activaient à Anvers. Ils ne sont plus que quelques centaines aujourd’hui. © Getty Images

Récemment rénové et verdurisé, le quartier diamantaire d’Anvers brille à nouveau, mais en apparence seulement.

Les chiffres, en effet, sont implacables : après un fugace rebondissement post-covid lié à une reconstitution mondiale des stocks, le secteur du diamant n’en finit pas d’aligner les résultats médiocres, à tel point que certains médias évoquent sans ambages sa disparition prochaine. Les chiffres, il est vrai, sont alarmants. Alors qu’il assurait à lui seul, au cours de l’année qui a précédé la crise sanitaire, 4,1% de nos exportations et 3,7% de nos importations, son poids est retombé à, respectivement, 2,9% et 2,5% en 2023.

Et pour ne rien arranger depuis, les membres du G7, en ce compris l’Union européenne, ont progressivement interdit tout négoce de diamants russes bruts ou taillés d’au moins un carat, c’est-à-dire 0,2 gramme. Dans le contexte géopolitique actuel, la sanction est logique. Avec une part de marché de 35%, la Russie est en effet le premier producteur mondial, loin devant le Botswana (20%), le Canada (13,5%) et l’Afrique du Sud (8%). Pour la Russie, une grande partie des revenus de ce secteur contribue directement au financement de la guerre en Ukraine.

Pour Anvers, où les diamants russes représentaient 35% en volume et 25% en valeur des diamants traités, l’addition est lourde. En avril, Ari Epstein, CEO depuis 2010 de l’Antwerp World Diamond Center (AWDC), institution chargée de promouvoir Anvers en tant que capitale mondiale de l’industrie diamantaire, a soudainement présenté sa démission. Peut-être a-t-il joué la mauvaise carte, mais pouvait-il prévoir la tournure que prendraient les événements ? Estimant les diamants africains trop tachés de sang, Epstein s’est tourné vers la Russie dont les diamants étaient considérés, à l’époque, comme ne finançant aucun conflit. En 2013, un accord était signé entre l’AWDC et Alrosa, première société d’extraction de diamants au monde et dont la filiale belge vient de faire, au cours de l’été, aveu de faillite. Ces accords, renouvelés peu avant l’invasion de l’Ukraine, ont bien évidemment fait débat lorsqu’il s’est agi de fermer le marché.

Avec une part de marché de 35%, la Russie est en effet le premier producteur mondial, loin devant le Botswana (20%), le Canada (13,5%) et l’Afrique du Sud (8%). © Getty Images/iStockphoto

Il est loin le temps des “golden sixties”

Entre-temps, un autre s’est ouvert : celui des diamants synthétiques qui, initialement réservés à l’industrie, commencent à envahir le secteur du luxe et représenteraient aujourd’hui déjà 20% de la bijouterie en diamants. Ils présentent, la charge affective en moins, la même brillance et les mêmes feux, mais contrairement aux diamants naturels, ne valent plus grand-chose à la revente. Ce sont en effet des produits industriels dont les coûts de fabrication ne cessent de baisser, et leur production est loin d’être aussi écologique que leurs vendeurs le prétendent.

Mondialement, le diamant est en crise. De Beers, qui en a longtemps constitué l’étendard, se retrouve aujourd’hui mis en vente par son actionnaire, Anglo American. C’est dans ce contexte troublé qu’Anvers va devoir se réinventer. Au cours des “golden sixties”, quelque 30.000 tailleurs de pierre s’y activaient. Ils ne sont plus que quelques centaines. Le négoce a pris la relève, mais peut rapidement se déplacer. À Dubaï, par exemple, où les diamants russes peuvent continuer à circuler…

Guillaume Capron

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