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Fin des taux négatifs en zone euro? Pas si vite…

Alors que la faiblesse des taux n’est pas une situation neuve, il semble qu’elle fasse (enfin) de plus en plus de bruit. Ainsi, de très nombreux médias se sont demandés à l’occasion des traditionnelles prévisions de début d’année comment générer du rendement sur son épargne en 2020, un peu comme si tout le monde prenait conscience du caractère inédit des taux d’intérêt, mais aussi du fait que cette situation risque de durer.

Pourtant, cette situation n’est pas neuve : les taux d’intérêt de court terme sont négatifs depuis la première moitié de 2015, et le rendement de l’obligation de l’Etat belge est inférieur à 1% depuis fin 2015 et flirte même avec des niveaux négatifs depuis mi-2019. On ne va pas revenir ici sur l’intérêt ou non de pratiquer des taux négatifs. Faisons confiance à la Banque centrale européenne (BCE) : si elle a choisi de les implémenter, elle doit en avoir conclu que les effets indésirés restaient inférieurs aux bénéfices pour l’économie. Cela étant, la question des taux négatifs devient de plus en plus l’objet d’un débat public.

C’est un peu normal, car les conséquences d’une telle situation sont énormes, certainement en Belgique où l’inflation est loin d’être nulle. En effet, même sur une courte période, faire le choix de postposer sa consommation et donc d’épargner entraîne une perte de pouvoir d’achat. Et que dire des conséquences à long terme : dans cinq, dix ou vingt ans, on verra encore les effets des taux bas, dans la mesure où les rendements des capitaux accumulés à long terme pour se constituer un complément à la pension légale n’auront que peu fructifié.

Dans ce contexte de ” tensions ” autour des taux négatifs, de nouveaux éléments sont venus alimenter les spéculations sur les intentions de la BCE. Primo, sa nouvelle présidente, Christine Lagarde, a annoncé que la BCE procéderait en 2020 à une évaluation de sa politique monétaire. Cet exercice, réalisé épisodiquement, consiste à évaluer dans quelle mesure les objectifs et les instruments de la BCE sont les plus adaptés aux besoins de l’économie mais aussi s’ils sont les plus efficaces. En clair, un tel exercice peut donner lieu à une profonde révision de la ” manière ” avec laquelle la BCE opérera, dans le futur, sa politique monétaire. Secundo, la Banque centrale de Suède a décidé, en décembre dernier, de remonter son principal taux de politique monétaire à 0%, alors qu’il était négatif. De nombreux observateurs ont associé, certainement un peu vite, ce mouvement à un aveu d’inefficacité des taux négatifs. Tertio , l’inflation a légèrement surpris à la hausse en décembre en zone euro. Certes, elle n’est passée que de 1 % en novembre à 1,3 % en décembre, mais c’était suffisant pour faire reparler d’elle.

Prenez donc la révision de la politique monétaire de la BCE, la fin des taux négatifs en Suède et un soupçon d’inflation, secouez bien le tout, et il n’en faut pas plus pour alimenter dans les marchés financiers l’idée que la BCE pourrait, en 2020, faire volte-face en matière de taux et, elle aussi, en finir avec les taux négatifs. Dans un contexte où justement la question des taux négatifs dépasse le stade des discussions théoriques et devient presque un débat de société, un tel scénario trouve inévitablement un terreau fertile pour prendre racine.

Rien n’est impossible, mais on est probablement encore loin d’une telle décision. Remonter le taux de dépôt à la BCE (qui est actuellement de -0,5%) vers 0% reviendrait, même dans le cadre d’une réévaluation de la politique monétaire, à un durcissement de celle-ci. Ce n’est pas vraiment ce dont l’économie de la zone euro a besoin. Par ailleurs, une telle décision entraînerait probablement aussi une remontée des taux longs, et donc du coût de financement des Etats de la zone euro, ce qui n’est pas non plus très enviable dans la période actuelle.

Bref, il faut rester réaliste : malgré les effets indésirés, il serait très difficile pour la BCE de faire demi-tour en matière de taux pour le moment. Il est aussi très difficile d’imaginer, à plus long terme, que nos économies connaissent à nouveau des niveaux de taux d’intérêt semblables à ceux que l’on a connus il y a 10 ou 15 ans. La situation de taux faible devient de plus en plus structurelle, au sens qu’elle n’est pas due à des phénomènes passagers, mais elle correspond davantage à ce que nos économies sont devenues, n’en déplaise à l’épargnant…

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