Qui a le plus de chances de devenir Premier ministre ?
Les favoris, les outsiders, les surprises et les très grosses surprises. Celui qui s’y voit y est rarement nommé. Celui qui y est, doit en payer le prix politique. Qui accédera au 16 rue de la Loi ?
Si l’on exclut l’extrême droite et l’extrême gauche, qui n’ont d’ailleurs pas d’ambitions fédérales, le nombre de sièges pour décrocher une majorité se réduit sérieusement. Pour les partis traditionnels, le temps des exclusives est révolu. Seul DéFi a annoncé son impossibilité de gouverner avec la N-VA, mais dans le tout dernier sondage RTL-Info/Le Soir, le parti amarante ne pèse plus qu’un seul siège.
Les combinaisons sont multiples, mais deux coalitions sont régulièrement plébiscitées. La reconduite de la Vivaldi ou une nouvelle Suédoise, soit les deux dernières formules qui se sont succédé. Problème : aucune de ces deux coalitions ne semble récolter une majorité. La première, surtout à cause de la dégringolade des Verts, qui d’après les sondages, seraient les grands perdants du scrutin. La seconde, plutôt à cause de la chute de l’Open Vld, qui est l’autre grand perdant annoncé. Dans le cas d’une Vivaldi II, il faudrait donc y ajouter les Engagés. Dans le cas d’une Suédoise II, en plus des Engagés, il faudra trouver une autre formation.
Les favoris : De Wever ou Magnette ?
Il était généralement admis, rue de la Loi, que le plus grand parti, ou en tout cas la plus grande famille politique, prennent les clés du Seize. C’est d’ailleurs un défaut de fabrication des deux précédentes législatures : la Vivaldi, qui se privait des deux plus grands partis flamands – la N-VA et le VB – a couronné un Flamand Premier ministre : Alexander De Croo, leader de la 7e formation politique. Pour la Suédoise, le MR, seul parti francophone, a reçu le strapontin, en la personne de Charles Michel.
Cela a déjà été dit, mais ça n’en reste pas moins vrai : Alexander De Croo et Charles Michel ont chacun dû compter avec un Premier ministre de l’ombre, avec Paul Magnette et Bart De Wever, retranchés à Charleroi et à Anvers. Le PS et la N-VA ont pesé de tout leur poids sur les précédentes coalitions, affaiblissant les prérogatives du chef de gouvernement, sur le plan intérieur, en tout cas. Le poste de Premier ministre a souvent un prix élevé.
Mais si De Wever obtient une Suédoise II, il a de grandes chances de devenir Premier ministre. Si Paul Magnette obtient une Vivaldi II, il a tout autant de chances de prendre les clés du Seize, rue de la Loi. La première coalition n’est pas impensable, avec Vooruit en appoint, dont la présidente, Melissa Depraetere, vient d’annoncer que son parti ne serait pas scotché au PS. La deuxième coalition a également ses chances, puisqu’il ne faudrait que les Engagés, même si ce serait un nouveau terrible signal pour la Flandre.
Pour ne rien faciliter, il est admis que Bart De Wever préfère discuter avec le PS, car c’est avec ce parti, estime-t-il, qu’il a le plus de chances de faire aboutir une réforme de l’État, ou en tout cas de la négocier. Après tout, PS et N-VA ont négocié pendant longtemps un accord de gouvernement, en 2020. De Wever a même déjà tout prévu : opter pour un mini-cabinet, avec des coalitions miroirs par rapport aux Régions, pour s’occuper de l’essentiel, et négocier, en coulisses, une réforme de l’État. Mais De Wever et Paul Magnette ont déjà fait une exclusive sur le 16 : impossible de gouverner avec l’autre sans détenir le poste suprême.
Ce qui pourrait ouvrir la voie à d’autres. Des mains ont d’ailleurs été tendues entre les nationalistes flamands et les libéraux, ces derniers jours. Il faut dire que leurs programmes socio-économiques sont très proches.
Les outsiders : Bouchez ou Wilmès ?
Si le MR veut se placer au centre du jeu, il doit se rendre indispensable et donc scorer. Or, dans le dernier sondage, la formation libérale a le vent en poupe, au point de décrocher le premier rang du côté francophone. La N-VA ferait de même hors VB. Leur alliance pourrait couronner De Wever, mais les libéraux francophones ont une carte à jouer.
Dans ce cas de figure, Georges-Louis Bouchez, leader de son parti, est un nom qui, sur papier, peut paraître logique. Mais le président des libéraux a trois éléments qui jouent contre lui : l’aversion qu’il suscite, son manque de connaissance du néerlandais et Sophie Wilmès. Celle qui est aujourd’hui sur une liste européenne reste la personnalité préférée des francophones et n’a pas totalement renoncé au Seize.
Le même raisonnement pourrait valoir pour Alexander De Croo, personnalité souvent plébiscitée comme Premier ministre. Mais l’Open Vld est en déroute et fait l’objet d’attaques constantes de la N-VA, qui ne veut rien d’autre que sa peau, pour puiser ses derniers électeurs. Hier, le Premier ministre a joué son va-tout lors du débat des présidents flamands : il a ouvert la porte du 16 à Bart De Wever, dans le cadre d’une coalition des droites.
Dans le cas d’une Vivaldi II, on imagine mal Paul Magnette laisser la place une deuxième fois de suite. Alexander De Croo a très peu de chances de redevenir Premier ministre.
Les surprises : Prévot, Mahdi, Van Peteghem ou Depraetere ?
Tous ces éléments nous mènent à la piste surprise. Les rivalités des uns et des autres, quelle que soit la coalition, sont de nature à boucher l’accès au poste de Premier ministre, qui pourrait aboutir dans l’escarcelle du faiseur de roi.
À ce petit jeu, Les Engagés et le cd&v pourraient faire renaitre la famille démocrate-chrétienne et devenir les partis pivots. Maxime Prévot et Sammy Madhi, les deux présidents, ont déjà annoncé leur intention de gouverner ensemble, et sont deux noms qui reviennent de plus en plus régulièrement. Celui de Vincent Van Peteghem (cd&v), à l’image plutôt consensuelle et sans ennemis, aussi. Cette piste démocrate-chrétienne est d’autant plus renforcée qu’un rapprochement a été opéré entre le cd&v et le MR. À voir si cela se ferait dans une configuration vivaldienne, suédoise+ ou au sein d’un mini-cabinet.
L’autre parti qui sera sans doute fortement courtisé est Vooruit, même si les socialistes flamands sont en perte de vitesse depuis les déboires de Conner Rousseau. De retour, il ne semble plus du tout premier-ministrable, ce qui laisse une chance, mince, pour Melissa Depraetere.
Les très grosses surprises : Charles Michel ou Petra De Sutter
C’est une piste qui a régulièrement été chuchotée par certains élus MR : le retour de Charles Michel, pour délier une situation inextricable, après plusieurs centaines de jours blocage, Bouchez ne parvenant pas à ses fins. Il ne faut jamais sous-estimer le sens tactique de Charles Michel, toujours bien placé, au bon endroit, au bon moment. Mais selon les toutes dernières informations de Politico, le président du Conseil lorgnerait à nouveau un poste européen : Haut représentant de la politique étrangère. Celui qui a finalement décidé de rester jusqu’au bout de son mandat, en décembre prochain, serait occupé à mettre des bâtons dans les roues de sa rivale de toujours, Ursula von der Leyen, candidate à la Commission. Les hauts postes européens se négocieront à partir de fin juin.
La dernière piste est très improbable, mais pas impossible. Si Groen devait faire office de variable d’ajustement, le nom de Petra De Sutter pourrait émerger. De l’avis de beaucoup, rue de la Loi, elle est tenue en haute estime, capable de réaliser des compromis.
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