Qu’est-ce que la taxe Zucman, qui pourrait rapporter 6 milliards d’euros aux caisses de l’Etat, selon le PS ?

Paul Magnette mène l'opposition depuis la Chambre. (Belga)
Baptiste Lambert

Dans un contexte budgétaire sous tension, le Parti Socialiste dégaine une proposition choc : une taxe sur les grandes fortunes, inspirée des travaux de l’économiste français Gabriel Zucman. À la clé, selon les calculs du PS : 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’État belge. De quoi, promet le parti, renforcer le pouvoir d’achat de la classe moyenne, mise à rude épreuve ces dernières années.

Pour Paul Magnette, président du PS, le diagnostic est clair : la fiscalité belge est profondément déséquilibrée. « Dans un contexte budgétaire difficile, la droite décide de faire payer la classe moyenne à 95% mais les grands patrimoines y participent très peu », déplore-t-il dans le communiqué accompagnant le dépôt de la proposition de loi. Le PS veut donc « rééquilibrer » le système et générer un « choc de justice fiscale ».

Le parti s’appuie sur les chiffres de la Banque nationale : en Belgique, 1 % des ménages les plus riches détient à lui seul un quart de la richesse totale du pays, et les 10 % les plus fortunés concentrent 55 % du patrimoine net. À l’inverse, les travailleurs, selon Magnette, paient en moyenne près de 40 % d’impôts, quand les grands détenteurs de capitaux s’en sortent avec des taux bien plus faibles.

Deux leviers fiscaux ciblés

La proposition de loi, déposée à la Chambre, repose sur deux piliers. Le premier vise les grandes fortunes, à partir de 5 millions d’euros de patrimoine. Une taxe de 1 % serait appliquée à cette tranche de richesse, et grimperait à 2 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Il s’agit, insiste le PS, d’un impôt progressif et conçu pour limiter l’évasion fiscale.

Le second pilier concerne la spéculation boursière, actuellement peu, voire pas du tout, taxée en Belgique. Le PS propose de la taxer à hauteur de 30 %. Une mesure qui, selon Magnette, ne viserait que ceux qui « jouent copieusement en bourse et font des gains énormes » — soit une minorité de contribuables. Une expression toutefois relativement floue.

Une mesure ciblée sur les ultra-riches

Le PS insiste : ces mesures ne toucheraient que 2 % des Belges, les détenteurs des plus gros patrimoines. L’objectif affiché est d’utiliser les nouvelles recettes pour financer des politiques favorables à la classe moyenne, notamment en matière de pouvoir d’achat, de transition écologique, de santé, de pensions ou encore d’éducation.

Magnette fustige aussi les grandes fortunes internationales, comme Elon Musk, Jeff Bezos ou Bernard Arnault, qui — selon lui — « n’ont quasiment jamais payé d’impôt, tout en étant assis sur des milliards ». Une manière de souligner l’urgence d’une réforme à l’échelle non seulement belge, mais aussi européenne et internationale.

Une initiative dans l’air du temps

La taxe Zucman proposée par le PS ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large qui traverse plusieurs pays occidentaux. Face aux besoins croissants de financement des politiques publiques, notamment liées à la transition climatique et à la justice sociale, les appels à une meilleure contribution des ultra-riches se multiplient.

Du côté du gouvernement fédéral, on a privilégié une autre approche : la baisse des dépenses publiques, parmi les plus élevées des pays de l’Union européenne. À terme, en fin de législature, le but est également de réduire la taxation sur le travail, la plus élevée des pays de l’OCDE, ce qui s’annonce toutefois être un exercice très délicat au vu du contexte budgétaire. Parce que du côté des nouvelles recettes fiscales, le gouvernement fédéral ne mise que sur la seule taxe des plus-values de 10%, qui doit encore faire l’objet d’un accord politique.

Des critiques

Les détracteurs de la taxe Zucman soulignent d’abord les risques d’évasion fiscale, en raison de la grande mobilité des ultra-riches et de la complexité à évaluer certains actifs comme les entreprises non cotées. Sans coordination internationale, il serait aisé pour les grandes fortunes de déplacer leur patrimoine vers des paradis fiscaux. D’autres craignent une fuite des capitaux et des talents, avec des conséquences négatives sur l’investissement et l’emploi locaux.

En outre, certains analystes doutent du rendement réel d’une telle mesure, estimant les projections budgétaires trop optimistes au vu des obstacles administratifs et juridiques. La taxe pourrait aussi n’avoir qu’un effet symbolique si elle n’est pas accompagnée d’une réforme fiscale plus large. Enfin, beaucoup insistent sur la nécessité d’un cadre européen ou international pour éviter les effets de concurrence entre États, ce qui en complique fortement la mise en œuvre.

Sur la proposition du PS en tant que telle, l’économiste en chef du Voka (patronat flamand), Bart Van Craeynest, rappelle que la taxation sur le patrimoine est, elle aussi, déjà élevée en Belgique. Si on y ajoutait cette forme de taxe sur les millionnaires, cela conduirait à la pression fiscale la plus élevée des pays de l’UE, à près de 5% du PIB.

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