Pierre Wunsch, pas impressionné par l’accord Arizona : “Il est loin d’être clair que le déficit diminuera suffisamment rapidement”
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Cette semaine, le gouverneur de la Banque nationale a présenté comme chaque année le rapport annuel de l’institution sur les développements économiques de la Belgique l’an dernier. Et un des chapitres, bien évidemment, a concerné l’état peu florissant des finances publiques. Cela devient un marronnier : on ne compte plus les avertissements des gouverneurs successifs de la BNB, depuis Fons Verplaestse à aujourd’hui Pierre Wunsch en passant par Guy Quaden et Luc Coene, qui ont visé les finances de l’Etat.
Cette année encore, donc, Pierre Wunsch a enfoncé le clou, en soulignant au passage que le nouveau gouvernement, en tout cas au vu de la déclaration gouvernementale, risque de ne pas foncièrement résoudre ce problème devenu structurel.
Ad nauseam…
« Le déficit public est en ligne avec nos prévisions, malheureusement, avec à nouveau une augmentation en 2024, alors que c’était déjà le cas en 2023 », rappelle Pierre Wunsch. Le déficit budgétaire était en effet de 3,6% du PIB en 2022, 4,2% en 2023 et 4,6% en 2024.
« Et cela, ajoute Pierre Wunsch, malgré le fait que le déficit ne soit plus influencé par les charges exceptionnelles qui étaient liées aux diverses crises de ces dernières années (covid, crise de l’énergie, …). Et je suis forcé de rappeler ce que j’ai déjà dit ad nauseam au cours des dernières années : nous avons un problème structurel, la trajectoire ne va pas dans la bonne direction, et cela est essentiellement dû aux dépenses publiques qui augmentent plus rapidement que la croissance ».
Pierre Wunsch ajoute : « Si c’est un choix politique, “so be it”, mais l’augmentation des recettes en 2024 n’est pas suffisante pour couvrir l’augmentation des dépenses ».
Déclaration peu claire
Le dérapage provient principalement des dépenses sociales, en partie à cause de l’impact du vieillissement de la population. Dans ce domaine, « nous sommes parmi les plus mauvais élèves de la classe européenne », souligne Pierre Wunsch qui rappelle les études faites par le bureau du plan et le comité d’étude sur le vieillissement.
Ces études estiment que l’ensemble des dépenses sociales de l’Etat, qui pesaient 25,8% du PIB en 2023, représenteront 30% du PIB en 2070, ce qui représente un cout budgétaire de 4,1% du PIB entre 2023 et 2070. « Tout cela conduit à une pression sur le niveau des dépenses publiques à priori plus importante en Belgique que dans d’autres pays, note le gouverneur de la BNB, qui poursuit : « honnêtement, si l’on regarde la déclaration gouvernementale, il est loin d’être clair que le déficit diminuera suffisamment rapidement dans les années à venir. Nous attendons bien sûr le budget et la trajectoire que le gouvernement et l’Europe devront donner. Mais si nous faisons une estimation grossière de ce qui est dans la déclaration gouvernementale, il n’est vraiment pas clair que nous retournions à un déficit de 3 % du PIB. Il n’est pas clair non plus que le déficit diminuera suffisamment en comparaison avec les chiffres de 2024. Tout cela à nouveau, sur la base de l’accord gouvernemental et non sur celle des décisions budgétaires à venir, mais je crains que cela reste un problème ».
Panique à bord
Bien sûr, la Belgique de 2025 n’est pas la Grèce de 2010. « Nous restons protégés par une position d’investissement nette par rapport au reste du monde qui est positive, par une économie qui est relativement dynamique et diversifiée. Mais on ne peut certainement pas exclure les accidents en la matière si nous devions être confrontés à un choc ». Car les cibles peuvent changer de camp. Hier, il s’agissait de l’Irlande, de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne. Mais ces pays ont réglé leurs problèmes, alors que « les marchés commencent à regarder la situation budgétaire dans des pays comme la France et la Belgique »
Et Pierre Wunsch insiste : « Je vais répéter quelque chose que j’ai déjà dit les années précédentes, mais qui se matérialise encore plus dans le contexte actuel. Être confronté à des contraintes budgétaires par rapport auxquelles on ne parvient pas à s’adapter et à des choix qu’on ne parvient pas finalement à faire de manière claire fait que quand on est confronté à un choc géopolitique – comme les Américains venant nous dire que demain, la défense de l’Europe, ce sont les Européens – c’est panique à bord.
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